La liberté confisquée : Chapitre 15

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La désobéissance est le véritable fondement de la liberté. Les obéissants doivent être esclaves.

Henry D. Thoreau

Regarde tout le chemin parcouru, observe toute cette laine déroulée ! Ta cuisine est minuscule, tout en bas, sous nos pieds. Notre fil d’or a fier allure, et, maintent qu’on effleure les nuages… on se trouve sur le seuil d’une compréhension qui va élargir totalement ton horizon.

Laisse-moi te hisser un peu plus haut, vers le firmament, à l’aide de ce nouveau fil de la pelote que je te tends. Reste bien concentré, c’est à toi de jouer maintenant…

On a vu, tous les deux, que la liberté pouvait se mesurer au coût de ton désaccord. C’est-à-dire à combien coûte le fait de dire « non » au système pour être libre.

Ainsi, on en a déterminé que :

  • Chaque refus a un coût externe (prix HT du NON) → perdre un revenu, un droit, un lien, du temps.
  • Chaque refus a aussi un coût interne (TVA) → peur, fatigue, dépendance, confort qu’on n’ose pas lâcher.
  • L’addition des deux = prix TTC du NON = ton coût de sortie réel.

Or, tout le monde ne paye pas le même tarif. Deux personnes face à la même situation ne réagissent pas du tout de la même manière :

L’une trouve le prix de la liberté insupportable, elle cède. L’autre paye cash et tient bon.

Pourquoi ? Parce que si la facture est la même pour tous, ce qui change en revanche, c’est ta capacité à payer le prix TTC.

Ta capacité à payer, c’est la richesse intérieure qui te permet d’absorber un coût sans te renier.

Autrement dit, c’est la somme de ce qui, pour toi, vaut plus cher que les sanctions du système.

Cette capacité, tu peux la voir comme un capital invisible : une réserve d’énergie morale qui te permet de résister à la pression.

Plus ton capital est haut, plus tu peux encaisser le prix du NON.

Plus ton capital est bas, plus vite tu cèdes, car le prix de la liberté TTC te semble inabordable. Tu n’as pas la richesse suffisante pour honorer ton coût de sortie réel.

Tire un peu sur le fil et demande-moi « Qu’est-ce qui constitue ce capital ? »

Avec un doux sourire, je te réponds  que ce sont tes valeurs cardinales.

Pour certains, la valeur suprême est la sécurité matérielle : leur capital s’arrête là. En conséquence, ils ne peuvent pas « payer » un NON qui mettrait en danger leur crédit immobilier ou leur statut social. (C’est ce qu’on a pu constater en pleine crise Covid lors de la mise en place du pass sanitaire et du pass vaccinal.)

Pour d’autres, c’est l’intégrité. Ceux-là préfèrent perdre un salaire plutôt que trahir leur conscience. (C’est typiquement le profil des soignants suspendus durant la pandémie de Covid.)

D’autres encore placent tout en haut la justice, la loyauté, la vérité, la cohérence intérieure…
(Ce sont généralement les vrais lanceurs d’alertes, les dissidents.)

Ces valeurs, une fois hiérarchisées, forment ton capital de résistance.

En résumé, je pourrais formuler le calcul ainsi :

Coût de sortie total = Prix du NON HT ( pression extérieure) + TVA (docilité intérieure) ÷ Capital de valeurs cardinales.

Ce qui veut dire que ta liberté réelle n’est pas, bien entendu, gratuite. Elle dépend essentiellement d’un double travail qui consiste à réduire la TVA, ce qui revient à ne pas se laisser alourdir par ses propres piliers de docilité.

Et accumuler du capital intérieur. C’est-à-dire, nourrir des valeurs cardinales fortes qui te donnent la puissance de payer ton refus, et donc, d’acheter ta liberté.

La bonne nouvelle, c’est que tu as une grande marge de manœuvre pour réduire l’emprise de ta docilité et cultiver tes valeurs cardinales. Je t’explique ça tout de suite en te le prouvant par A+B.

Commençons par le premier travail et tire sur le fil des moyens visant à réduire la TVA de notre docilité.

↘︎ TVA de l’Obéissance

Avant d’être en mesure de « désobéir », il faut comprendre pourquoi tu obéis. Il faut donc identifier la racine de ton obéissance. Cette dernière a plusieurs racines psychologiques, sociales et existentielles. Si tu ne repères pas laquelle t’enchaîne, la TVA de ta docilité restera haute.

Il y a d’abord l’obéissance par crainte de la sanction. Tu obéis pour éviter une douleur externe (amende, exclusion, perte de revenu, punition sociale). Par exemple, tu mets ton masque seul dans ta voiture… pas pour ta santé, mais pour éviter le regard ou la remarque. (Alerte spoiler : ça ne marche pas, tu as juste l’air con).

Plus sérieusement, un bon indice pour identifier ce type d’obéissance, c’est si ton cœur s’accélère quand tu envisages de dire « non ». Si tel est le cas, alors la racine est la peur.

Ensuite, il y a l’obéissance par besoin d’appartenance. Tu obéis pour rester dans le groupe, ne pas être vu comme « différent » ou « ingérable ».

Concrètement, tu acceptes une appli ou un outil que tu trouves intrusif, juste parce que « tout le monde l’utilise déjà ».

Un petit indice pour débusquer ce type d’obéissance : tu redoutes plus la honte ou le rejet que la sanction matérielle.

Ici, la racine est le besoin d’amour et de reconnaissance.

Ensuite tu as l’obéissance par confort cognitif. Tu obéis parce que ça t’évite de réfléchir, de douter, de prendre une décision inconfortable.

Par exemple, tu signes des conditions générales sans les lire, tu coches la case « j’accepte » pour ne pas avoir à comparer.

Un bon indice pour la répérer, c’est que tu pousses un soupir de soulagement après avoir obéi : « au moins, c’est réglé ».

Ici, la racine c’est la fuite de l’incertitude.

Après, il y a l’obéissance par fatigue. Tu n’as plus l’énergie de résister, donc tu dis oui pour t’économiser.

L’exemple type, c’est quand tu acceptes un abonnement, un prélèvement ou une appli obligatoire parce que « j’ai pas le temps de chercher autre chose ».

L’indice : tu sais que tu n’es pas d’accord, mais tu cèdes par lassitude.

Ici, la racine est l’usure.

Enfin, tu as l’obéissance par la croyance en l’autorité. Tu obéis parce que tu crois qu’un supérieur, un expert, un uniforme « sait mieux que toi ».

