La blessure est l’endroit par où la lumière entre en toi.
Rûmî
Je suis si fier de toi, si tu savais ! Il ne reste que quelques centimètres de laine à dérouler. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que je ne t’ai pas épargné : il suffit de regarder en arrière pour voir tout le chemin parcouru. On est à des années-lumières des poubelles connectées et de mes courriers de l’académie.
Après des mètres et des mètres de fils blancs déroulés dans ta cuisine, on a posé le diagnostics à l’aide de milliers de sources qui allaient toutes dans le même sens. On a déchiré le voile de la vérité, cernant le système et son étrange religion. Puis on s’est réellement penché sur la liberté pratique et politique pour se rendre compte qu’elle se mesure au prix de ton désaccord.
On a vu qu’être libre c’était pouvoir dire « non » sans se détruire. Le coût de ce refus est à la fois externe (le prix brut HT) et interne (la TVA de ta docilité). Ce coût baisse quand tes valeurs cardinales sont claires et tenues. La facture est divisée quand le collectif mutualise les risques et partage les efforts.
On a ensuite abordé la liberté sous un angle ontogénétique. Elle est alors une créativité d’adaptation sous pression.
Ce qui revient à transformer vite ce qui arrive (infos, peurs, contraintes) en quelque chose d’utile (règle, œuvre, décision).
D’un point de vue mystique, la liberté est notre « présence ». Et cette présence déprogramme le mode robot en nous.
La liberté ontologique nous mène à la dé-croyance de la cage. C’est cesser de s’identifier au récit qui dit « je suis enfermé ». C’est élire son attitude, les murs sont alors réels, mais ton centre est libre.
On a vu que notre finitude désarme le chantage. Regarder la mort remet de l’ordre dans nos priorités. On ne paie jamais en choses sacrées (dignité, vérité, parole). Le « prix » devient alors un coût, plus une rançon.
Enfin, on a vu que la transcendance change le bénéficiaire. Quand on agit au nom de quelque chose qui nous dépasse, le coût TTC s’effondre : la menace n’a plus aucune prise.
A la lueur de cet immense périple intellectuel, j’aimerais maintenant t’offrir un ultime recul qui consiste à poser un regard plus spirituel sur ce qu’on traverse actuellement. Rassure-toi, on ne part pas dans un délire new age. Mais je suis convaincu que ce dernier « dézoom » complètera à merveille ta compréhension globale de la situation.
Je t’invite alors à considérer notre époque, la pression croissante du système et toute la configuration actuelle comme une initiation.
Je suis très sérieux. Et si tout ce décor était un rite sans maître, à l’échelle du monde ?
Un rite initiatique, c’est un passage qui défait pour refaire. Ici, il n’y a pas besoin de gourou, la réalité s’en charge. Dans toutes les traditions chamaniques, spirituelles, maçonniques, soufies, une initiation passe par plusieurs étapes. La séparation, la descente, l’épreuve, la mort symbolique, la révélation et la résurrection.
Et notre époque a déroulé, presque point par point, la dramaturgie classique. Ce qui suit n’est pas un roman : c’est une manière intéressante de donner du sens à ce qui s’est imprimé en nous.
La Séparation
Une initiation commence toujours par une coupure, une rupture. On t’arrache à l’ancien monde. Un jour, ton monde « connu » ne répond plus. Les gestes simples coûtent, les évidences se grippent. On perd des conforts, des routines, des certitudes. Parfois d’un coup, parfois par mille petits décalages.
Aujourd’hui, on l’a vécu par des crises synchrones avec des arrêts brutaux, des restrictions, des impossibilités. On a dû cesser de « fonctionner », parfois du jour au lendemain.
L’opération alchimique à ce stade est la calcination, il s’agit de brûler l’illusion du « comme avant » pour accepter de perdre ce qui te faisait oublier l’essentiel.
Spirituellement, la séparation n’est pas une punition. C’est plutôt un arrachement qui te sort de l’enfance confortable. Une part de toi sent la perte, la frustration, la colère. « On m’a volé ma vie normale » dit le « Moi ».
En réalité, via ce passage, on te rend ta capacité d’orientation intérieure. Tu redécouvres ce à quoi tu tiens vraiment. Tu fais le tri entre ce qui était faux et ce qui est nécessaire.
Un bon signe qui témoigne que c’est en cours, c’est que tu ne peux plus fonctionner « à l’ancienne » sans te trahir.
Dans cette optique, tu peux accepter le manque comme un espace, pas comme un vide à remplir.
