La liberté confisquée : Chapitre 8

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Si vous voulez une image de l’avenir, imaginez une botte écrasant un visage humain — pour toujours.

George Orwell

Ce nouveau fil de laine t’entraîne dans la nef où se construit la cathédrale du monde. Si tu tires délicatement, tu vas te rendre compte que les tous architectes de cette sombre cathédrale n’écrivent pas des lois, certains posent des rails, d’autres sculptent en amont.

Quelques-uns conçoivent la monnaie comme un logiciel, d’autres rêvent de la fusion homme-machine, certains enfin ordonnent la scène pour que tout ça paraisse on ne peut plus « normal ».

Le fil de laine de ce chapitre passe d’un visage à l’autre, pour te montrer comment les pièces des « visionnaires » s’emboîtent. Elles forment alors un grand tout qu’il nous sera plus facile d’appréhender.

D’abord, penchons-nous sur le bestiaire qui façonne la monnaie. Agustín Carstens, DG de la Banque des règlements internationaux (BIS), ex-banque centrale du Mexique parle d’une monnaie « exécutable ». Pas seulement un moyen de paiement, mais un code qui permet d’appliquer des règles. Il est l’architecte d’un système monétaire programmable (« Finternet ») où la banque centrale reste la clef de voûte.

Christine Lagarde, Présidente de la Banque centrale européenne, porte l’euro numérique comme une extension de l’euro « avec des garde-fous » (répète-t-elle). Mais c’est, de fait, un étage de plus dans l’architecture centralisée des paiements.

Kristalina Georgieva, Directrice générale du Fonds monétaire international, veut que les frontières s’effacent pour les flux légitimes. Plateformes numériques publiques, rails interopérables, réglages communs… Elle pousse un cadre mondial pour les monnaies de banques centrales et la tokenisation.

Cecilia Skingsley, banquière, économiste et journaliste suédoise, se trouve à la tête du labo d’innovation de la BRI. C’est la cheville ouvrière, elle fait tourner les prototypes (mBridge, Agorá…) qui prouvent que la programmabilité n’est plus une idée, c’est un bouton.

Mu Changchun, le directeur de l’Institut de recherche sur la monnaie numérique de la Banque populaire de Chine (PBOC) a déjà fait rouler la machine en déployant des portefeuilles à paliers, et un « anonymat géré ». Avec lui, la granularité de l’usage devient un paramètre technique.

Ravi Menon, ancien directeur général de l’Autorité monétaire de Singapour, pousse la tokenisation des actifs comme si Wall Street devenait un gigantesque smart contract.

Dans la coulisse verte, Mark Carney, premier ministre du Canada, ancien gouverneur de la Banque du Canada puis de la Banque d’Angleterre est un ardent défenseur de la lutte contre le changement climatique. Il standardise l’allocation « zéro net » via GFANZ pendant que Larry Fink (le big boss de chez BlackRock) diffuse les consignes du capital par ses célèbres lettres. Il y préconise l’ESG comme gouvernance douce, mais bien réelle, sur des milliers de milliards.

Tu vois, du Mexique à Singapour, de New-York à Glasgow en passant par Bruxelles… les pièces sont différentes, mais elles vont dans la même direction : une monnaie qui ne circule plus seulement, mais qui obéit.

Tirons à présent le fil de la couche des normes et de l’identité. En Inde, Nandan Nilekani, ex-président de l’Autorité d’identification unique de l’Inde (UIDAI) a montré avec Aadhaar qu’on pouvait brancher plus d’un milliard d’humains à des services publics et privés en harmonisant identité, paiements et données. C’est la plomberie du XXIᵉ siècle.

Thierry Breton manie le marteau régulatoire européen via les règlements DSA, DMA, AI Act. Pour le Commissaire au Marché intérieur, l’argument est simple : le but est que la technologie soit vraiment utile et serve concrètement la population. Le résultat est tout aussi simple… il s’agit d’un contrôle très centralisé.

Notre chère Ursula von der Leyen promène l’idée du portefeuille d’identité européen (EUDI) comme un sésame transfrontière. Derrière l’ergonomie, se cache une évidence… pour accéder à quoi que ce soit, il faut prouver.

Alexander Karp, cofondateur et PDG de Palantir vend aux États des tableaux de bord où les bases de données se parlent enfin et se laissent gouverner. Grâce à lui, la décision devient un flux, la ville un graphe.