Par exemple, tu avales un discours officiel sans le questionner, juste parce qu’il vient d’une source « légitime ».

L’indice pour repérer cette obéissance, c’est que tu sens de la sécurité, presque du réconfort, quand on te dit quoi faire.

Ici, la racine c’est donc la recherche de certitude et de tutelle.

Concrètement, identifier ta racine, revient à trouver la prise principale par laquelle le système pompe ton énergie. Si tu ne sais pas par où il te tient, tu ne pourras pas baisser la TVA de ton obéissance.

↘︎ TVA de la Peur

La peur qui alimente notre docilité a plusieurs origines. Pour faire baisser la TVA ici, il faut pouvoir identifier ses différentes racines.

La première, c’est la peur de la sanction sociale ou légale : l’ostracisme, l’amende ou l’exclusion.

L’expérience de Milgram (1963) montre que les participants obéissaient par peur de désobéir à l’autorité et d’en subir les conséquences.

La deuxième peur, c’est celle de l’incertitude et du risque. Notre système nerveux préfère un mal connu à un inconnu.

Kahneman & Tversky (1979) ont montré notre aversion à la perte. On surestime le coût potentiel d’un risque, et ça nous pousse à obéir pour éviter l’inconfort.

Enfin, il existe une peur existentielle, celle de perdre la sécurité, la santé, ou même la vie.

La théorie de la gestion de la terreur[1] (Greenberg, Pyszczynski & Solomon, 1986) montre que le rappel de notre mortalité renforce l’adhésion aux normes sociales et aux figures d’autorité.

La racine de la peur n’est pas seulement rationnelle avec la crainte de la sanction, elle est aussi cognitive puisqu’on a tous une aversion au risque et existentielle : l’angoisse de la mort.

Ok, maintenant, comment on baisse la TVA de la peur ?

La première étape, la plus accessible est une désensibilisation graduée.

Albert Bandura (1977) nous démontre que l’auto-efficacité se développe quand on affronte des situations menaçantes à petite dose, jusqu’à constater qu’on est en mesure de les gérer.

Concrètement, ça revient à opposer un refus volontaire dans des contextes qui ne craignent pas grand-chose. C’est, par exemple, ne pas donner ton mail pour une newsletter, refuser une appli intrusive. Ton système nerveux apprend alors que le danger anticipé ne se matérialise pas. Et en conséquence, la peur se dégonfle.

Le deuxième axe, c’est la rééducation cognitive, ou restructurer tes pensées, si tu préfères.

D’après les travaux de Beck (1979), la thérapie cognitive restructure les croyances qui entretiennent la peur. C’est la mécanique qui démonte le fameux  « si je dis non, tout va s’effondrer ».

Du coup, en pratique, il serait bon de tenir un « journal des peurs » permettant d’écrire tes anticipations (« si je refuse, je vais perdre mon travail »). Puis il serait fécond de noter après coup ce qui s’est réellement passé. Ça permet d’avoir sous les yeux l’écart entre les deux, ce qui réduit la distorsion cognitive.

Le troisième axe, consiste à apaiser ton système nerveux. Dans Somatic Experiencing (1997), le docteur Peter Levine  montre que la peur est avant tout une activation physiologique (fight/flight). En conséquence, apprendre à calmer le corps réduit la soumission « réflexe ».

Ce qui nous emène à la pratique de la respiration lente (cohérence cardiaque 5s/5s), de la relaxation musculaire et de l’ancrage sensoriel. Ainsi, tu coupes la boucle panique-obéissance.

Le dernier axe, est une réconciliation existentielle. Ce qui implique de replacer la peur de mourir dans son cadre naturel, et donc de réduire la docilité induite par cette peur.

Ernest Becker (1973), dans Le Déni de la Mort prouve que plus on accepte notre finitude, moins on obéit par peur.

Concrètement, ça te conduit vers la méditation sur la mort avec des pratiques stoïciennes, le fameux memento mori.

« Apprends à mourir, et tu apprendras à vivre. » Si Sénèque[2] était vivant, il te recommanderait de méditer chaque jour sur ta mort pour relativiser les pertes et les contraintes.

Marc Aurèle, dans Pensées pour moi-même (II, 11), nous a laissé une autre pépite à ce sujet. « Tu pourrais quitter la vie à tout moment ; règle donc chacun de tes actes et de tes pensées en conséquence. »

Dans le canon bouddhique (Anguttara Nikaya 6.19), le Bouddha enseigne la méditation sur la mort comme une pratique quotidienne, pour dissoudre l’attachement et réduire la peur.

Plus proche de nous,  dans les études scientifiques modernes, la méditation sur la mort (death contemplation) améliore la régulation émotionnelle et réduit l’anxiété existentielle.

Même si ça semble contre-intuitif, rédiger sa propre épitaphe ou lettre posthume est un outil utilisé en psychothérapie existentielle (Irvin Yalom, 1980). C’est une pratique qui t’aide à hiérarchiser tes valeurs et réduire l’angoisse de mourir.

En psychologie positive, des exercices comme « écrire son discours funéraire » ou « imager son dernier jour » sont utilisés pour aider à clarifier ce qui compte réellement. Tu peux me rétorquer que ça ne vend pas du rêve, mais je t’assure que c’est très puissant pour te libérer.

Il serait dommage de vouloir esquiver à ce stade de la pelote, car grâce à la psychologie existentielle et à la thérapie de l’acceptation, notamment la Terror Management Theory (TMT), on a montré que la confrontation consciente et ritualisée à la mort (plutôt que son évitement) peut, à terme, réduire l’anxiété et renforcer les valeurs intrinsèques.

↘︎ TVA du confort

On n’obéit pas toujours parce qu’on a peur. Souvent, c’est juste parce qu’on préfère ne pas se prendre la tête.

C’est humain, notre cerveau adore le chemin le plus court, le plus lisse, celui qui consomme le moins d’énergie.

Daniel Kahneman (Thinking, Fast and Slow, 2011) a montré que notre esprit a deux vitesses. Le « rapide » (automatique, facile) et le « lent » (réflexif, exigeant). Devine lequel on choisit par défaut ?

Samuelson & Zeckhauser (1988) ont parlé du biais du statu quo : on garde l’option déjà en place parce que changer demande de l’effort. En clair, si l’État ou une appli met un bouton par défaut, 90 % des gens le laisseront tel quel.