La Descente
Vient la nuit, plus grise que noire, c’est la katabasis. La descente entraîne une perte de repères, une peur basse, une humiliation diffuse, des « absurdités nécessaires » à signer pour passer ou simplement continuer à fonctionner. Tu obéis parfois pour survivre, tu t’indignes parfois pour respirer, mais tu apprends surtout à voir ta peur.
Dans notre présent, la descente a pris la forme de dispositifs techniques et administratifs qui encadrent ton quotidien. Ce sont des badges, des filtres, des guichets automatiques, des protocoles sans visage. C’est la cage invisible, qu’elle soit sanitaire, numérique ou financière.
Ici, l’opération alchimique est une dissolution. On laisse tomber les défenses de l’ego, on regarde la peur sans fuir.
La descente est la classe obscure où tu apprends la patience, le silence utile, le « non » prononcé sans haine. Derrière le contrôle, la normalisation, le langage qui rétrécit l’esprit, elle te montre tes crochets. Ton besoin d’être approuvé, d’aller vite, d’avoir raison, de tout comprendre. En ce sens, elle ne te brise pas, la descente te dépouille.
Le signe que c’est en cours ? Tu vois tes réflexes de contrôle et ils te paraissent soudain étriqués.
Tu peux savoir si tu as emprunté ce passage quand tu reconnais les moments où tu « signes contre toi ». Tu vois tes réflexes de contrôle, tu commences à dire « non », proprement, sur un point précis.
L’Épreuve
L’épreuve est une pression prolongée, on manque d’air matériellement. Manque de temps, d’argent, d’accès. Elle s’accompagne d’un brouillard psychique (isolement et doute) et d’un narratif écrasant.
Elle ne cherche pas des héros, elle cherche des fidèles. C’est un test de discernement et de courage grandeur nature. Il s’agit donc de voir vrai et d’agir juste. Même si c’est petit, mais avec un acte bien réel.
Au niveau alchimique, l’épreuve opère une séparation qui te permet de distinguer les coûts payables et la rançon interdite.
Elle pose la question simple et droite : qu’est-ce que tu refuses de vendre ? Dans l’épreuve, tu connais la privation, la surveillance rampante, le chantage à l’accès, l’inflation du « coût de vivre ». Elle convertit le flou en choix. Elle t’apprend le prix juste. Par la force des choses, elle t’enseigne comment payer en choses remplaçables (argent, confort, image), jamais en choses sacrées (dignité, vérité, parole tenue).
Pour savoir si tu en es là, regarde si tu choisis une petite fidélité coûteuse plutôt qu’un gros mensonge utile. Et vois si tu dors mieux.
La Mort symbolique
Ici, quelque chose en toi meurt, et c’est douloureux. Tu perds un rôle, une image, une appartenance. Tu peux être étiqueté, marginalisé, caricaturé. Tu traverses une dépossession.
Derrière le déclin social, la réputation écornée et la solitude, la mort symbolique enlève ton identité d’emprunt pour que demeure la véritable personne. Au fond, elle ne t’annule pas : la mort symbolique te simplifie. Tu cesses de te confondre avec ta vitrine. Beaucoup confondent cette étape avec la fin du chemin. C’est plutôt l’anti-chambre.
A ce stade, tu supportes d’être mal compris sans te renier. Alchimiquement, c’est la phase de putréfaction : tu laisses mourir l’avatar pour garder qui tu es vraiment.
La Révélation
La révélation n’est pas un grand secret mystique, c’est la vision nette des engrenages.
Étymologiquement, l’apocalypse est une révélation, le « dé-voilement » ou la « mise à nu ». Tu vois la cage et sa mécanique.
Tu distingues la couche matérielle (murs, procédures), la couche symbolique (normes, récits), ainsi que la couche identitaire (étiquettes, image de soi). Tu vois comment elles s’empilent et comment tu les alimentais par un petit consentement. Et tu cesses d’y consentir.
Alchimiquement, il s’agit de la sublimation, l’opération qui te permet de nommer les engrenages et ton assentiment. Ce que tu vois, tu peux enfin l’ordonner.
Car la souffrance se transmute en lucidité : ce que tu subissais sans mots prend enfin un nom. Tu récupères des gestes simples comme pouvoir dire oui, non, ou sous condition, tu peux exiger une clause, un recours ou même une alternative. Et surtout tu découvres que ton noyau, ton centre, n’est plus à vendre.
