La liberté confisquée : Chapitre 5

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Les révolutions qui triomphent ne sont pas toujours celles que les peuples ont voulu. Elles sont toujours celles que les élites ont su utiliser.

Gustave Le Bon

Qu’il est bon de voir cette boule de laine diminuer, lentement mais sûrement, à mesure que tu la déroules avec courage. Mille excuses pour les fils qui traînent dans ta cuisine. Désolé de te pousser à chercher du popcorn avant de savourer le long métrage qu’on s’apprête à regarder. Et pardonne-moi pour ces premiers chapitres dont la vérité crue ravive des sentiments pas forcément agréables.

C’est pourtant un mal nécessaire.

On vient de voir que notre pays est une poudrière. Que les peuples d’Europe sont à cran. La montée des tensions se répand un peu partout en Occident.

Au bout du rouleau (à juste titre), j’imagine que beaucoup de français espèrent que « la prochaine rentrée » amorce un grand virage pour le peuple. Qu’il s’agit-là de l’ultime épreuve capable de nous délivrer grâce à un sursaut de la population. Une sorte de nouvelle prise de la Bastille qui nous permettrait de reprendre enfin notre vie en main. Ou du moins, de faire table rase de la mafia en place pour dessiner le monde de demain.

Certains prient pour assister à une espèce de revanche éclatante des gilets jaunes. Une démocratie qui porterait enfin son nom aux termes d’une épique conquête de notre liberté entre les fumigènes, les colonnes de CRS et les palettes en feu.

Je sais ce que ça fait de ressentir ça, j’ai connu cet espoir candide au fond du cœur. Mais je me dois de ramener la lucidité et le sang-froid au premier plan, ce n’est pas pour tout de suite. Et voici pourquoi : la rentrée, c’est pour les élites l’art de remettre notre cage sous tension.

On sait qu’ils mentent… et pourtant la mécanique revient, chaque année, à la même saison. Exit le rosé au bord de la piscine, l’écran total et les crèmes glacées… La « rentrée » n’est pas un simple calendrier scolaire, c’est un dispositif. Un outil. Une dramaturgie qui se joue en actes, bien huilés, où chacun tient son rôle. Voici comment ça se passe…

Acte I

Le retour des chefs

Fin août, on coupe les rubans de l’été avec le retour des universités d’été des partis, les séminaires de rentrée, les « réunions de famille » militantes. C’est là qu’on resserre les récits, qu’on choisit les mots qui deviendront des éléments de langage. Les médias parlent de « rentrée politique », pendant que l’Élysée relance ses consultations et que le Conseil des ministres rouvre le bal.

Acte II

Le piège structurel de l’automne : le budget

Chaque automne, c’est la même charnière : le Projet de Loi des Finances (budget de l’État) et le PLFSS (Sécu). La présentation en Conseil des ministres est prévue fin septembre ou début octobre, puis on l’examine d’octobre à décembre. C’est la haute saison des fameux « il n’y a pas d’alternative ». Les dates varient, la logique reste la même : l’exécutif doit « tenir » le texte coûte que coûte.

Acte III

Le sifflet constitutionnel (49.3)

Quand la majorité n’y est pas, le gouvernement dégaine l’Article 49.3. C’est l’adoption forcée, puis les motions de censure rituelles. L’outil est ancien et massivement employé sous la Vᵉ République. Les années macronistes l’ont normalisé sur les budgets. Traduction politique : la discussion parlementaire devient le périmètre de communication.

Acte IV

La « rentrée sociale » calibrée

Côté syndicats, les mois de septembre et d’octobre servent de thermomètre. Il y a les ultimatums, les journées interpro, les appels à la grève « pré-budget ». Même quand ils ne défilent pas « avec » un parti, ils posent leurs propres dates et mots d’ordre. L’intersyndicale jauge l’humeur et négocie sa place à table.

Acte V

Le test de la rue

L’automne est historiquement propice aux déflagrations : 1995 (plan Juppé) se joue du 24 novembre au 15 décembre, avec une paralysie des transports et des replis gouvernementaux partiels.

Les Gilets jaunes démarrent aussi en plein automne. Les premiers blocages et l’ « Acte 1 » surviennent le 17 novembre 2018, puis montée en puissance durant décembre et janvier.