Antonio Damasio (1994) rappelle que nos décisions sont guidées par le corps. Du coup, on fuit spontanément ce qui est désagréable, on choisit ce qui maintient notre confort intérieur.

Comment on baisse la TVA du confort ?

La docilité liée au confort se soigne comme une addiction douce en 4 étapes. Il s’agit juste de désapprendre à toujours choisir ce qui est moelleux.

Les chercheurs en économie comportementale (Thaler & Sunstein, la Théorie du Nudge, 2008) ont montré que les choix par défaut exploitent la paresse. Les renverser consciemment redonne de l’autonomie.

Dans la vie de tous les jours, ça se traduit par payer en cash, cuisiner un repas de A à Z, marcher au lieu de prendre la voiture.

Angela Duckworth (Grit, 2016) explique que la capacité à persister dans l’effort est un facteur clé de liberté et de résilience.

Du coup, pour réentraîner le muscle de l’effort, il suffit de s’imposer une discipline quotidienne comme écrire une page de ma prochaine pelote, faire 20 pompes, apprendre 5 mots d’une langue, etc…

Carl Honoré (In Praise of Slow, 2004) défend la lenteur volontaire comme un antidote à la tyrannie de la vitesse et du confort automatisé.

Pour apprivoiser la lenteur, tu peux préparer ton café à la main, jardiner, lire un livre papier sans notifications.

Matthew Crawford  dans « Shop Class as Soulcraft » montre que réparer ou fabriquer quelque chose reconnecte à l’autonomie et réduit la dépendance aux services tout faits. Concrètement, ça donne envie de recoudre un vêtement, de bricoler un meuble, de planter des légumes, juste pour essayer.

Moins tu redoutes l’inconfort, moins ton « non » coûte cher.

Le système veut des enfants-rois capricieux qui réclament tout, tout de suite. Si tu réapprends à aimer un peu l’effort et la lenteur, tu redeviens un adulte. Libre.

↘︎ TVA de la paresse

Avec cette TVA, tu laisses le système décider à ta place, juste pour éviter de te bouger. Parce que ton cerveau cherche systématiquement le moindre effort, le « à quoi bon ? ».

La paresse, ce n’est pas « ne rien faire ». C’est plutôt éviter un effort perçu comme inutile ou coûteux. Sa racine est multiple :

On a vu qu’on choissait presque toujours le chemin qui demande le moins d’effort cognitif, le fameux Système 1 de Kahneman.

Vient s’ajouter à ça, la loi du moindre effort. En psychologie, c’est documenté : on tend à choisir l’option la plus simple disponible, même si elle est moins optimale. (Zipf, 1949).

La paresse cache souvent une fuite de l’inconfort émotionnel. On évite une tâche non parce qu’elle est dure, mais parce qu’elle génère de l’anxiété ou de l’ennui. Piers Steel (2007) l’a montré dans sa méta-analyse sur la procrastination.

Pour faire baisser cette TVA, il faut réentraîner ta volonté et prouver à ton corps ainsi qu’à ton esprit que l’effort est une richesse, pas une punition.

La première étape c’est découper et ritualiser l’effort. Piers Steel insiste… plus une tâche est vague et énorme, plus on procrastine. La solution consiste donc à fractionner en toute petites étapes comme écrire un paragraphe, pas un chapitre, encore moins un livre.

Ensuite, il s’agit d’activer la discipline douce, c’est-à-dire de faire appel au pouvoir des habitudes. C’est la deuxième étape.

Charles Duhigg, dans The Power of Habit (2012) nous explique que toute habitude repose sur une boucle simple : un signal qui déclenche une routine, laquelle se consolide grâce à une récompense.

Ce qui est cool, c’est que transformer une action « fatigante » en routine automatique supprime la résistance.

Concrètement si tu poses ton cahier sur la table chaque matin, tu envoies à ton cerveau le signal pour écrire 5 minutes, par exemple.

Un autre levier pour faire baisser cette TVA, consiste à s’appuyer sur la motivation intrinsèque. D’ailleurs selon les Pr. Edward L. Deci & Ryan (Self-Determination Theory) quand une tâche est reliée à tes valeurs, elle devient moins pesante. La paresse naît surtout des activités dépourvues de sens.

Ce qui te mène à relier l’effort à ta valeur d’intégrité : « Je fais ce geste sans qu’on m’y oblige, mais parce qu’il incarne mon « NON » à la docilité ».

Tu peux aussi exposer ton corps volontairement à un inconfort choisi. Angela Duckworth, dans Grit (2016) nous démontre que persister dans des efforts difficiles développe une endurance qui se transfère à d’autres domaines.

Du coup, prendre une douche froide, faire du sport régulièrement, marcher longuement permet de muscler ton seuil de tolérance à l’effort.

Et mine de rien, moins tu fuis l’effort, plus ton « non » devient léger.

↘︎ TVA de la lâcheté

La lâcheté n’est pas une absence de valeurs, c’est un choix de protection : on sacrifie le courage pour préserver sa sécurité immédiate. Sa racine est triple.

Elle se nourrit d’abord de la peur du danger et de la douleur. Je te dégaine encore les expériences de Milgram (1963) qui montrent que la plupart des gens obéissent à une autorité même en infligeant du tort à autrui. Juste par peur des conséquences de la désobéissance.

La lâcheté prend aussi racine dans ta préférence pour la sécurité du groupe. Cette fois, je te ressors les les expériences de Asch (1955) qui révèlent que nous préférons nous conformer (et parfois trahir nos perceptions) plutôt que de risquer l’isolement.

Enfin, la lâcheté puise sa source dans ton aversion au conflit. La psychologie sociale montre que beaucoup adoptent l’évitement du conflit. On préfère esquiver la confrontation, même injuste, pour réduire le stress immédiat (Kowalski, 2000).

Pour faire baisser la TVA de ta lâcheté, il faut donc la surmonter ou la soigner. Ça demande d’apprivoiser le risque par du courage à petites doses. Selon Albert Bandura (1977), l’auto-efficacité se développe en affrontant graduellement des situations stressantes. Plus tu constates que tu survis à un petit « non », plus tu peux encaisser un grand.

Ça demande aussi de s’entraîner au conflit sain. Thomas & Kilmann (1974) ont défini des styles de gestion des conflits. D’après leurs travaux, éviter systématiquement est destructeur. Au contraire, apprendre l’affirmation « calme » réduit la lâcheté.

Dans la pratique, tu peux t’exercer à dire une phrase toute simple comme « Je comprends ton point de vue, mais je ne suis pas d’accord. » C’est déjà un acte de courage pour celui qui souffre de ce pilier de docilité.