Ça ressemble à un désenchantement, un sentiment qui murmurre « c’était donc ça ». Derrière, tu retrouves une liberté praticable. Tu es moins dans l’indignation diffuse, un peu plus dans les actes justes.
Ici, tu as envie de remplacer une indignation vague par une action propre et ciblée.
La Résurrection
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la résurrection n’est pas un feu d’artifice, c’est une densité nouvelle, une autre dimension. Tu choisis la sobriété plutôt que l’anesthésie, l’entraide plutôt que la dépendance, des œuvres utiles plutôt que des postures.
Tu n’as pas « gagné » contre la machine, tu es devenu inachetable. Tu vivras peut-être moins longtemps, mais tu vivras plus juste et plus intensément. Tu retrouves une liberté qui ne dépend plus du décor. Tu ressens la joie tranquille d’être aligné. Tu perçois la créativité qui revient. Tu captes les alliances qui se tissent naturellement autour du bien servi.
Ici, tu dors mieux, non parce que tout va bien, mais parce que tu sais que tu ne peux plus te trahir.
Toutefois, il n’y a rien de romantique, ici : l’initiation est clairement hostile. Personne ne l’a orchestrée pour ton bien. Mais si tu acceptes d’en faire un passage, elle travaille ton âme. Elle te défait de l’ego propriétaire, elle t’oblige à mettre de la conscience dans tout ce que tu fais, elle te réapprend la fidélité.
Alchimiquement, il s’agit de la coagulation, tu fixes la nouveauté en habitudes et alliances. Cette dernière opération te permet d’extraire l’or de ton initiation. C’est un style de vie aligné fait de sobriété, d’entraide, d’œuvres utiles. Une âme transcendée par une cause sublime et une foi inébranlable.
Alors, tu réalises que la « crise » est en réalité un chemin, et tu entrevois un sens caché dans cette prériode d’oppression : ce que tu prenais pour un « système tout-puissant » n’est autre qu’un gardien du passage.
*
Dans les récits initiatiques, avant le « pas-sage », quelque chose garde la porte. Ce peut-être un monstre, une énigme, une tentation. Son job n’est pas seulement d’empêcher, c’est de révéler ce qui, en toi, n’est pas encore prêt. L’adversaire provoque, tente, effraie pour faire remonter tes failles comme la peur, l’orgueil, le besoin d’être vu ou encore la paresse.
Si on porte ce regard spirituel sur notre époque, le Nouvel Ordre Mondial avec son contrôle par les algos, la finance et la narration joue ce rôle. Il appuie là où tu cèdes déjà, sur ton besoin de confort, d’approbation, de vitesse et d’appartenance.
Si tu tapes sur la porte à coups de rage, le gardien se nourrit de ton feu. Tu deviens prédictible, manipulable (et souvent, punissable). La haine mime la force, elle livre ta liberté.
Si tu prends ses armes comme le mensonge stratégique, le bluff ou le cynisme, tu as parfois l’illusion de « gagner » à court terme, mais tu perds ta cause en route. Le moyen contredit la fin, et l’intérieur se creuse. Tu oublies que « les moyens sont au but ce que la graine est à l’arbre ».
Même si c’est parfois nécessaire un temps, si tu décides de te retirer de tout, d’une manière permanente, la porte reste infranchie. Il n’y a pas d’œuvre, pas de transmission, pas d’alliés ni de transcendance.
Au fond, le gardien n’est jamais « vaincu » par plus de bruit, il est dépassé quand ce à quoi il s’accroche n’est plus accessible en toi.
Il ne reste alors qu’une voie pour franchir ce passage, c’est la transmutation. Il convient de ne pas réagir au même niveau, de convertir l’énergie brute en forme juste.
Cette conversion nous pousse à métaboliser la peur en lucidité. C’est-à-dire nommer le fait nu, voir froidement qui décide, selon quelle règle et observer quelle alternative s’offre à nous.
Franchir le seuil demande de transmuter l’humiliation en humilité. L’attaque sur l’image révèle justement ton attachement à la vitrine derrière laquelle tu te caches. Lâche la posture, garde la parole sincère. On ne peut pas humilier quelqu’un qui ne se vend plus.
Ce passage exige de sublimer la contrainte en une forme juste. On t’impose un cadre ? Reformule la finalité, use et abuse de ta capacité créative d’adaptation.
Ouvrir cette porte initiatique nécessite de transformer la colère en courage. Ta colère signale une limite. Le courage la pose sans haine, avec des conséquences assumées.
