Faida – Chapitre 34

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Le Secret sous les Vagues

Giulia

ici et maintenant…

Je reste plantée là, la main crispée contre le cadre de la porte, comme si ce simple contact pouvait m’ancrer ici, près de lui, comme si lâcher cette porte serait lâcher tout ce que nous avons été. Gianni est allongé, tranquille, son visage baigné par la lumière froide des néons, ce froid qui me pénètre jusqu’au cœur. Il a l’air de s’endormir paisiblement, presque comme avant, mais moi, je suis en plein naufrage. Mon cœur bat trop vite, chaque battement me hurle de rester, de me battre encore, de ne pas abandonner. Mais je sais… Je sais que c’est fini, que même les plus beaux sentiments ne peuvent pas toujours tout sauver. Peut-être que tenir à lui, c’est aussi savoir partir, même quand chaque fibre de moi hurle de rester près de lui.

Mes doigts glissent doucement, quittant le bois comme une voile qui se détache d’un mât dans une mer calme. Laisser cette porte, c’est tout laisser. Entre nous, le vide est là, immense, comme un abîme qui s’ouvre sans fin, un gouffre que plus rien ne pourra combler.

Je fixe le bracelet posé sur la table de chevet, un simple bijou doré avec des petites bouées miniatures, insignifiant en apparence, mais si lourd de sens. Chaque détail de cet objet me ramène à ce que nous étions, à ces promesses, à ces rêves que nous avons un jour partagés. Ce bracelet, témoin d’une époque où tout semblait possible, est là, abandonné comme un naufragé sur une plage déserte. Comme moi, prête à abandonner Gianni.

Mon cœur se serre si fort que je ne peux plus respirer. Les larmes montent, brûlantes et salées comme de l’eau de mer dans mes yeux, prêtes à jaillir, mais je les retiens. Je ne peux pas craquer maintenant. Je ferme les yeux, essayant de repousser cette vague de douleur qui me submerge, mais elle est là, implacable. Le sacrifice que je m’apprête à faire me paraît insurmontable. C’est comme laisser une partie de moi-même dans cette chambre, avec lui, échouée sur un rivage qu’il ne reconnaît plus.

Je le regarde une dernière fois. Gianni. Son visage, si calme, si paisible… mais il ne se souvient plus de moi. Et c’est ça qui me tue, pas juste la perte de ce qu’on était, mais cette barrière impénétrable, cette mer infranchissable qu’il ne pourra jamais traverser.

Je recule, mes jambes lourdes comme des ancres, mon cœur prêt à exploser. Je suis prête à partir. C’est ce qu’il faut, non ? Le laisser, le laisser se reconstruire, sans moi, sans ce que nous avons été. Même si ça me détruit. Parfois, aimer, c’est accepter de tout perdre pour que l’autre puisse se retrouver.

Mais je n’arrive pas à bouger. Mon cœur se débat, me supplie de rester, de me battre encore, de ne pas l’abandonner. Une partie de moi, désespérée, refuse de l’accepter. Pourtant, je sais que c’est la seule solution. Il doit se retrouver, et je ne peux pas l’aider à le faire, pas alors qu’il sait même plus qui je suis. Pas alors que je suis à l’origine d’une grande partie de ses ennuis. Je dois le laisser partir.

— Je t’aime, Gianni… mais il me faut te donner une chance de te reconstruire.

Les mots sortent à peine, comme un souffle faible, étouffé par la douleur. L’amour, c’est aussi ça parfois, le sacrifice. Savoir se retirer pour qu’il puisse se retrouver. Ça ne veut pas dire cesser d’aimer, c’est juste la chose la plus dure à faire. Et pourtant, chaque partie de moi se révolte contre cette décision.

Je fais un pas en arrière, les pieds lourds, plombés. Puis, enfin, je franchis la porte. C’est là que tout change. Un adieu silencieux, sans mots, mais avec un vide immense qui s’installe, implacable.

Les couloirs de l’hôpital s’étirent devant moi, froids et blancs comme des vagues figées. Chaque pas résonne dans ce silence glacé, creusant encore plus ce gouffre en moi. À chaque pas, je sens une part de moi s’éloigner, se dissoudre comme du sel dans l’eau. Mais avancer, c’est tout ce qu’il me reste maintenant que tout est en ruines. Le monde autour de moi rétrécit, se resserre, m’enfermant dans une réalité où l’amour ne suffit plus.