C’est aussi le cas en 2010 avec une grande séquence contre la réforme des retraites (à 62 ans).

En 1986, contre la loi Devaquet, se forme un mouvement lycéen et étudiant de grande ampleur avec un pic fin novembre–début décembre (et la mort de Malik Oussekine le 6 décembre).

Ce n’est pas du tout « un hasard du calendrier », c’est l’endroit dans l’agenda où la contrainte budgétaire rencontre la contestation.

Acte VI

La doctrine d’ordre (et la fabrique de l’exception)

Si la rue durcit le ton, l’exécutif cadre les débordements à base de maintien de l’ordre, de séquences « responsabilité » et de « sérieux budgétaire ». Le pouvoir dégaine les recours procéduraux (articles 47, 49.3). Et, en cas de blocage, on sort du chapeau des lois spéciales ou des décrets. Le message est clair : on gouverne, on rassure les marchés, mais surtout on passe coûte que coûte. Les rédactions déroulent l’éternel duel des « réformistes vs jusqu’au-boutistes ».

*

Chaque rentrée rejoue donc la même pièce et ta liberté, ici, se mesure à ta capacité à voir la mécanique avant qu’elle ne t’englue. Pour y parvenir, il nous faut poursuivre l’anatomie de la rentrée afin de s’apercevoir que les acteurs ont tous un rôle bien défini.

L’Élysée et Matignon sont les horlogers. Ils fixent le tempo via le Conseil des ministres, « grands discours », les séquences dans les médias. Leur objectif est de tenir le budget ainsi que l’agenda politique jusqu’à Noël. Quand la majorité manque, on agite, comme je te l’ai dit, le 49.3 sur les textes financiers, puis vient la censure rituelle. Je le répète, le message implicite est pourtant clair : « on passera coûte que coûte ».

Bercy, c’est l’ingénierie de la contrainte. On monte les chiffres, on verrouille l’argument qui dit « il n’y a pas d’alternative », on orchestre l’automne budgétaire.

Le Haut Conseil des finances publiques valide (ou fragilise) la crédibilité des prévisions. Ses avis deviennent des munitions narratives. Au-dessus, Bruxelles évalue les projets de budgets (DBP), le respect des nouvelles règles, et brandit la procédure de déficit excessif. Résultat, on obtient une contrainte « objective » qui justifie le passage en force.

L’Assemblée nationale, c’est la scène où se joue le débat, les batailles d’amendements, les nuits blanches puis le 49.3 si besoin. L’automne parlementaire est cadencé par le calendrier budgétaire, ce qui produit une dramaturgie bien lisible pour l’opinion qui s’infirme en regardant la TV.

Le ministère de l’Intérieur et les préfectures incarnent le pilotage légal et policier des foules. Ils gèrent les autorisations pour les manif’ ainsi que les parcours et assurent le maintien de l’ordre selon la doctrine nationale. L’objectif est de canaliser la colère pour que l’économie continue et que l’agenda budgétaire tienne.

Quant au patronat (MEDEF, CPME, U2P), il est l’aimant de la « responsabilité ». Grâce à lui, on met en scène la ligne « compétitivité – sérieux – prévisibilité », on valorise les accords de branche et la « réforme » raisonnable. Le patronat pèse sur les concessions « sociales » minimales pour obtenir la paix des ateliers.

Les syndicats, pour le dire crûment, dans la logique des élites, sont utiles quand ils transforment l’orage en pluie fine : ils rendent la colère prévisible, mesurable, négociable. Ils opèrent dans un pays à faible syndicalisation. Du coup, leurs séquences de rentrée servent surtout à prendre la mesure du conflit et à ouvrir une issue négociée.

Enfin, les médias généralistes et les instituts de sondage sont les multiplicateurs. Ils transcrivent la pièce en un récit binaire via un cadrage particulier, ils mesurent « l’opinion » et calent l’échelle du coût politique d’un éventuel recul.

Ensemble, tous les acteurs transforment la colère en courbe, puis en compromis. Ce n’est pas plus compliqué que ça.

Tu sais, dans La Pelote Bleue, j’évoque l’idée que les élites (BlackRock, WEF, etc.) disposent d’IA prédictives ou de modèles d’ingénierie sociale capables d’anticiper et de canaliser les réactions populaires.