Ici, tu refuses d’être pris en otage car tu assumes le coût. Alors, le gardien ne disparaît pas… il constate que tu n’es plus achetable là où il frappait fort. Il se déplace, et toi, tu deviens assez mûr. Le vrai « combat » n’est pas de détruire le gardien, c’est de devenir le genre d’âme que le système ne sait plus compromettre.
Il n’y a que deux issues possibles à ce rite initiatique. Soit tu réussis, soit tu échoues.
Si tu parles plus du gardien que de la cause que tu sers… Si tu « gagnes » des batailles, mais que tu utilises des moyens indignes… Si tu vis au rythme des provocations et que ton agenda n’est plus à toi… Si tu dors mal parce que tu as marchandé contre toi-même…
Alors tu n’as pas franchi la porte.
C’est facile à voir, ton estime de soi s’effrite, ta pensée est rabougrie, ta présence est en rade. Au niveau social, tes liens sont plus utilitaires que vrais, tes amitiés s’évitent sur les bords tranchants. Et concernant tes choix de vie, tu externalises encore ta puissance, tu délègues tout et tu râles beaucoup.
Au contraire, tu as franchi le seuil si tu dis « non » sans haine et « oui » sans te vendre. Si tu acceptes un coût concret, mais jamais de payer avec ton âme. Si tu transformes un coup reçu en règle, en œuvre, en lien. Si tu dors mieux parce que tu n’as pas trahi, ni tes valeurs, ni toi-même.
Alors ton estime de soi est reconstruite par des preuves, ta pensée se trouve élargie, ta présence devient dense. Tu mets de la conscience dans tes choix, tes actes et même tes silences.
Tes relations s’épaississent, tu sais pourquoi vous êtes ensembles, tu goûtes à la joie de coopérations réelles. Politiquement, tu (re)fais au niveau local ce que tu attendais d’en haut et qui n’est jamais venu.
Dès lors, tu comprends que l’époque dans laquelle on vit cherche à faire naître en nous la clarté de la dépendance. On était accrochés au confort, à l’État, au flux numérique. L’époque a serré le robinet et, après le sursaut, quelque chose devient clair. L’initiation oblige à se sevrer sans se dessécher.
Ce temps appelle en nous des vertus d’adulte. La patience pour traverser l’épreuve sans s’éteindre, le courage pour accepter le coût de sortie, l’ingéniosité pour transformer la contrainte en quelque chose d’utile, la communauté pour mutualiser le prix du « non ».
Cette époque sombre met en lumière un choix éthique qui se précise. On peut décider de rester esclave, propriétaire de son image, obsédé par sa place. Ou on peut devenir dépositaire, responsable d’une parole, de liens, d’un lieu, d’une manière de vivre.
Cette époque t’aide à redéfinir tes valeurs, et à trouver au nom de quoi tu te lèves pour agir en Homme libre. Rappelle-toi que la transcendance décentre merveilleusement et que la foi te fait tenir droit. À partir de là, le chantage n’a plus de prise. Tu es « passé » de l’autre côté.
De toute évidence, à l’image d’un rite, cette époque précipite ta transformation. D’abord via la séparation, quand tu cesses de confondre le système avec la Vie. Puis à travers la descente, quand tu regardes ta peur sans marchander, tu la laisses te traverser sans lui donner le gouvernail.
Lorsqu’arrive l’épreuve, tu renonces à la rançon, tu acceptes de payer ton coût TTC de sortie. Vient alors la mort symbolique, un rôle s’éteint, un automatisme tombe, ton image lisse se décolle. Ce qui reste est plus nu, donc plus vrai. De là naît la révélation : le fil d’or apparaît, tu vois ce que tu sers et au nom de quoi tu te dresses.
Enfin, la renaissance t’invite à ne plus seulement parler de tout ça, mais à l’incarner, à le transcender.
Réussir, ici, ne consiste plus à terrasser la machine, mais à redevenir inachetable, ingouvernable par la peur. Ça ne t’empêche pas de souffir, ça t’empêche de ne plus te vendre pour souffrir moins. Ce n’est pas non plus convertir le monde en un jour, c’est convertir chaque jour en un monde habitable.
Au fond, ce que l’adversaire voulait utiliser pour te faire plier, tu l’emploies pour te lever. La même pression, un autre centre.
On pourrait évoquer ici l’image d’un art martial comme le jujitsu, où la force de l’adversaire n’est pas frontalement combattue mais redirigée, transformée en mouvement ascendant.