Enfin, on surmonte la lacheté en se reliant à une « tribu de courage ». C’est Robert D. Putnam (2000) qui nous le démontre : le capital social (réseaux, confiance) augmente ta résilience. Tu tiens mieux quand tu n’es pas seul à dire non. Ça se traduit concrètement par le fait de trouver un ami, un groupe où la dissidence est soutenue. (Bienvenue sur mes canaux Telegram ou sur ma chaîne Youtube !)

↘︎ TVA de la conformité

La conformité n’est pas seulement une faiblesse, c’est un mécanisme de survie sociale. On imite pour rester dans le groupe, parce que, dans l’histoire évolutive, être exclu signifiait souvent mourir.

La première racine identifiée est la pression du groupe. On s’en remet encore aux travaux de Asch (1955) démontrant que 75 % des participants modifient leurs réponses évidentes (à propos de la longueur de traits) pour se conformer à l’unanimité du groupe.

La conformité se nourrit de ta peur de l’exclusion. Selon Baumeister & Leary (1995), le besoin d’appartenance est un besoin psychologique fondamental. Le rejet social active les mêmes circuits de douleur que la douleur physique.

Et enfin, la conformité tire son origine de la normalisation inconsciente. C’est un effet autocinétique, d’après Muzafer Sherif (1936). Dans une situation floue, les individus alignent leurs jugements sur ceux des autres, même sans pression explicite.

En clair, la conformité naît de la peur d’être rejeté, du besoin viscéral d’appartenance, et de l’envie de réduire l’incertitude en copiant la majorité.

Une fois qu’on sait ça, comment on fait baisser la TVA ?

En s’entraînant à ne pas faire partie de la majorité. Les suites des expériences d’Asch montrent que la présence d’un seul dissident réduit massivement la conformité des autres.

En clair, choisis une petite différence visible comme refuser un like facile ou exprimer un avis minoritaire. Ton cerveau s’habitue à « tenir seul » et découvre que l’isolement n’est pas mortel.

Tu peux t’appuyer sur un allié. Charlan Nemeth (1986) démontre que la dissidence minoritaire, même isolée, ouvre l’esprit du groupe et réduit la soumission aux normes.

Donc concrètement, trouve au moins un complice avec qui partager tes « NON ». Un seul allié divise par dix la pression sociale.

Dans la même veine, une autre piste est de travailler ta tolérance à l’exclusion. Les études de Williams (2007) nous disent que l’ostracisme blesse, mais qu’on peut y résister en renforçant ses besoins fondamentaux autrement (avec du sens, de l’estime, du contrôle).

Transposé au quotidien, ça t’incite à cultiver un cercle parallèle où ton refus est accepté (asso, réseau alternatif). Ça amortit la douleur du rejet majoritaire.

Enfin, tu peux écrire sa propre norme. Selon la Self-Determination Theory de Deci & Ryan (1985), l’autonomie et la cohérence interne réduisent la dépendance aux pressions sociales.

Ce qui veut dire qu’il est bon de noter noir sur blanc ce que tu considères comme « normal » pour toi. Quand la majorité propose l’inverse, tu as un repère interne.

↘︎ TVA du besoin de narratif simple

L’humain déteste le chaos. Son cerveau cherche des histoires courtes et cohérentes pour se rassurer, même fausses. La racine, c’est donc un mélange de biais cognitifs et de gestion de l’anxiété.

On a d’abord le biais de simplification. Le fameux Système 1 de Kahneman (2011). Tu sais, celui qui adore les réponses rapides et claires. Celui qui déteste l’ambiguïté. Ce qui explique pourquoi on avale des slogans qui évitent de penser.

On a ensuite le biais de narration tel que décrit par Taleb (2007) dans The Black Swan. Il explique qu’on reconstruit des histoires simples après coup pour donner du sens, même quand le réel est chaotique.

Enfin, tout ça prend racine dans nos besoins existentiels. Greenberg, Solomon & Pyszczynski (1986) dans Terror Management Theory montrent que face à l’angoisse de la mort, les individus se raccrochent à des récits clairs et sécurisants.

A la lueur de ce qu’on sait à présent, comment faire baisser cette TVA et surmonter notre besoin de narratifs simples ?

Ça demande d’accepter l’incertitude. D’après Kahneman & Tversky (1979) l’aversion à l’incertitude nous pousse à choisir la certitude trompeuse.

Ce qui revient à s’exposer volontairement à ce que tu ignores. Comme lire une info sans chercher tout de suite à la « classer » ou tenir 2 idées contraires dans ta tête sans exploser. Par exemple : « La technologie libère ET asservit ».

Baisser cette TVA exige de lire des choses longues et complexes. Neil Postman dans Amusing Ourselves to Death nous rappelle que les médias modernes favorisent le court, le slogan. Lire de longs formats, c’est muscler ta tolérance à la complexité.

Ça implique aussi d’écrire ton propre récit. D’après  Jérôme Bruner, nous donnons sens au monde par les histoires qu’on raconte. Si tu ne racontes pas la tienne, tu avales celle des autres.

Concrètement, tu peux essayer d’écrire régulièrement ta position sur un sujet en 10 phrases claires. Ça oblige ton esprit à sortir du slogan.

Sortir du besoin d’un narratif simple, ça nécessite également de multiplier les sources (et je sais de quoi je parle…). Cass R. Sunstein (2001) nous explique dans Availability Cascades and Risk Regulation qu’un message répété partout semble vrai, même s’il est totalement faux. Tout ça nous invite à prendre l’habitude de lire deux sources opposées sur un même sujet.

↘︎ TVA de la déresponsabilisation

La déresponsabilisation, c’est ce réflexe qui dit « C’est la procédure, pas mon problème. » Tu ne décides plus, tu délègues ton jugement à un règlement, un algorithme, une hiérarchie.

Ses racines sont multiples et ça commence par le phénomène de « diffusion de la responsabilité ».

Darley & Latané ont étudié l’effet du témoin (bystander effect), démontrant que plus il y a de gens, moins chacun agit. On se dit « quelqu’un d’autre le fera ».

La seconde racine est l’obéissance hiérarchique. On a vu avec Milgram (1963) que les participants justifiaient leur obéissance par « l’expérimentateur est responsable, pas moi ».

La troisième racine provient de l’automatisation et des algorithmes.

Dans The Glass Cage, Nicholas Carr montre comment l’automatisation crée, de fait, une « passivité assistée » : on suit la machine, et on perd la main.