A l’époque, je pose même l’hypothèse d’un « logiciel global » qui orchestre des séquences de crises et de répit, calibrées pour amener progressivement l’acceptation de l’Agenda 2030.

Dans ce même livre, je rappelle que les révoltes locales (à l’époque au Sri Lanka, Pays-Bas, Allemagne, Canada), bien que massives, sont soit écrasées, soit tues médiatiquement, soit recyclées par le système.

Ainsi, l’effet est quasi nul sur le plan structurel — preuve que certaines explosions populaires peuvent être « encaissées » comme de simples galops d’essai sans menacer la trajectoire générale.

Aujourd’hui, je te certifie que le programme EMBERS (soutenu par l’écosystème IARPA et DARPA) a prédit des manifestations ainsi que des émeutes via des news, des tweets, des recherches, etc.

Le programme OSI (IARPA) et le système ICEWS, pour le projet Mercury du département de la défense Américaine (DoD) visent la prévision de crises socio-politiques.

Je peux aussi te garantir que Aladdin, la plateforme techno de BlackRock qui « écoute le monde des marchés financiers » est un moteur d’insights et de scénarios qui centralise les données des marchés, les risques, les stress tests, etc. BlackRock a même greffé de l’IA a cet outil via le partenariat Clarity AI.

Au Royaume-Uni, on a la Behavioural Insights Team (BIT) créée pour influencer les comportements par le design de politiques publiques. L’OCDE documente l’usage massif de ces approches par les États.

Enfin, à Davos, le WEF Strategic Intelligence fournit des briefings assistés par IA et des cartographies thématiques pour les gouvernements. C’est si efficace que les Émirats l’ont adopté en 2024. On voit bien que la planification appuyée par IA côté « élites » devient un réflexe assumé.

Tu sais, dans « How the World Works (1996) » Noam Chomsky disait :

« Si les protestations ne s’accompagnent pas d’une stratégie de long terme, elles deviennent des soupapes de sécurité. Le système s’en nourrit pour se renforcer. ». C’est ainsi, en effet, que le monde fonctionne…

Je vais même plus loin aujourd’hui, et je te dis qu’aucune révolution ne peut apporter un réel changement. Et pour le prouver, je te propose une rapide analyse au scalpel.

Comment fonctionne une révolution ?

Il faut d’abord un bois sec. Parce que rien ne brûle sans combustible. Avant les fourches et les têtes coupées, il y a la panne. Les salaires qui stagnent, les prix qui s’envolent, l’État qui se fissure (impôts, dette, services publics en ruines), la jeunesse sans horizon, les élites trop nombreuses pour trop peu de fauteuils.

Le terrain craque, mais ça passe encore au journal de 20h. Tout le monde sent que quelque chose est cassé, mais personne ne sait où poser les mots.

Ensuite, il faut l’étincelle. Un détail (en réalité un symbole) qui met le feu. Ça peut être une facture d’énergie délirante, une bavure, une réforme imposée, un scandale de corruption jusqu’à l’os. Ce n’est pas « le » problème, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Elle concentre des années d’humiliation diffuse. La colère sort de la gorge, change de timbre, trouve sa phrase claire dans toutes les bouches : « Ça suffit. »

Une révolution ne naît jamais sur un mur lisse. Elle a besoin d’une fissure au sommet. La brèche est faite de rivalités d’élites, de coalition qui cède, d’une police qui hésite, de juges qui temporisent. C’est la minute où l’État n’a plus assez de bras pour tout tenir à la fois. La rue s’engouffre alors dans la faille, les places se nomment, les assemblées s’improvisent et l’impossible devient plausible. On voit naître des « nous » qui n’existaient pas la veille.

Ensuite, on assite à la double commande. C’est ce moment où le pouvoir légal existe toujours… mais un autre pouvoir pousse fort. Ce sont des comités citoyens, des grèves générales, des médias alternatifs ou encore une caisse commune.

Puisque deux lignes de commande opèrent sur le même pays, ça discute, ça s’échauffe, ça s’organise en marchant. Les plus modérés veulent sécuriser ; les radicaux refusent les compromis. C’est instable, vibrant, dangereux et ça paraît fertile. On croit que tout peut basculer, dans le bon sens comme droit dans le mur.

