Toulouse, cuvée 83. Depuis aussi loin que je me souvienne, déjà enfant à Saint-Cyprien, j’avais trois passions : dessiner, me raconter des histoires, et finir avec un plâtre quelque part, main ou pied. Artiste, rêveur, un peu cabossé… c’est un bon résumé.
J’aime croire qu’on est la somme de nos choix, de nos petites et grandes souffrances. Un empilement vivant de victoires, de revanches, de choses à dire et d’autres à taire. Dans une main, on tient nos fiertés ; dans l’autre, un paquet de regrets. On rafistole le tout avec des moments de peine, de joie, de bonheur, en priant pour que ça tienne malgré les aléas du destin, tout en continuant à rêver en secret. En ce sens, je suis un pantin défiguré qui bade la lune, une marionnette contemplant les étoiles, l’âme un peu écorchée et souvent incomprise. Une mélancolie me suit, douce et discrète. Elle ressort parfois, les soirs d’alcool, les nuits de panique, les bronches pleines d’herbe ou entre deux sourires. Pourtant, enfant, tout allait bien. C’est plus tard que j’ai dérapé – ou peut-être que j’ai simplement ouvert les yeux.
Fragile, différent, un peu brisé sans raison apparente. Plus tard, j’ai eu de vraies raisons de l’être, mais ça, c’est une autre histoire. J’ai passé des années à me raccrocher au besoin d’être aimé. On m’a rapidement refroidi sur ce point. Alors, j’ai appris à faire sans, sans que ça m’empêche de souffrir de temps en temps ni de vouloir retenter le coup. Connaître les règles et aller malgré tout à contre-courant, c’est un peu mon crédo.
Très tôt, j’ai compris que je n’étais pas fait pour le moule. J’y étouffais. À tel point que j’aurais préféré tout arrêter plutôt que d’entrer dans cette norme. Alors, j’ai inventé des mondes, une infinité de « moi », et des personnages à perte de vue. Je me suis réfugié dans l’imaginaire et la créativité chaque fois que la réalité devenait trop moche, insupportable, ou juste merdique (répétitive, injuste… tu vois le tableau).
Trop émotif pour être vraiment heureux, constamment en introspection, j’ai souvent laissé filer les trains sans m’en rendre compte. Psychanalyse gratuite d’un bisounours égaré. Entre les « Et si ? », les « Pourquoi pas ? » et les « Sauf que… », j’ai construit des barricades et un monde à moi. Un monde de transition, avant que je sois prêt à sauter dans l’écriture. Ça a été mon échauffement et surtout un pansement pour survivre dans cette fameuse « normalité »… parce qu’au bout du compte, le sacro-saint moule, je lui ai finalement léché les bottes au point de m’y fondre.
C’est un burn-out qui m’a forcé à la révélation. Graphiste à mon compte, je m’étais épuisé à toucher le sommet. Le prix ? J’avais fini par perdre totalement mon identité. J’étais devenu une pâte à modeler, un tas de compromis, bourré de caféine et de nicotine, collé à l’écran vingt heures par jour. Ma seule obsession : satisfaire les autres, au point de m’oublier moi-même, de rayer des années entières de souvenirs auprès de mes garçons en bas âge. Je courbais l’échine pour entrer dans le rang, m’entaillant un peu plus les veines à chaque concession, me sentant étranger à ma propre vie. Pas dans le bon siècle, ni dans la bonne dimension. [Fin de la partie dramatique]
Avec le recul, ce burn-out a été le point de bascule. Un été à Royan, un grand crac dans le dos, double hernie discale, noir total. Ce moment précis m’a fait réaliser que je ne pouvais plus continuer. Mon corps disait stop, et quelque part, c’était un soulagement. Je n’avais plus la force de feindre. Une aubaine déguisée en accident de la vie, si tu veux.
À partir de là, il ne me restait que mes histoires – et des opiacés pour calmer la douleur. J’ai compris que pour moi, ce serait écrire ou mourir. Créer pour exister. Vivre des dizaines de vies, accepter qui je suis pour m’en libérer, divertir et peut-être même susciter quelque chose en toi. Te permettre un instant d’évasion et, qui sait, provoquer quelques questions existentielles. Je m’alignais enfin avec moi-même. Un gosse un peu bancal, passionné. J’ai lâché le masque et avancé dans la bonne direction.
Alors voilà. Plutôt que de te raconter ma vie de famille, mon petit train-train à Montesquieu Volvestre, mes 70 000 lecteurs ou mon superbe atelier, je préfère te parler en toute sincérité, ici sur mon site, où je suis libre.