Je vais même plus loin, avec l’IA. La démocratisation de l’Intelligence Artificielle pousse à l’extrême ce que Nicholas Carr a soulevé. Plusieurs études récentes montrent que la délégation à la machine devient vite une délégation de la pensée. Gerlich et al. (2025) notent que l’usage intensif des outils d’IA chez les étudiants entrave le développement de la pensée critique.

Romeo et al. (2025), dans une revue de 35 études, confirment l’existence d’un « automation bias » : la tendance à suivre les recommandations de l’IA sans les questionner. Il n’y a pas mieux pour conditionner et manipuler les masses.

Holbrook et al. (2024) sont même allés au-delà. Dans une simulation de vie ou de mort, beaucoup de participants ont accepté de modifier leur jugement moral sur simple suggestion de l’IA, malgré l’avertissement que l’algorithme pouvait se tromper. Là ça devient très inquiétant, on dirait l’expérience Milgram 2.0, en mode Black Mirror.

Zhai et al. (2024) ont également montré que les étudiants qui s’appuient fortement sur les dialogues avec IA perdent en capacité critique. Donc, après avoir confié nos souvenirs à Google, on confie nos jugements à l’IA. L’« effet Google » dont je t’ai déjà parlé, a montré qu’on retient moins le contenu quand on sait qu’il est stocké en ligne ; on mémorise surtout où le retrouver.

Avec les chatbots, le réflexe s’étend, on externalise non plus seulement la mémoire, mais la pensée critique elle-même. Si tu ne cadres pas l’outil, l’outil cadre ce qu’il y a dans ta tête.

Enfin, Macnamara et al. (2024) évoquent un risque de « skill decay », c’est-à-dire que plus on délègue à l’IA des tâches qu’on maîtrisait, plus on perd ses propres compétences. Pour l’individu qui n’a aucune capacité à prendre le recul nécessaire, c’est triste à en pleurer…

Autrement dit, l’IA t’enchaîne en te caressant dans le sens du confort. Et si tu ne mets pas de discipline intérieure en vérifiant, croisant, challengeant… tu finis par suivre l’outil au lieu de garder la main.

Bref, tout ça pour te dire qu’on se déresponsabilise par confort, par peur de se tromper, et parce que c’est plus simple de dire « c’est pas moi, c’est la machine, chef ».

Alors, comment on baisse la TVA de la déresponsabilisation ?

Ici, on soigne la racine quand on reprend la main sur nos décisions, même minimes. Dans Self-Determination Theory, Deci & Ryan (1985) prouvent que l’autonomie est un besoin psychologique fondamental. Dès qu’on fait un choix, aussi petit soit-il, on regagne du pouvoir.

Tu soignes la déresponsabilisation en assumant publiquement tes décisions. Max Weber (1922) rappelait que l’éthique de la responsabilité, c’est savoir dire « j’assume les conséquences de mes actes ».

On baisse donc la TVA de la déresponsabilisation  en cultivant le courage moral. D’ailleurs, Philip Zimbardo (2007) avec The Lucifer Effect démontre que le pire naît quand « personne n’est responsable ». Mais il parle aussi de l’ « héroïsme banal », quand poser un petit acte de responsabilité suffit à inverser la dynamique.

↘︎ TVA de la fatigue

Allons droit au but, la fatigue est probablement la taxe la plus sournoise sur ton « NON ». Le système le sait : un citoyen lessivé signe n’importe quoi.

La racine de la fatigue vient d’abord de l’épuisement décisionnel. Il faut savoir que ton cerveau a un stock limité de « volonté ». Plus tu prends de décisions, plus tu t’épuises, et tu finis par céder. C’est ce que Baumeister appelle l’ego depletion (1998).

La fatigue trouve aussi son origine dans la charge cognitive permanente, appellée aussi la « surcharge d’inputs ». Les mails, les notifications, les deadlines… Tout ça grignote ton attention et réduit ta résistance. Kahneman (2011) l’explique : le Système 2 (lent, réfléchi) de ton cerveau s’épuise vite si tu es bombardé.

Bien sûr, la fatigue provient de la privation de sommeil. Même quelques heures manquantes altèrent les fonctions exécutives et augmentent la docilité. Van Dongen (2003) a montré que dormir 6h par nuit pendant 2 semaines a le même effet que 2 nuits blanches.

On obtient donc un mélange dangereux de décisions en trop, de stimulations en rafale et de nuits trop courtes.

Comment faire baisser la TVA liée à ta fatigue ?

La première étape est de limiter les décisions inutiles. De grands décideurs choisissent de réduire les choix triviaux (mêmes habits, mêmes routines) pour économiser l’énergie décisionnelle. Baumeister  le confirme, moins tu gaspilles ta volonté sur des détails, plus tu tiens sur les choix critiques. Tu comprends l’intérêt de préparer tes repas ou tes habits la veille : tu gardes ton jus mental pour ton « NON ».

La deuxième étape est de t’offrir une hygiène de l’attention. Cal Newport, dans son livre Deep Work nous dit que le multitâche permanent épuise, alors qu’une attention concentrée ressource.

Concrètement, on peut se réserver 30 minutes par jour sans écran ni notifications. Comme un bloc de concentration profonde, cette pratique recharge ta résistance.

La troisième étape est de protéger ton sommeil comme un sanctuaire. Grâce à Matthew Walker dans son ouvrage Why We Sleep, on (re)découvre qu’un sommeil régulier et suffisant restaure les fonctions exécutives et la régulation émotionnelle.

Prendre soin de tes nuits semble donc vital. A heure fixe, dans une chambre sombre, pas d’écrans 1h avant. C’est sans aucun doute ta meilleure arme contre la docilité. Et en même temps, la plus facile à affûter.

Enfin, la dernière étape est de s’autoriser des micro-recharges dans la journée. Des études (Kahn et al., 2008) montrent que même de brèves pauses « nature » réduisent la fatigue cognitive. En conséquence, marcher 20 minutes dehors, faire une sieste courte ou pratiquer la respiration lente casse l’usure.

En gros, moins tu es fatigué, plus ton « NON » a du muscle et plus tu es « taillé » pour être libre.

↘︎ TVA de l’amnésie

On paye la TVA de l’amnésie quand on a effacé les savoir-faire, les leçons de l’Histoire, pour dépendre toujours plus du système. À force de déléguer nos compétences aux apps, au cloud, aux supermarchés… on devient dépendants.