Vient le moment de la forge et de ses brûlures. L’énergie monte, puis on durcit le ton. L’exception s’installe, côté État comme côté rue. Les puristes purgent, les opportunistes négocient, les adversaires infiltrent.

C’est ici que se joue l’âme de la séquence : on peut fabriquer quelque chose de commun… ou accoucher d’un monstre de contrôle. Hélas, l’histoire montre une tendance lourde. Quand la chaleur augmente, la centralisation gagne. Le risque s’appelle Thermidor : après la flamme, vient la camisole.

Après le coup de chaud, on a droit au gel. Le régime « nouveau » se pose et la paperasse suit. On retouche la constitution, on pose de nouveaux sigles, mais on a le même réflexe de verrouillage.

Les visages changent, l’ossature reste. Les vainqueurs installent leur normalité, souvent avec les outils qu’ils dénonçaient la veille (surveillance, tribunaux d’exception, morale officielle). C’est propre, cadré, rassurant… jusqu’à la prochaine révolution.

En clair, les élites tournent et le système se réorganise. Et c’est très largement documenté.

Pourquoi les révolutions ne changent jamais l’ossature du pouvoir ?

Parce que le pouvoir sait provoquer et canaliser.

Rien de tel qu’un mouvement prévisible pour un appareil qui sait mettre les doigts dedans.

Infiltrer, semer la zizanie, pousser quelques têtes brûlées à la faute, amplifier la casse au bon moment… On salit la cause, on divise la base, on justifie la matraque.

Au final, on obtient des escalades « utiles » au récit de l’ordre (« vous voyez bien qu’ils sont violents »), des coalitions fissurées et du tempo cassé. La colère qui existait devient gérable. Et le peuple repart à zéro, un peu plus fatigué.

Ensuite, le pouvoir sait anticiper.

Les gens croient pouvoir renverser quelque chose, sauf qu’en haut, on a déjà négocié. Quand les élites se fracturent, ce n’est pas toujours une faille, c’est souvent un pacte.

Un deal discret fixe le périmètre du possible sous forme de calendrier taillé sur mesure, de constitution intérimaire anesthésiante, d’immunités pour les sortants, d’armée qui arbitre. La rue obtient la scène mais le script était écrit.

Le pouvoir sait parfaitement exploiter.

« Il ne faut jamais gâcher une bonne crise »[1]. La panique est un outil. Quand tout brûle, on fait facilement passer ce qui ne passerait jamais à froid : des lois d’exception, des privatisations massives, un recentrage « responsable », des chocs vendus comme « nécessaires ».

Qu’on aime ou pas le concept, la mécanique est toujours la même… profiter de l’évanouissement collectif pour fabriquer le consentement. Après, on te dira que c’était pour ton bien.

Le pouvoir maîtrise l’art de la récupération.

C’est le retour des vieilles mains. Même quand la rue renverse la table, la vieille garde revient. Soit par les urnes, soit par les bottes ou soit par les billets. Pendant un temps, on parle d’espoir, de dignité, de printemps. Puis la machine se recompose et recycle d’anciennes ombres. On retrouve le même appareil coercitif mais sous de nouvelles couleurs. Les élites circulent, elles ne disparaissent pas.

Le sentiment amer qui reste, c’est que ce sont juste les mêmes marionnettistes avec de nouveaux marionnettistes adjoints.

Enfin, le pouvoir sait tout de la gravité organisationnelle.

C’est la loi d’airain. Plus un mouvement grandit, plus il délègue. Et plus il délègue, plus il bureaucratise. Et la bureaucratie finit en oligarchie.

C’est ce qu’on appelle la gravité politique : les organisations retombent vers un noyau dur qui tient les clés, les comptes et le carnet d’adresses.

Ce décryptage se résume en une phrase de Jean-Baptiste Alphonse Karr : « Plus ça change, plus c’est la même chose. »

Dans La Pelote « rouge » (mon premier volume), j’avais déjà mis en lumière le triptyque Problème – Réaction – Solution, en expliquant que le peuple répond souvent par la réaction attendue, renforçant la légitimité du système. Ce mécanisme Problème–Réaction–Solution est utilisé par des groupes de pouvoir pour façonner ou amplifier les crises sociales afin d’accélérer l’adoption de solutions prédéterminées.