Auteur, écrivain, créatif, conteur… Tout ça pour dire que je raconte des histoires. Une passion, mais aussi mon salut, ma raison de me lever chaque jour. La fiction m’ancre dans la réalité. Depuis que j’écris, je me sens vivant. J’observe vraiment le monde, au lieu de le survoler. Le plus beau, c’est la richesse des rencontres. Humainement, je n’ai jamais été aussi riche.
Si je me suis lancé officiellement il y a quelques années, j’invente depuis toujours. Chaque matin, c’est plus fort que moi : je noircis mes carnets, mon clavier, et ça rime souvent avec une clope, un café. Par les mots, les couleurs, l’encre, je revisite la réalité et je m’évade dans le champ des possibles. La nuit, les idées ne s’arrêtent jamais. Ce que j’ai longtemps pris pour une malédiction, je le vois aujourd’hui comme un don. Celui qui me permet d’écrire, de peindre, de plonger dans la vie.
Puis est arrivée cette période qu’on appelle le “Coco”, et quelque chose a encore craqué. En observant ce qui se passait autour de nous, j’ai pris conscience de l’étendue de la manipulation, des intérêts qui nous échappent. J’ai compris que ce besoin de rentrer dans le rang cachait une réalité bien plus sombre. Aujourd’hui, impossible de revenir en arrière.
C’est aussi pour ça que j’écris. Créer, c’est résister. C’est une liberté de peindre des mondes, d’imaginer des avenirs, de parler de vérités sous couvert de fiction. À chaque histoire, j’éclaire une zone d’ombre, questionne les évidences, provoque un doute, une prise de conscience, ou simplement l’envie d’observer le monde différemment.
Cette écriture, je l’ai un temps mise de côté pour me recentrer. Ce chemin de gratitude m’a permis de comprendre ce que vivre et ressentir signifient vraiment. Depuis, l’écriture de Faida est devenue une quête de sens, un équilibre entre ombre et lumière, révolte et paix intérieure. Mes histoires peuvent aller au-delà du simple divertissement, toucher à quelque chose de plus grand.
Si tu es arrivé jusqu’ici, bienvenue. Peut-être nous croiserons-nous un jour, entre mes lignes ou dans la réalité. Peut-être les deux. Merci d’être là.
Matthieu
Merci pour le partage, à lundi ? 🙂
Bonjour, dans la vie il n’y a pas de hasard. Je viens de m’inscrire à la formation “ecrire un livre accrocheur”. Voilà le fil rouge de notre rencontre. Ensuite en vous lisant lors de votre présentation, vos mots font échos en moi. Un écho lointain qui me rappelle mon fils. Le livre que je vais écrire sous un aspect fantasy, relatera un petit bout de la vie de mon fils d’ailleurs. Ses souffrances, ses paradoxes d’être humain.
Alors, merci à la vie pour cette rencontre. Vos mots, sont comme des phares dans la nuit.
Bon et bien voilà, je viens de lire qui tu es et commander la pelote rouge et la bleue (tant qu’à faire autant avoir les solutions au marasme dans lequel nous vivons). Il me tarde déjà de les recevoir (j’ai commencé la lecture en PDF ne sachant pas que ça existait en livres – et j’aime tellement les livres-). Excuse moi pour le tutoiement, d’un côté c’est toi qui a commencé, et de l’autre, tu pourrais être mon fils (qui a bien des similitudes avec ton profil).
Cordialement.
Claire
Tu fais bien de me tutoyer Claire. Je te remercie du fond du cœur de dérouler mes deux pelotes. Une fois que tu as tiré sur le fil bleu, je pense qu’on se croisera pour mes fameux “28 jours” destinés à devenir ingouvernable.
Heureuse d’avoir découvert ton parcours de vie. Pas de hasard dans la vie.
Juste des synchronicités. Merci à toi pour ton honnêteté et ta belle histoire.
Tes affiches sont magnifiques
Merci Maeva, je pense aussi que tout arrive dans une immense symphonie qui nous dépasse (souvent).
Je te découvre avec la pelote de laine rouge. Née de la même cuvée que toi et toute ma vie en dehors de ce moule dont tu parle. Je suis heureuse de connaître un peu de ton histoire et surtout de lire toutes tes histoires. Merci Matthieu et belle journée et toi et ta famille. Céline
Merci Céline ! Quelle excellente cuvée 😉 Je suis ravi de voir qu’il existe encore des électron libres allergique au conformisme, des belles âmes dotées d’un esprit critique et d’une capacité à vivre autrement. Bref, tu es un rayon de soleil dans ma petite journée.