Cette amnésie prend racine dans l’oubli transgénérationnel des pratiques. Quand un savoir-faire n’est plus pratiqué, il se perd en une génération. Jack Goody (1986) a montré comment l’écriture externalise la mémoire et réduit la transmission orale.

L’amnésie puise aussi sa source dans l’externalisation cognitive. Des études ont montré que la mémoire est affaiblie quand on sait qu’une information est stockée ailleurs, c’est le fameux Google effect dont je t’ai déjà parlé.

Enfin, une des racines de notre oubli vient de l’amnésie historique. George Orwell, dans son célèbre livre « 1984 » décrivait déjà comment le pouvoir manipule l’Histoire pour fragiliser la mémoire collective : « Qui contrôle le passé contrôle l’avenir. »

Donc, si on te fait oublier comment on faisait sans la machine, si on efface les leçons du passé, et si on te fait croire qu’on n’a pas le choix… on obtient une dépendance garantie et donc une TVA très élevée quant à ton refus.

Reste à voir comment on retrouve la mémoire pour baisser cette TVA.

La première clé, c’est de réapprendre des savoir-faire de base. Matthew Crawford dans Shop Class as Soulcraft montre que réparer soi-même est une manière de résister à l’oubli technique. Cuisiner, coudre, cultiver, réparer… tous ces petits gestes manuels sont un antidote à la dépendance.

La deuxième clé est de créer des archives personnelles. Frances Yates avec The Art of Memory nous rappellent que la mémoire humaine se structure par des récits et des images. Externaliser intelligemment avec des carnets, des journaux, des arbres généalogiques permet de combattre l’amnésie imposée. Noter ou imprimer ses infos précieuses, ses recettes, ses contacts, ses procédures au format papier semble être une bonne idée.

La troisième clé, c’est de résister à ce foutu « effet Google ». Je te l’ai déjà documenté, le fait de savoir que l’info est stockée ailleurs réduit drastiquement ta capacité à retenir. En conséquence, essaie de mémoriser activement les infos vitales comme des numéros, des adresses, des mots de passe, etc.

La quatrième clé c’est de cultiver la mémoire collective. Pour Maurice Halbwachs la mémoire est aussi sociale, entretenue par les groupes. Ce qui nous pousse à raconter les histoires familiales, à partager des témoignages, à transmettre aux enfants.

Parce que moins tu oublies, moins ton « NON » coûte cher et plus tu peux être libre.

↘︎ TVA du regard des autres

On paye la TVA du regard des autres quand ton estime dépend trop de ce que les gens pensent. Tu obéis pour éviter d’être jugé, ridiculisé, exclu.

La racine du regard des autres vient du besoin d’appartenance. Baumeister & Leary (1995) démontrent que le besoin d’être accepté est fondamental. Le rejet social active les mêmes circuits cérébraux que la douleur physique.

La peur d’être mal vu se nourrit aussi de la conformité sociale. C’est la fameuse étude de Solomon E. Asch (1955) : 75 % des participants modifient leurs réponses pour ne pas se démarquer du groupe, même quand la vérité est évidente.

La peur du regard des autres trouve son origine dans le poids de l’étiquette qu’on te colle. Erving Goffman (1963) nous montre que le stigmate est une marque sociale qui dévalorise l’individu aux yeux du groupe. Éviter la morsure du stigmate devient alors une obsession.

Si le regard des autres nous coûte autant, c’est parce que notre cerveau le vit comme une question de survie : mieux vaut trahir ses idées que finir seul au ban de la tribu.

Comment on traite ces racines pour faire en faire baisser la TVA ?

Dans un premier temps, il s’agit de s’exposer volontairement au regard négatif. Albert Ellis (1957), fondateur de la thérapie rationnelle-émotive, utilisait des exercices d’exposition sociale.  Concrètement, ça revient à demander l’heure à 10 inconnus, chanter dans la rue, etc. Pour prouver à soi-même qu’on survit au ridicule.

Dans un second temps, il s’agit de recentrer l’évaluation sur soi-même. On l’a déjà vu, Deci & Ryan (1985) avec leur Self-Determination Theory indiquent que l’autonomie et l’intégrité réduisent la dépendance aux jugements externes.

Concrètement, ça se traduit par le fait de noter, chaque soir, une action alignée avec tes valeurs, sans te demander si elle a plu aux autres.

Dans un troisième temps, il s’agit de créer une « tribu témoin » bienveillante. Robert D. Putnam montre dans son livre Bowling Alone comment le capital social protège de l’isolement. Si tu as quelques personnes qui valident ton authenticité, tu supportes mieux la critique extérieure. En conséquence, choisis 1 ou 2 personnes dont l’avis compte vraiment pour toi. Les autres deviennent du bruit.

Enfin, il s’agit d’accepter le stigmate comme un badge. Toujours d’après Goffman, l’étiquette qu’on te colle sur le front peut être retournée en un emblème identitaire. Question de perception…

Tu peux faire comme moi et assumer ton étiquette « complotiste » comme un drapeau. J’ai l’habitude d’en rire et de dire autour de moi que je suis ceinture noire de complotisme, 5e dan.  Ça inverse la charge psychologique.

↘︎ TVA de l’individualisme et de l’égoïsme

La TVA de l’individualisme et de l’égoïsme, tu la payes quand tu crois que tu peux (ou que tu dois) tout affronter seul. Le système adore t’isoler. Il nous fait croire qu’on est libres « parce qu’on est seuls maîtres à bord »… alors que cette solitude fabriquée est une cage en or. Parce que sans filet social, ton « non » coûte toujours trop cher.

Identifier la racine de l’individualisme et de l’égoïsme c’est aller taper dans l’origine socio-économique : on t’atomise par le marché.

Dans Liquid Modernity, Zygmunt Bauman démontre que la modernité liquide dissout les collectifs stables comme la famille, la communauté ou encore les syndicats pour produire des individus consommateurs, isolés, plus faciles à gouverner.

L’autre racine de l’individualisme, est d’origine psychologique. C’est le biais d’auto-intérêt.

Mancur Olson avec sa thèse The Logic of Collective Action nous rappelle que les individus au sein d’un groupe privilégient leur bénéfice immédiat (l’effet « passagers clandestins »), sauf si une incitation ou un sens partagé les pousse à coopérer.

