Faida – Chapitre 52

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Parfum d’Algues et Désirs Brûlants

giulia

Les pavés résonnent doucement sous nos pas, comme le murmure de toutes ces vérités que je n’ai jamais osé prononcer. Le chant des vagues, frappant contre les rochers, accompagne notre fuite silencieuse. Gianni serre ma main, sa prise ferme et chaude, un ancrage au milieu du tourbillon de pensées qui m’envahit. Il y a entre nous une tension douce, presque électrique, teintée d’interdit, rendant chaque instant plus intense. On vient de passer comme des ombres dans le dos des pêcheurs, échappant à leurs regards suspicieux.

— Allez, mon petit capitaine de chalutier, presse le pas !

— Plus je me secoue, plus j’empeste ! Comment tu fais pour supporter cette odeur ?

Je retiens un rire en voyant son dégoût. Ce ciré, qu’il déteste, déforme son allure élégante habituelle. Si l’élégance n’est qu’un habit, notre complicité est une seconde peau. Les effluves de sel et de poisson remontent jusqu’à moi, et un sourire amusé me traverse. Il est tellement hors de son élément que la scène en devient presque irréelle.

— Je me parfume aux algues, tu te souviens pas ?

On atteint enfin le jardin caché derrière l’église de Santa Maria Assunta. Les voix lointaines des enfants jouant au ballon dans la rue nous parviennent à peine, un écho du monde extérieur, tandis que on se réfugie dans ce coin oublié. Le jardin, envahi par le lierre et les fleurs sauvages, semble suspendu hors du temps. Une vieille fontaine au centre murmure doucement, et on s’assoit sur un banc en bois, à moitié dissimulé derrière un buisson de roses. L’air est chargé de tout ce qui reste en suspens, la tension palpable entre nous.

Je tourne la tête vers Gianni, et en le voyant ainsi dans ce ciré ridicule, je ne peux m’empêcher de sourire.

— Fais pas cette tête. Qui sait, t’es peut-être en avance sur la prochaine Fashion Week de Milan avec ton style “pêcheur chic.”

— Je peux retrouver ma dignité, ou je dois encore supporter cette horreur longtemps ?

— T’as bien mérité une petite récompense. Viens par-là, mon petit marin puant…

Il esquisse un sourire, mais avant que nos lèvres ne se frôlent, son téléphone vibre dans sa poche. Le moment suspendu éclate. Le monde extérieur a toujours le don de briser les instants vrais. Je soupire intérieurement. Gianni sort son vieux téléphone à clapet et, en voyant l’écran, lève les yeux au ciel.

— Désolé, je dois prendre cet appel.

Sa voix change immédiatement, se faisant plus dure. Il parle en termes techniques, évoquant des détails que je ne comprends pas. C’est le genre de conversation qui aurait dû être rapide, mais qui semble interminable. Je l’observe, une vague de frustration montant en moi. Lorsqu’il raccroche enfin, je ne peux m’empêcher de lancer un commentaire, mi-amusé, mi-agacé.

— C’était si urgent que ça ?

— C’était l’artisan, pour le mât.

— Quel artisan ? De quoi tu parles ?

— Un gars d’Atrani, un expert. Il avait besoin de précisions pour le mât, et je devais confirmer l’acompte pour commencer les travaux.

Je le regarde, agacée, essayant de contrôler ma réaction.

— Et tu as pris cette décision sans m’en parler ?

Le sarcasme glisse malgré moi. Gianni se fige un instant, surpris. Les ombres des arbres dansent doucement au-dessus de nous, comme un rappel que chaque décision prise seul nous éloigne un peu plus l’un de l’autre.

— Je pensais que c’était mieux pour nous… Je m’excuse.

— Tu t’excuses, c’est tout ?

— Il fallait commander le mât, non ?

Son ton habituellement sûr vacille légèrement. La chaleur de l’agacement monte en moi.

— C’est drôle, je ne me souviens pas avoir été consultée. On est censés prendre ces décisions ensemble, non ? Et accessoirement, je n’ai pas les moyens de payer cet artisan, mais tu n’as pas jugé utile de me le dire non plus.

Ma voix monte, plus forte que je ne l’aurais voulu. Un silence pesant s’installe. Gianni me regarde, cherchant à comprendre, mais tout ce que je vois, c’est un homme dépassé par ma frustration. Il se rapproche et pose doucement sa main sur ma joue, un geste familier, celui qui m’apaise toujours. Je ferme les yeux un instant, essayant de laisser sa présence calmer ma colère.

— Je suis désolé, Giulia. Je vais m’occuper de l’acompte. J’ai l’habitude de gérer des sous-traitants sans en parler à personne.