Peter Thiel, le binôme de Karp et cofondateur de PayPal, revendique sans détour une vision techno-souveraine, plus entrepreneuriale que démocratique.

Notre cher Bill Gates finance des « infrastructures publiques numériques » (identité, paiements, données) au nom de l’inclusion. Avec lui, la chaîne se ferme : celui qui n’est pas branché reste dehors. La preuve devient la condition de la participation. Moi j’appelle ça de l’exclusion, mais bon…

Tirons à présent le fil de la couche IA et celle de la capacité de calcul, où se joue l’énergie motrice.

Eric Schmidt (ex-Google) a théorisé l’alignement IA-défense. Selon lui, pour « gagner l’ère de l’IA », il faut un État outillé, des budgets, des centres d’excellence ainsi qu’un accès prioritaire aux puces.

Demis Hassabis, de chez Google DeepMind, parle de modèles « frontière » et de responsabilité. Sa vision est de gouverner la puissance par des consortiums, des benchmarks, des garde-fous signés par les laboratoires.

Dario Amodei, cofondateur et CEO d’Anthropic (l’IA Claude) formalise l’idée clé selon laquelle l’éthique devient du code. La « Constitution » s’inscrit dans les paramètres du modèle.

Sam Altman, qui dirige OpenAI (ChatGPT) et est derrière le projet Worldcoin (une preuve d’identité basée sur la biométrie), avance sur deux fronts : le World ID et le jeton WLD. D’un côté, il rend l’IA accessible à grande échelle, de l’autre, il propose d’identifier chaque personne pour différencier les humains des robots. C’est difficile de faire plus direct en matière de fonctionnalité et de contrôle.

Elon Musk, quant à lui, rêve d’une symbiose homme-IA (via Neuralink) et d’une AGI « chercheuse de vérité » (via xAI). Ici, on peut se demander qui définit la vérité algorithmique, et qui la sert ?

Pendant ce temps, Jensen Huang, cofondateur et PDG de Nvidia, bâtit les « usines d’IA ». Sans lui, pas de calcul, sans calcul, pas de géants. La rareté des puces devient un levier géopolitique… et la file d’attente devient une politique publique.

En tirant le fil de lasanté et celui de la crise, on se rend compte qu’il s’agit des ficelles qui fournissent la dramaturgie.

Tedros Adhanom Ghebreyesus, qui dirige l’Organisation Mondiale de la Santé, propose de mettre en place des règles internationales pour éviter les erreurs commises en 2020 lors de la pandémie. L’idée, c’est de pouvoir donner l’alerte plus rapidement, partager les informations essentielles et mieux organiser les actions de chaque pays.

Richard Hatchett, qui dirige la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI), défend la stratégie dite des « 100 jours ». Dès qu’un nouveau virus apparaît, il s’agirait d’avoir un vaccin prêt à être utilisé en moins de trois mois. Il a d’ailleurs joué un rôle clé durant la pandémie de Covid-19 puisque sous sa direction, la CEPI avait financé le développement accéléré de vaccins et co-fondé COVAX.

L’objectif affiché ici, c’est la santé publique. Mais, dans les faits, ça donne aussi à l’État un outil politique puissant : la gestion rapide d’une crise devient une routine, appuyée sur la collecte de données, l’identification des personnes et la logistique. En gros, on met en place une sorte de « machine à gérer les urgences » qui attend juste d’être activée.

Reste à présent à tirer doucement sur les fils qui tissent l’ossature géostratégique.

Le politologue et conseiller à la sécurité nationale américain Zbigniew Brzezinski a prophétisé « l’ère technétronique » il y a un demi-siècle. Un terme qu’il a inventé pour décrire l’ère actuelle, marquée par la fusion de la technologie et de l’électronique. Dans son ouvrage Between Two Ages (1970), il prévoyait que la technologie deviendrait un outil d’ingénierie sociale, et que l’Eurasie serait au cœur de la puissance. Sa carte a été longuement étudiée par ceux qui tiennent la barre.

Henry Kissinger, lui, a martelé qu’il n’y a pas d’ordre sans équilibre entre puissance et légitimité. Théoricien de la realpolitik, l’ancien secrétaire d’État privilégiait les intérêts stratégiques aux idéaux moraux. Donc selon lui, quand la crise survient, la fenêtre s’ouvre pour reconfigurer le monde. Dans les deux cas, la foule est rarement invitée à la table ; on lui montre la scène, on ajuste les projecteurs.