L’individualisme se nourrit aussi d’une racine d’origine culturelle. C’est l’idéologie de l’autonomie absolue. Ce concept nous vient de Christopher Lasch (1979), dans The Culture of Narcissism. En effet, nos sociétés valorisent l’image et la réussite individuelle au détriment du bien commun, créant un égoïsme structurel. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on atteint des sommets en la matière depuis quelques temps.

Pour abaisser la TVA de notre individualisme, on peut commencer par réactiver la coopération locale. Dans Bowling Alone, le politologue Robert D. Putnam met en évidence que le capital social (réseaux de confiance, entraide) est directement lié à la santé et à la résilience.

C’est le moment de rejoindre ou de créer une micro-communauté (voisinage, asso, club de sport, guilde) où tu rends service avant de demander.

Pour abaisser cette TVA, il nous faut expérimenter l’interdépendance volontaire. Elinor Ostrom, l’auteur de Governing the Commons (1990) a montré que les communautés locales savent gérer durablement des biens communs sans État ni marché, par des règles et des responsabilités partagées.

Finalement, partager un outil, un potager ou une compétence c’est goûter à l’efficacité du commun. (Spoiler Alert : ça fait un bien fou de se comporter comme un Humain)

Une autre piste pour abaisser la TVA de l’individualisme, c’est, bien sûr, de replacer l’altruisme dans l’équation.

Robert L. Trivers, à l’origine de la théorie de l’altruisme réciproque explique que coopérer, même pour des petites choses, rapporte sur le long terme.

Concrètement, on peut s’y mettre tout de suite. Ça revient à offrir un service ou un savoir sans rien attendre. L’effet boomerang existe, mais surtout, tu réduis ainsi ta dépendance au marché.

Enfin, pour faire chuter la TVA sur l’individualisme, il s’agit de déconstruire l’illusion de l’autosuffisance.

Hannah Arendt, dans La Condition de l’homme moderne, nous rappelle que l’action et la liberté n’existent qu’avec les autres. L’homme isolé est un esclave du système, pas un être libre.

Essaie de noter ce que tu ne pourrais pas faire seul (pain, vêtements, électricité) parce que reconnaître ta dépendance est le premier pas vers une dépendance choisie (communauté), pas imposée (système).

En clair, plus tu tisses de liens, moins ton « NON » t’étrangle, car tu n’es plus seul à payer la facture.

↘︎ TVA du mythe du progrès

La TVA du mythe du progrès, c’est ce supplément qu’on paie parce qu’on croit que la prochaine machine, la dernière appli, la nouvelle réforme ou l’ultime mise à jour de l’IA va forcément « améliorer » notre vie. On obéit parce qu’on ne veut pas rater le train du futur. Alors, on cède notre liberté contre une promesse messianique : le paradis technologique de demain.

La première racine du mythe du progrès vient de la foi dans une croissance illimitée. Dans Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain Condorcet voyait déjà (en 1794) l’histoire comme une marche inéluctable vers toujours plus de raison et de bonheur. Je suis totalement d’accord avec cette vision, mais il faut être capable d’effectuer un pas de côté pour ne pas être aveuglé.

La seconde racine, c’est le paradigme technologique. Jacques Ellul, dans son livre La technique ou l’enjeu du siècle, théorise que la technique avance par sa propre logique, sans frein, et que les sociétés s’y soumettent en croyant qu’elle apporte nécessairement une               amélioration.

Selon lui « la préoccupation de l’immense majorité des hommes de notre temps est de rechercher en toutes choses la méthode absolument la plus efficace »

Enfin, la dernière racine qui tresse le mythe du progrès est le récit moderniste occidental.

Dans l’essai Nous n’avons jamais été modernes du sociologue des sciences Bruno Latour, on voit que le « progrès » est un récit construit, pas une loi naturelle. Il justifie la domination de la nature et des sociétés.

Le mythe du progrès, c’est donc l’histoire qu’on te raconte pour que tu acceptes d’avaler aujourd’hui une contrainte au nom d’un « demain radieux ».

Reste à voir comment on le surmonte pour en faire baisser la TVA.

Ça commence par débusquer les promesses vides. Selon David Noble (America by Design), les promesses technologiques sont souvent des instruments de pouvoir économique.

Donc chaque fois qu’on te dit « c’est pour ton bien » ou « c’est inévitable », demande-toi : Qui gagne quoi ?

Mais ce n’est pas tout, soigner le mythe du progrès nécessite de revenir au critère de capacité réelle. Amartya Sen, dans Development as Freedom nous montre que le progrès n’a de sens que s’il augmente nos véritables « capacités » en matière de santé, de savoir, d’autonomie, etc.

On peut donc évaluer toute « innovation » par une question simple : Est-ce que ça améliore mes aptitudes, mes compétences ou mes moyens ici et maintenant ?

Sortir du mythe du progrès demande également de ralentir la machine. La convivialité d’Ivan Illich nous montre que les outils sont émancipateurs tant qu’ils restent à taille humaine. Quand ils nous dépassent, ils nous asservissent. C’est aussi simple que ça.

Enfin, on se soigne du mythe du progrès en réhabilitant la mémoire historique. A travers Heresies, John Gray (2004) souligne que l’histoire est pleine de régressions et de catastrophes produites au nom du progrès.

En gros, il conseille de garder en tête les fiascos engendrés par le « progrès » comme le nucléaire civil, les pesticides, ou encore Big Pharma. Ça vaccine contre la naïveté.

Ainsi, moins tu crois au conte de fées du futur, moins ton « NON » coûte cher.

↘︎ TVA de la hantise de mourir

La hantise de mourir, c’est probablement la TVA la plus lourde de toutes, parce qu’elle colore toutes les autres (peur, confort, sécurité, progrès…). Tant que la mort est vécue comme l’ennemie absolue, tu acceptes presque n’importe quelle cage pour repousser son échéance.

Identifier la racine de cette hantise, c’est s’intéresser à l’angoisse existentielle. Selon Ernest Becker (The Denial of Death), l’homme vit avec la conscience de sa mortalité, ce qui génère une angoisse permanente. On construit des systèmes comme les religions, les idéologies, le progrès pour l’oublier.

Pour Greenberg, Solomon & Pyszczynski (Thirty Years of Terror Management Theory), quand on rappelle la mort aux individus (mortality salience), ils deviennent plus obéissants aux normes sociales et aux figures d’autorité.

On doit également s’intéresser à notre biais d’aversion au risque. Selon Kahneman & Tversky  on préfère perdre un peu de liberté plutôt que de courir le risque (même faible) de perdre la vie.