La théorie académique des paniques morales orchestrées par l’élite, notamment via le modèle « elite-engineered », montre que les paniques collectives peuvent être fabriquées ou déviées par les élites, médiatiquement amplifiées, pour détourner l’attention ou cadrer les réactions. C’est tout un art…

Pour enfoncer le clou : des travaux montrent que les plateformes comme Twitter, Facebook et YouTube peuvent être utilisées par les institutions (ou par les révoltes elles‑mêmes) pour prévoir ou identifier très tôt les menaces liées à l’extrémisme ou aux mobilisations sociales. Autant te dire qu’on nous voit la semelle bien avant qu’on mette un pied dans la rue…

De plus, il existe des modèles mathématiques des émeutes. Inspirés des systèmes de réaction‑diffusion (comme les modèles SIR[2] en épidémiologie), ces calculs sont appliqués pour décrire et prédire la propagation des émeutes, en fonction d’une tension sociale ambiante. Là encore, on n’a pas bougé le petit doigt qu’ils savent déjà ce qu’on va faire et comment on va le faire.

En situation d’urgence, les gens placés au pouvoir ont un comportement structuré. Le concept d’elite panic, validé par des sociologues comme Clarke & Chess, décrit ce comportement des élites face aux crises. Nos chers gouvernants se focalisent en priorité sur l’ordre et le contrôle. On minimise la solidarité, et on instaure de mesures d’exception (état d’urgence, couvre-feu, état de siège).

Enfin, le concept de « global rebellion » (William I. Robinson, Al Jazeera) décrit comment des révoltes massives (Occupy, Printemps Arabe, Égypte, Chili) ont été réprimées, co-optées, ou récupérées, sans provoquer les vraies transformations structurelles promises.

Tout ça pour te dire que si une rentrée de septembre en France s’embrase, ce ne sera probablement pas encore le déclencheur final d’un « basculement » vers un contrôle total . (Du moins, tant que les élites ne l’ont pas décidé.)

Au contraire, il faut voir cette période comme une répétition générale. Dans ce galop d’essai, il y a de nombreuses choses à tester au niveau sécuritaire, économique, technologique, psychologique et même au niveau politique. Aux yeux de nos adversaires, c’est une bénédiction pour tout un tas de raisons.

Et pour le comprendre, il faut voir cet évènement comme une séquence test où les rouages en coulisses sont affinés, confrontés à la réalité des masses.

Pour le camp adverse, concernant l’euro numérique, il reste quelques jalons à placer et quelques détails à régler. Tout d’abord, le calendrier institutionnel n’est pas tout à fait prêt. L’EUDI Wallet (identité numérique européenne) ne sera obligatoire qu’en 2026.

L’euro numérique est suspendu à un accord politique prévu pour 2026. La BCE[3] se dit « prête techniquement », mais elle attend le feu vert du Conseil, de la Commission, du Parlement européen et des États-membres. Et c’est là qu’une crise sociale majeure peut jouer son rôle de catalyseur.

Imagine la France ou un grand pays paralysé par des émeutes, des blocages. Les gouvernements nous serviraient aussitôt la soupe :

« Il nous faut un instrument de paiement sûr, instantané et programmable pour distribuer les aides, éviter le cash frauduleux et contrôler les flux. »

C’est exactement le narratif que la BCE et Bruxelles cherchent à valider : la monnaie digitale comme un outil de stabilité en temps de crise.

Mieux encore… si l’État teste un e-euro de secours avec des bons numériques versés en quelques secondes et liés à ton identité, il suffira à Bruxelles de dire :

« Regardez, ça marche en conditions réelles. Il faut généraliser au niveau européen. »

Et nous deviendrions les idiots utiles de cette démonstration.

Si la révolte torpille l’économie, les marchés s’affolent, les banques vacillent, les capitaux fuient. Alors les banques centrales et les géants de la tech/finance brandiront leur solution miracle : « seule une monnaie numérique souveraine peut garantir la confiance et la continuité des paiements. »

En temps « normal », l’euro numérique reste un projet technocratique lointain, abstrait, presque inutile aux yeux du citoyen. Mais en pleine crise, il devient la réponse immédiate :

« Vous recevez vos 200 € d’aide dès demain matin sur votre appli. Tous connectés. Tous protégés.»