Surplombant tout ça, notre cher Klaus Schwab, Fondateur du WEF,a fourni le récit de la 4ᵉ Révolution industrielle comme fusion du physique, du numérique et du biologique. Et le récit du Great Reset comme opportunité d’aligner financements, standards et politiques publiques. Le World Economic Forum ne vote pas de lois, mais il cadre le débat.

Les entreprises, les ONG et les dirigeants se retrouvent à Davos avec un vocabulaire commun, des « boîtes à outils » et des feuilles de route. C’est officiellement du soft power : on ne commande pas, on coordonne. Sauf que la coordination, à cette échelle, oriente fatalement.

Enfin, tirons sur le nœud des idéologues du techno-destin. Les « visionnaires » inspirés. Ceux qui donnent de l’altitude aux ingénieurs.

L’historien, philosophe et auteur Yuval Noah Harari affirme à Davos que l’humain devient « piratable ». Quand les données biologiques et le calcul se marient… on a d’un côté, un avertissement ; de l’autre, une tentation pour les gouvernants. La technologie risque de diviser le monde en élites riches et en « colonies de données » exploitées, a-t-il expliqué.

Les « colonies de données », c’est nous.

De ce point de vue, tout acteur sans souveraineté numérique devient une source à piller pour entraîner les modèles IA, orienter nos choix et monétiser nos vies.

Ray Kurzweil, inventeur et futurologue américain, promet de son côté la Singularité. On parle ici d’une courbe qui n’en finit pas de grimper, une fusion homme-machine presque religieuse. Quand l’avenir est peint comme inéluctable à travers un messianisme technologique, le présent devient forcément docile.

Tu sais quoi ? Tous ces gens se croisent partout, tout le temps. Que ce soit dans des arènes régulières, visibles ou feutrées. A Davos d’abord, on y aligne le vocabulaire et on lance les coalitions. Un hiver, un patron d’IA parle « garde-fous », l’hiver suivant la patronne du FMI vend la compatibilité financière pendant qu’un banquier central dessine l’avenir des paiements et qu’un boss de la santé mondiale promet la prochaine coordination en cas de pandémie. Ce n’est pas là qu’on vote les lois, c’est là qu’on règle le viseur.

Puis viennent les invitations triées sur le volet. Le groupe Bilderberg publie ses listes. Du gratin issu de la tech, des stratèges, de la finance, des hauts décideurs. Il n’y a pas de compte-rendu exhaustif, mais des combinaisons qui reviennent et qui, ailleurs, poussent les mêmes chantiers.

Le gros du travail se joue ensuite dans des projets techniques. La BRI branche des banques centrales entre elles (avec le projet mBridge) pour tester des paiements transfrontières en monnaies numériques. À Singapour, l’autorité monétaire orchestre la tokenisation de titres, c’est le Project Guardian. Côté climat, GFANZ[1] met d’accord les grands gérants et les ex-banquiers centraux sur ce que « zéro net » signifie pour la vraie finance. Autrement dit, on tente de donner une allure crédible à l’engagement « zéro émission nette » pour éviter le greenwashing et mobiliser la finance mondiale vers une transition climatique réelle.

Dans les données publiques, des États confient des briques critiques à des plateformes privées (on l’a déjà vu avec Microsoft pour nos données fédérées de santé) afin d’« accélérer » les décisions. L’Union Européenne avance son portefeuille d’identité (EUDI) avec des pilotes massifs qui harmonisent les attestations et les preuves, au-delà des frontières.

Sur l’IA, des sommets du genre « AI Safety » réunissent des ministres, des représentants de la Commission européenne, des États-Unis, du Royaume-Uni, et des dirigeants de grands laboratoires d’IA (comme OpenAI ou DeepMind) afin d’établir des principes communs pour une IA sûre et responsable.

Au bout du compte, il n’y a pas un QG unique regroupant toutes les élites, mais un réseau d’espaces qui se répondent. Tu as les grandes messes (comme celle de Davos) où se fabrique le récit. Tu as les cercles discrets (comme Bilderberg) où se tissent les liens, mais aussi les laboratoires institutionnels (BIS, MAS, UE, OMS) où on passe des idées aux prototypes, puis des prototypes aux pilotes, puis des pilotes aux normes.