La hantise de mourir est donc l’arme nucléaire de la docilité. On nous tient par la gorge avec la promesse de « vivre plus longtemps si on est obéissant ».

On la soigne en 4 temps qui permettent de replacer la hantise de mourir dans son cadre naturel, et donc de réduire la docilité induite par cette peur.

Le premier temps, c’est méditer sur la mort plutôt que de la fuir. Le fameux memento mori

Sénèque écrivait à Lucilius « Apprends à mourir, et tu apprendras à vivre. » Il recommandait ici de méditer chaque jour sur la mort pour relativiser les pertes et les contraintes.

Dans la même veine, Marc Aurèle (Pensées pour moi-même, II, 11) nous a aussi confié une pépite : « Tu pourrais quitter la vie à tout moment. Que cela détermine ce que tu fais. »

On l’a déjà vu dans un autre chapitre, dans le canon bouddhique (Anguttara Nikaya 6.19), le Bouddha enseigne la méditation sur la mort comme une pratique quotidienne, pour dissoudre l’attachement et réduire la peur.

Enfin, les études scientifiques modernes stipulent aussi que la méditation sur la mort (death contemplation) améliore la régulation émotionnelle et réduit l’anxiété existentielle.

Pour aller plus loin, on garde en tête que rédiger sa propre épitaphe ou sa lettre posthume est une technique utilisée en psychothérapie existentielle (Irvin Yalom, Existential Psychotherapy) pour aider les patients à hiérarchiser leurs valeurs et réduire l’angoisse de mort.

King & Hicks (Positive Affect and the Experience of Meaning in Life) affirment que les exercices de psychologie positive comme « écrire son discours funéraire » ou « imager son dernier jour » sont utilisés avec succès pour aider à clarifier ce qui compte réellement.

Concernant la thérapie de l’acceptation, la Terror Management Theory (TMT) de Pyszczynski et al. a montré que la confrontation consciente et ritualisée à la mort (plutôt que son évitement) peut, à terme, réduire l’anxiété et renforcer les valeurs intrinsèques.

Le deuxième temps est très puissant, puisqu’il s’agit de donner du sens à sa vie. Viktor Frankl (1946), dans Man’s Search for Meaning nous rappelle que la peur de mourir recule quand la vie a un sens. Celui qui a un pourquoi peut supporter presque n’importe quel comment.

Le troisième temps consiste à apprivoiser l’incertitude. D’après Irvin Yalom, la thérapie existentielle aide à regarder en face les « quatre angoisses fondamentales » (dont la mort). L’acceptation réduit la soumission aux faux sauveurs.

Cet angle permet de te rendre compte qu’à chaque fois qu’un pouvoir te dit « sécurité garantie », on peut le traduire par « ils exploitent ma peur de mourir ».

Le dernier temps consiste à choisir des micro-risques quotidiens. Albert Bandura nous rappelle qu’affronter graduellement des situations anxiogènes développe le sentiment d’efficacité.

Ça se travaille petit à petit en voyageant sans appli, en sortant sans téléphone, en pratiquant un sport à risque (mesuré). L’idée, c’est de sentir que tu peux gérer l’imprévu sans t’enfermer dans la cage d’une sécurité artificielle.

Au final, baisser la TVA de la hantise de mourir, c’est accepter ta finitude comme compagne. Plus tu apprivoises ta mortalité, moins tu obéis par panique, et moins tu troques ta liberté contre des promesses illusoires d’immortalité.

↘︎ du coût de sortie global

En vérité, baisser ta TVA n’a rien d’un tour de magie. Ça demande de la lucidité, un peu de discipline, et une dose de volonté. Ce cocktail est vraiment propre à chacun.

Il se compose de ce qui est « inné » ou déjà présent chez toi. On peut l’interpréter comme une forme de prédisposition naturelle pouvant réduire la TVA sans trop d’effort.

Mais il se compose aussi de la part de travail personnel qu’il te reste à accomplir. Là où il faut de la discipline, de la régularité, de l’apprentissage et donc du temps.

Pour être totalement sincère avec toi, on ne pourra jamais totalement supprimer la TVA. La peur de la sanction, l’envie d’appartenance, le besoin de confort, la fatigue… sont autant de mécanismes anthropologiques qui sont littéralement câblés dans notre biologie.

Même les maîtres stoïciens ou les sages orientaux n’ont pas une TVA à zéro. Ils ont appris à la voir, à la contenir, à la dompter. Mais ils restent humains.

En revanche, on peut gratter beaucoup plus que quelques pourcents de remise sur cette foutue taxe.

Concrètement, un citoyen lambda vit avec une TVA de docilité proche de 80–90 %. Le prix brut est déjà lourd, alors dire « non » coûte trop cher, donc il cède.

En travaillant ses piliers de docilité comme la peur, l’addiction au confort, la fatigue, etc., chacun peut descendre à 30–40 %.

Et là, ça commence à changer la donne. Un « NON » qui paraissait inabordable devient peu à peu envisageable. Imagine ce que ça donne à l’échelle d’un pays.

Mais ne te trompe pas, le vrai game-changer dans cette histoire, c’est ton capital intérieur. (Enfin, on y arrive !)

Imagine que tu puisses sortir ta carte gold invisible, et payer la facture de ton « NON » comme on règle une addition sans trembler. Avec cette Mastercard très particulière, tu t’offres la liberté, sans contact, sans plafond, sans agios.

« Non, merci », cash. Pas de sueur froide, pas d’angoisse, pas de honte, ni aucune douleur. Avec ta carte spéciale et un grand sourire, tu peux imprimer le reçu de la transaction : un joli petit ticket que tu peux plier en quatre et fourrer dans le fion du système, le cœur léger et l’âme libre. Cette carte-là, c’est celle de tes valeurs cardinales.

La bonne nouvelle, c’est que ton capital intérieur ne dépend de personne. Les valeurs cardinales ne s’héritent pas, elles se cultivent. Il n’y a pas de plafond, il n’y a aucune limite. Et contrairement à ton compte bancaire, elles ne subissent ni inflation, ni saisie, ni contrôle.

Tu peux être pauvre en euros et pourtant millionnaire en valeurs cardinales. Je te tends le fil du prochain chapitre : en route pour mettre la main sur ta fortune personnelle.


[1] Terror Management Theory

[2] Dans sa Lettre 101 à Lucilius


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A propos de l'auteur

Matthieu Biasotto

Auteur indépendant toulousain, rêveur compulsif et accro au café. J'écris du thriller, du suspense avec une touche existentielle.

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