De même, il ne s’agit pas de s’opposer brutalement à la pression du système ou à la peur, mais d’utiliser cette énergie pour se recentrer, se redresser et agir selon ses valeurs. Comme dans un art martial, l’enjeu n’est pas de vaincre l’autre par la domination, mais de retourner la dynamique à son avantage, de transformer l’oppression en élan de liberté.
La victoire ne réside pas dans la destruction de l’adversaire, mais dans la capacité à rester intègre, à ne pas être acheté ni gouverné par la peur, à faire de chaque difficulté une occasion d’habiter pleinement le monde avec conscience et présence.
Si chaque épreuve porte en elle la possibilité de transmutation et que cette époque, lue comme une initiation, déchire le voile… alors l’oppression devient une école de grandeur. Une matière première intéressante.
Elle n’est ni un « cadeau magnifique » par essence, ni une fatalité qui promet magiquement la lumière. Elle est une opportunité conditionnelle. Une occasion lumineuse si on prépare les cœurs, les règles et les lieux. Et au contraire… Une occasion bien sombre, si on la laisse nous tordre sans contenant.
En ce sens, le réveil de chacun est donc un enjeu capital à l’échelle du monde. Par chance, l’éveil est devenu possible à une échelle inédite.
D’abord, parce que la matière est là. Jamais autant de gens n’ont vu d’aussi près la mécanique. Que ce soit les dépendances numériques, les récits qui cadrent, les sanctions automatiques, la fragilité des chaînes d’approvisionnement… Les crises ont joué le rôle de lampe torche. Ce n’est pas tout à fait « le grand réveil », c’est un stock de lucidité disponible.
Et la lucidité, quand elle rencontre un langage commun (tes valeurs cardinales, la présence, la transcendance), arrête de tourner en rond : elle devient orientée.
Ensuite, parce que les moyens de basculer existent. On n’est plus condamnés à la complainte solitaire ou à la grande révolution mythique. Entre les deux, il y a un nouveau champ des possibles : des micro-souverainetés raccordées. Des personnes et des groupes qui savent déjà tenir une parole, convertir une colère en règle, bâtir des circuits courts, passer à des outils réversibles, ouvrir des lieux de parole vraie.
Le réseau permet ce qu’aucune époque n’autorisait : copier, adapter, relier vite des gestes justes. Pour la première fois dans l’Histoire connue, l’éveil ne dépend plus d’un leader providentiel… il essaime par capillarité.
Pour couronner le tout, on dispose enfin d’un cadre intérieur transmissible. Tu l’as tissé avec moi tout du long : la présence qui déprogramme le mode « pilote automatique », les valeurs qui hiérarchisent, la transcendance qui change la monnaie du chantage, l’acceptation de notre finitude qui désamorce toutes les peurs.
Ce cadre, s’il reste sobre et praticable, devient une pédagogie de la liberté. Ça veut dire qu’on peut l’apprendre, l’enseigner et le rejouer à volonté. C’est parfaitement réplicable, et ce qui se réplique gagne l’époque.
Aujourd’hui l’éveil est donc plus que jamais possible parce que la pression est partagée, les preuves sont visibles, les outils d’entraide existent, et qu’un langage commun de la sortie circule. Autrement dit, la porte est ouverte et éclairée, même si personne ne te pousse à la franchir. Le choix appartient à chacun, il suffit de tirer sur le bon fil pour défaire les bons nœuds.
La bonne posture, pour toi et moi, c’est donc de prendre acte que les conditions de l’éveil sont réunies comme jamais, et de se comporter comme des accoucheurs. Des pionniers. Ce qui veut dire offrir des mots, des gestes, des lieux, pour que la lucidité devienne de la loyauté. Et que cette loyauté engendre des œuvres qui soient le fruit d’une transcendance.
À ce prix, l’éveil massif n’est pas tout à fait garanti, mais il devient hautement probable là où on prépare le terrain. Et c’est exactement sur ce point que ma pelote peut faire basculer des vies : en donnant à cette possibilité la forme d’un chemin praticable au plus grand nombre. Une sorte de fil d’Arianne que chacun peut tenir.
Alors voilà… On y est… On a déroulé la pelote jusqu’au noyau. Le système a perdu son auréole, ce n’est qu’une grosse machine. Toi, non. Tu es Vivant.
Tu sais désormais où se trouve ta liberté, dans ta conscience, la fidélité à tes valeurs cardinales, et ce « au nom de » qui t’élève au-dessus de tout. Tu connais la mécanique, tu vois la cage, tu as rencontré ta finitude, et tu as trouvé de quoi lui répondre.