Soudain, une main se pose doucement sur mon bras. Le contact est léger, presque imperceptible, mais il me ramène brusquement à la surface. Je sursaute, mon cœur bondissant dans ma poitrine. Un soignant est là, son visage sérieux, mais plein de bienveillance. Ses lèvres bougent, mais ses mots sont noyés, comme s’ils me parvenaient à travers un brouillard.

— Il a besoin de temps. Il pourrait retrouver ses souvenirs, mais il doit être entouré de choses et de personnes qui lui sont familières.

Familières. Le mot soulève en moi une vague d’imposture comme un coup de vent inattendu. Comment je pourrais être ce lien familier alors qu’il ne sait même plus qui je suis ? Je pourrais rester à ses côtés, mais je ne serais qu’une étrangère pour lui, un visage flou dans un monde qu’il ne reconnaît plus.

Je hoche la tête, sans vraiment comprendre. Mon esprit est trop envahi par les souvenirs de Gianni. Ils m’apportaient autrefois du réconfort, ils sont devenus des épaves à présent. Chaque image, chaque moment avec lui me transperce un peu plus. Il m’a échappé, et rester ici ne ferait que creuser encore plus le fossé entre nous.

Je sens les larmes me brûler les yeux, mais je les retiens. Je dois être forte. Pour lui, pour moi. Je pourrais m’accrocher à l’espoir qu’il se souvienne un jour, mais ce serait égoïste. Je dois faire face à la vérité.

Je me tourne vers la sortie, prête à avancer, à quitter cet hôpital. Même si une partie de moi reste ici, échouée sur ce rivage avec lui. C’est ce que l’amour exige parfois.

En avançant vers le hall, je croise la famille Rossi, tous rassemblés. Ils sont là, soudés, comme une forteresse imprenable. Contents de me voir dériver. Leur présence me rappelle que je suis une étrangère dans leur monde. Un monde que j’ai essayé de comprendre, mais qui m’a toujours rejetée.

Je les regarde un instant puis les délaisse, une tristesse sourde me submerge. Peut-être qu’en partant, je permettrai à Gianni de guérir. Peut-être que sans moi, sa vie sera plus simple, moins compliquée par nos erreurs, nos fardeaux. Et tout ce qu’on a provoqué.

Je suis sur le point de franchir les portes du hall, prête à tourner la page, quand une voix douce m’interpelle.

— Vous êtes Giulia, non ?

Le son de mon prénom, prononcé par une voix inconnue, me fige. Je me retourne et découvre une femme rousse, discrète, mais avec un regard perçant. Elle avance calmement, déterminée, comme si elle détenait une vérité que je ne pouvais plus ignorer.

— Je suis désolée pour Gianni… mais il faut que je vous parle de ce qui s’est passé.

Ses mots sont lourds, chargés de quelque chose de bien plus grand que moi. Elle m’entraîne dans un recoin isolé. Je sens une angoisse monter, son ton calme tranche avec l’ouragan qui s’éveille en moi.

— Gianni craignait pour sa vie avant l’accident. Il avait trouvé des preuves importantes sur le navire, des trucs tellement cruciaux que certaines personnes ont voulu le faire taire.

Ses mots me frappent comme des vagues furieuses, balayant tout sur leur passage. Il y a des amours qui exigent qu’on s’éloigne pour mieux les sauver, et puis il y a des vérités qui, une fois révélées, changent tout. Gianni était en danger. Ce n’était pas un accident. Une vérité sombre et immense émerge des flots.

Je me sens dépassée. L’idée de le quitter devient soudain inconcevable. Je ne peux pas partir alors que la vérité commence à peine à se dévoiler et que rien n’est réglé. Je veux parler, mais aucun mot ne sort. La femme s’approche encore, son regard intense, sa voix est appuyée.

— Giulia, je sais qui a voulu tuer Gianni.

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A propos de l'auteur

Matthieu Biasotto

Auteur indépendant toulousain, rêveur compulsif et accro au café. J'écris du thriller, du suspense avec une touche existentielle.

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Julie
2 jours il y a

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[…] novembre 2024 F par Matthieu Biasotto 7 novembre 2024 Commenter Faida – Chapitre 34 Retour en haut Faida – Chapitre […]

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