— On est une équipe, oui ou non ?

— Oui, je sais… J’aurais pas dû traiter ça comme un chantier ordinaire.

Il est sincère, mais je sens qu’il ne saisit pas entièrement. Ce n’est pas juste une question d’argent ou de décision pratique. C’est notre projet commun, notre lien, que je veux préserver.

— Ce mât, ce n’est pas juste un morceau de bois. Je veux être impliquée, Gianni, à chaque étape. Pas parce que c’est pratique, mais parce que c’est important pour moi.

Il hoche la tête, visiblement touché. Ses yeux, sérieux, semblent enfin comprendre la profondeur de ce que je ressens.

— Je comprends. Vraiment. À partir de maintenant, on décide ensemble.

Ses yeux cherchent à m’envelopper de toute sa sincérité. Les promesses vides s’effondrent, celles tenues bâtissent des ponts.

— Je te promets d’être honnête, tout le temps.

Ses mots résonnent en moi, et un poids semble se dissiper. La confiance ne se demande pas, elle se construit. Le silence qui suit est plus léger, comme si quelque chose s’était enfin débloqué. Gianni me regarde et sort son téléphone à nouveau. Je lève un sourcil alors qu’il compose un numéro.

— Claudia ? J’ai besoin de toi pour de la compta.

Il se tourne vers moi, un sourire en coin.

— C’est mon assistante.

Je souris légèrement en le regardant gérer ses affaires, cette fois en me tenant la main.

— Ouais, un virement pour un acompte. Je t’envoie les infos.

Puis, plus bas, presque pour moi :

— C’est du perso, pas les fonds de la boîte.

Il me jette un coup d’œil, cherchant mon approbation. Je sens la tension s’alléger, l’agacement s’évaporant. Il a compris qu’il fallait m’inclure, même à distance. Un petit pas, mais important.

Alors que je m’apprête à me rapprocher de lui, la voix de Claudia résonne faiblement à travers le combiné. Son timbre est délicat, velouté. Sans doute trop. Elle semble avoir plus à dire.

— Les apporteurs de la clinique privée ont confirmé le rendez-vous. Je valide le créneau de demain ?

Gianni pousse un soupir silencieux, agacé par ces obligations familiales qui le rattrapent toujours.

— Oui, confirme. Prépare les contrats, je serai là dès que possible.

Il termine rapidement l’appel, mais je me sens de nouveau exclue. Une vague d’insécurité m’envahit malgré moi, et je tente de la masquer avec une pointe d’ironie.

— Elle a l’air compétente, cette Claudia…

— Très compétente.

Gianni revient vers moi, son regard perçant. La jalousie que je ressens est irrationnelle, mais réelle. Il s’approche doucement, comblant l’espace entre nous. Ses yeux plongent dans les miens, et je sens la chaleur entre nous monter, cette tension brûlante qui ne cesse de s’intensifier.

— Mais je ne sauterais pas dans les vagues pour elle.

— Me voilà rassurée.

Il sourit, jouant avec cette tension palpable qui nous entoure. Ses doigts effleurent ma joue, et je me rapproche, attirée par cette chaleur. Tout en lui me pousse à flirter avec l’interdit.

— Et je n’ai mis cette monstruosité que pour toi, je te signale.

— Quel honneur… Sauf pour le parfum, bien sûr.

Nos corps se rapprochent dangereusement, la tension à son comble. Nos lèvres s’effleurent, mais soudain, des enfants surgissent autour de la fontaine, brisant l’instant. Je soupire en riant doucement, frustrée.

— On ferait mieux de s’en tenir là si on ne veut pas attirer l’attention.

Gianni sourit, mais reprend déjà son sérieux.

— Je dois aller à Naples, des affaires à régler.

Avant qu’il ne puisse partir, je l’attrape par le col et l’attire vers moi. Après m’être assurée que les enfants sont partis, je l’embrasse, nos lèvres s’unissant dans un moment volé. C’est plus intense que tous nos baisers précédents, comme si chaque seconde entre nous alimentait encore plus cette flamme. Nos souffles se mélangent, et je sens la chaleur de son corps contre le mien.

Je recule légèrement, mes doigts toujours enroulés autour de son col, un sourire espiègle sur les lèvres.

— Tu peux garder la monstruosité.

Si cette histoire te plaît, partage-la avec ceux que tu aimes ! Ensemble, faisons voyager ce roman.

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A propos de l'auteur

Matthieu Biasotto

Auteur indépendant toulousain, rêveur compulsif et accro au café. J'écris du thriller, du suspense avec une touche existentielle.

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