C’est là, dans ce brassage répété entre banques centrales, Big Tech, fonds géants, régulateurs et organisations transnationales, que se bâtit l’architecture de la cathédrale.

Les architectes s’y côtoient — parfois côte à côte, parfois face à face — et c’est de cette proximité régulière, documentable, que naît ce même motif qui avance et qui consiste à cadrer, standardiser, brancher.

Et si tu examines ce fameux motif… Quand tu étales toutes leurs pièces sur la table, tu t’aperçois que trois fils apparaissent et s’entrelacent.

Les architectes de la cathédrale n’ont pas signé le même manifeste, ils ne siègent pas dans la même salle, pourtant ils tirent la corde dans le même sens. Ces trois constantes s’appellent le contrôle, le techno-destin et la fracture entre les élites et le peuple.

Ce sont des idées simples, faciles à voir dès qu’on sait où regarder. On va voir comment elles s’expriment, comment elles s’installent, et surtout comment elles se renforcent les unes les autres.

Le contrôle ne porte plus d’uniforme, il s’encode. La monnaie devient un logiciel avec des limites, des autorisations et des conditions d’usage. L’identité devient la clé d’accès partout. Les tableaux de bord croisent, filtrent et déclenchent. Les « bonnes pratiques » deviennent des obligations de fait parce que toutes les grandes plateformes et les IA s’alignent. Résultat pour l’humain : la charge de la preuve bascule sur toi. Tu n’es plus libre à la base, tu es autorisé seulement si tu coches les bonnes cases et que tu remplis les bonnes conditions.

Le techno-destin dit « puisque c’est possible, ce sera fait ». La politique n’oriente plus, elle « accompagne » via des pilotes, des sandbox, des standards, des coalitions public-privé… Les crises servent d’accélérateurs, comme on a pu le démontrer. L’urgence remplace la délibération, la mise à jour remplace le choix.

La fracture entre les élites et le peuple assumée sépare d’un côté, ceux qui conçoivent l’infrastructure… et de l’autre, ceux qui la subissent. La complexité technique est illisible pour le commun des mortels, les coûts de conformité sont reportés sur les plus fragiles, les décisions sont toujours prises dans des arènes transnationales puis déclinées chez toi.

En théorie tu peux refuser. En pratique, le prix social te fera courber l’échine puis fatalement plier.

Tu sais ce qui est magnifique pour les architectes de la cathédrale ? C’est que ces trois fils se nouent en une seule corde parce qu’ils se nourrissent l’un l’autre.

Le contrôle a besoin du techno-destin. Pour que la monnaie conditionnelle, l’identité obligatoire et les tableaux de bord partout paraissent « évidents », il faut une histoire d’inéluctable : « c’est la pente naturelle, on n’y peut rien, on s’adapte. »

Le techno-destin, lui, réclame du contrôle. Plus tu mécanises les paiements, les accès, la santé, la mobilité, plus tu écris des garde-fous en code pour « éviter les abus ». Le code devient la loi, et la loi, devient une mise à jour.

Et la fracture avec les élites sert de lubrifiant. Moins les citoyens comprennent et participent, plus l’infrastructure s’installe sans résistance. C’est un peu la phase dans laquelle on se trouve actuellement.

Si tu veux mon avis, il y a là un cercle vicieux. Plus l’infrastructure avance, plus la fracture s’élargit, que ce soit par le coût, par la compétence ou par la dépendance.

Au fond, ces trois constantes sont à la fois la graine et la récolte du projet des élites. La graine, parce que les élites conçoivent l’infrastructure comme un filtre (contrôle), la justifient par une pente « naturelle » (techno-destin), et la posent à distance du peuple (fracture).

Ces constantes sont aussi la récolte parce que les architectes produisent une société à accès conditionnel, gouvernée par la tuyauterie, avec un consentement géré par la procédure.

La cathédrale qu’ils bâtissent incarne tout ça. Appelons un chat un chat : ce que je déroule depuis le début porte un nom : le Nouvel Ordre Mondial. Et il est temps, dans le prochain chapitre, de comprendre réellement de quoi il en retourne…


[1] Glasgow Financial Alliance for Net Zero


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A propos de l'auteur

Matthieu Biasotto

Auteur indépendant toulousain, rêveur compulsif et accro au café. J'écris du thriller, du suspense avec une touche existentielle.

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