Psychologiquement, c’est la bascule. L’euro numérique passe du statut de menace imposée par le système à celui de sauveur imposé par l’urgence. Tu comprends pourquoi il y a ce sourire arrogant sur les visages de nos « maîtres » ?

Il faut bien garder en tête que pour les élites, les révoltes sont essentiellement un laboratoire social. Un débordement, c’est toujours l’occasion de tester l’efficacité des dispositifs de maintien de l’ordre (drones, caméras augmentées, vidéosurveillance algorithmique, reconnaissance faciale).

En prime, on jauge l’acceptabilité des mesures d’exception (couvre-feu, zones interdites, interdictions de manif).

Ça permet de calibrer la « tolérance sociale » et de voir jusqu’où on peut restreindre les libertés sans déclencher une rupture de masse. Toujours utile pour l’avenir…

Si la situation venait à prendre l’apparence d’une perte de contrôle, l’État sortirait fatalement l’artillerie lourde.

Ce serait l’opportunité de tester la robustesse de l’économie en mode paralysie (raffineries bloquées, chaînes logistiques interrompues).

Et il y a fort à parier qu’on mettrait sur la table la capacité de l’État à distribuer des aides d’urgence rapides. Des chèques énergie, des bons alimentaires, probablement sous la forme d’un prototype de CBDC, comme je te l’ai dit.

De ce point de vue, une émeute prolongée est un prétexte idéal pour déployer un « wallet d’urgence ». Cette sorte de portefeuille numérique de secours offre alors une répétition de ce que sera une CBDC programmable.

Narrativement, c’est du pain béni pour l’exécutif. Une crise sociale musclée, c’est l’occasion rêvée d’observer l’opinion publique à la loupe : est-ce qu’il y a une solidarité avec les émeutiers, ou au contraire un rejet massif ? Comment les médias cadrent, comment les réseaux propagent les infos ?

Et si ça dérape en ligne, hop, nouvel argument pour renforcer la censure des contenus. Tout est utile, comme tu peux le voir…

Oui, ce genre de séquences, c’est l’opportunité de perfectionner sans cesse la fabrique du consentement. Une telle crise permet de légitimer après coup de nouvelles lois sécuritaires sous couvert de « plus jamais ça ». Des lois qui seraient inaudibles sans choc préalable. Dans cette optique, une révolte est donc toujours une ligne droite pour intégrer des lois liberticides dans le droit commun.

Au niveau technique, c’est le moment de mettre à l’épreuve de nouveaux outils d’identification comme France Identité, la biométrie, ou FranceConnect+.

C’est aussi une bonne occasion pour roder le pilotage algorithmique des aides sociales, du maintien de l’ordre, du rationnement (compteurs intelligents, quotas).

Le but, c’est de valider en conditions réelles les infrastructures numériques qui serviront demain à l’identité unique, à la monnaie programmable, au pass carbone.

Tu vois, notre colère est un banc d’essai grandeur nature pour tous ces outils. Au niveau psychologique, le camp adversaire va regarder à la loupe le seuil de fatigue et d’acceptation de la population. C’est dans ces moments-là qu’on voit jusqu’où le peuple accepte des mesures intrusives si on les justifie par la « sécurité » ou la « solidarité nationale ».

Nous pousser à bout, c’est donc précieux pour eux. Crois-moi…

En mai 68, la révolte étudiante embrase le pays et se mue en grève générale. Le 29 mai, De Gaulle disparaît à Baden-Baden pour s’assurer du soutien de l’armée ; le 30 mai, il dissout l’Assemblée, menace un état d’urgence et reprend la main, tandis qu’une marée pro-gaulliste défile sur les Champs-Élysées.

Le résultat ? Un renforcement du contrôle policier et des fichiers de renseignement sur les mouvements sociaux. Un formidable test de l’appareil répressif.

Idem, en 2005 avec les émeutes de banlieues. Suite à la mort de Zyed & Bouna, les banlieues s’embrasent. L’état d’urgence (loi 1955) est proclamé. C’est l’instauration de couvre-feux, d’assignations, de déploiement policier massif. On avait là un test grandeur nature du retour de l’état d’urgence en métropole (réutilisé dix ans plus tard après les attentats de 2015).