Alors voilà ma proposition toute simple : je t’invite à ne plus revendre ta parole pour gagner du temps. Dis ce qui est vrai sans humilier. Pose une limite sans haine. Donne sans réclamer. Avec ces trois gestes minuscules, tout bascule. Le monde « optimisé » ne sait pas acheter ça.
A présent, imagine que demain matin, des milliers de personnes répètent la même ligne de conduite et la tiennent. Moins de docilité, plus plus de droiture. Moins de réflexes, plus de présence. Des « non » propres et fermes, des « oui » prononcés sous conditions, des œuvres utiles qui apparaissent comme des îlots sains dans un organe fatigué. Ça n’a rien de vraiment grandiose, par contre, c’est très contagieux.
Au nom des enfants — ceux d’ici et ceux qu’on ne verra jamais — on ne laissera pas un système de technocontrôle décider de leur respiration, de leur regard, de leurs gestes. Au nom de la vérité, on ne la confiera pas à une machine, ni à des décideurs haut perchés : la vérité est une parole habitée, elle n’a pas besoin d’un score de conformité. Au nom de notre humanité, on refuse de payer avec notre âme ce que la peur exige en prélèvement instantané.
Je te demande une dernière faveur, transmets cette pelote. Offre-la, lis-la à voix haute, prête-la, recopie une page, dix pages, cent pages ou même tout le bouquin si ça te chante. Ouvre un cercle de voisins, d’amis, de collègues. Aide quelqu’un à tirer son fil jusqu’à sentir, pour de bon, la place où son « non » redevient payable et sa parole invendable.
Si mille mains s’y mettent, la cage se défait par endroits. Si un million s’y mettent, c’est tout le tissu qui change.
Alors au nom des enfants, de la vérité, de la justice et de l’humanité vivante, va aider d’autres personnes à tirer sur les bons fils dès aujourd’hui. Et n’oublie pas les mots d’Alexandre Soljenitsyne :
« Une parole de vérité pèse plus que le monde entier. »
Avec tout mon Amour, Matthieu.

Remerciements
Cette pelote n’aurait jamais vu le jour sans Ulrich, un « miracle » croisé sur ma route : il a été, sans le savoir, le déclencheur de ce projet, l’étincelle. Il a suffi d’une vidéo postée sur un de mes canaux, pour que mon cœur s’enflamme et que je passe à l’action. C’était une vidéo abordant le durcissement des règles concernant les « nomades » en camping-car. Je le remercie pour sa présence discrète et fidèle.
Après l’étincelle, Nicolas Bouvier a été la mèche. Je le remercie du fond du cœur pour son émission diffusée sur YouTube, pour ses invitations et pour ce lien très particulier que nous avons : un mélange de profond respect et de compréhension mutuelle. J’ai retrouvé confiance en moi et l’envie de détricoter grâce à ses mots.
Ensuite je tiens à remercier Emilie, ma femme, pour son soutien inconditionnel et pour les nombreuses heures passées à « sécuriser » les liens de chaque chapitre. Grâce à sa patience, chaque ressource est archivée, dupliquée. Entre les relectures, les conseils et son implication globale, ma gratitude déborde à son égard.
Impossible de ne pas remercier « papi Marc », sans qui je n’aurais pas les outils ni l’infrastructure informatique nécessaire pour détricoter correctement l’actualité. Je remercie également ma mère qui est très précisément sur la même longueur d’ondes que moi. C’est vital pour ce genre de projet de sentir soutenu et attendu.
Dans cette aventure, j’ai eu le soutien matériel de mon père, je suis très reconnaissant de notre relation apaisée, grâce à lui, j’ai pu écrire dans des conditions appréciables et appréciées. Merci pour ça.
Enfin, La Pelote de Laine n’aurait aucun intérêt sans toi, cher lecteur. Merci du fond du cœur pour ta fidélité ou pour ta curiosité s’il s’agit de ta première boule de laine. Sans mes lecteurs et sans le soutien financier de chacun, je ne pourrais pas continuer à défaire les nœuds de l’actualité à et à réfléchir « en grand » comme je le fais maintenant. C’est grâce à l’achat de mes livres, à vos dons à vos partages.
Comme je déteste les adieux, et que d’autres pelotes sont en préparation, je t’invite à rejoindre ma communauté sur le groupe Telegram « La Pelote de Laine ». Tu peux également retrouver ma page auteur sur Facebook et enfin tu peux soutenir mon travail en m’offrant un bout de laine, un peu de karma et beaucoup de réconfort.