En effet, dix ans plus tard, à Paris, au Bataclan, on pleure nos 130 morts, c’est un choc national. En réponse l’état d’urgence est prolongé deux ans. Ce qui donne lieu à des perquisitions administratives, assignations sans juge. Mais le plus important, c’est la loi SILT 2017 qui intègre définitivement ces mesures dans le droit commun (contrôle des lieux de culte, assignations, perquisitions). Tu as là un parfait exemple d’une exception devenue permanente.

Avec la p(l)andémie de Covid, on a l’instauration en 48h d’un état d’urgence sanitaire avec sa valse de confinements, de couvre-feux et pass sanitaires. C’était une répétition générale pour expérimenter massivement l’identité numérique de santé (QR Code), qui a préparé la légitimité du Health Data Hub et des futures identités numériques (EUDI Wallet). Tu as là un parfait exemple d’une nouvelle norme comportementale installée par l’urgence.

Les Jeux Olympiques de Paris en 2024, représentaient une magnifique opportunité : le besoin de sécuriser un méga-événement. En conséquence, on pond une légalisation expérimentale de vidéosurveillance algorithmique (la loi JOP 2023). Tu obtiens un test grandeur nature sur 15 mois, avec la tentation politique de pérenniser l’outil après coup.

Si tu regardes aux USA, le fameux 11 septembre 2001… On a le choc, 3000 morts et l’adoption du Patriot Act en quelques semaines. Au final, c’est l’extension massive de la surveillance électronique (NSA, FBI), du fichage biométrique, de la détention sans procès. Tu as ici l’exemple parfait d’un traumatisme collectif qui devient un accélérateur de lois intrusives.

Je pourrais continuer encore longtemps, mais je pense que tu as compris que ces situations ne sont pas le fruit du hasard. Elles répondent généralement à 4 indicateurs :

Le contexte matériel : comme de l’inflation, des infrastructures fragiles, des tensions sociales. Est-ce inflammable ?

Le narratif disponible : est-ce que les médias et les gouvernements ont déjà préparé le discours qui légitime une mesure ? Du genre « il faut sauver la planète », « protéger vos données », « l’ennemi est à nos portes », « le vaccin est la seule porte de sortie »

La technologie prête : est-ce que la brique utile est déjà développée techniquement (EUDI, CBDC, IA de surveillance…), en attente d’un bon prétexte ?

La fenêtre politique : est-ce une période de votes, de lois en préparation ou d’élections ? Si oui, c’est un moment propice pour passer en force.

Si les 4 voyants sont au vert, alors une crise (qu’elle soit provoquée, amplifiée ou simplement exploitée) peut immédiatement servir l’agenda.

Elles entrent toutes dans la matrice Problème-Réaction-Solution. C’est la logique du « faux drapeau », largement utilisée en ingénierie sociale et dont je te rappelle le principe :

Le Problème (attentat, pandémie, blackout…) engendre une Réaction (peur, chaos, demande de sécurité) à laquelle les élites répondent par une Solution (mesure déjà préparée, acceptée grâce au choc initial).

Et pour flairer la prochaine douille, tu peux utiliser le test du « cui bono ?». Demande-toi à qui ça profite ?

Car chaque crise a un bénéficiaire structurel. Donc chaque crise pose systématiquement ces trois questions :

Qui gagne du pouvoir ? Qui gagne du contrôle ? Qui gagne de l’argent ?

Avec cet outil, tu verras le film officiel en 3D. Et tu te rendras compte que les séquences marquantes ne sont en réalité que des prétextes pour placer des jalons issus d’un plan bien plus grand. Et là, je vais te demander de tirer un nouveau fil de laine, celui de capable de dénouer les contours d’un agenda très particulier…


[1] Citation souvent attribuée à Rahm Emanuel (conseiller puis chef de cabinet de Barack Obama)

[2] SIR, est un modèle à compartiments utilisé pour modéliser la propagation d’une épidémie. Ce modèle répartit la population en trois compartiments principaux : les individus Susceptibles (S) de contracter la maladie, les individus Infectés (I) et les individus Récupérés ou Résistants (R)

[3] Banque Centrale Européenne



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A propos de l'auteur

Matthieu Biasotto

Auteur indépendant toulousain, rêveur compulsif et accro au café. J'écris du thriller, du suspense avec une touche existentielle.

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