Faida – Chapitre 45

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Jeu de Séduction

giulia

LLe soleil tape fort, brûlant chaque centimètre de ma peau malgré le tissu trempé qui me colle. L’air, lourd et oppressant, semble s’évaporer avant même d’atteindre mes poumons. Mon corps vacille sous cette chaleur implacable, mes mains agrippant fermement le mât — celui qui a failli me broyer. Le bois usé grince sous mes doigts, comme l’écho de mon souffle court. La lutte en moi n’est plus seulement physique, elle est aussi mentale, un bras de fer intérieur contre ce désir ardent, irrésistible, qui me tire inexorablement vers Gianni.

Je jette un coup d’œil à la dérobée. Concentré, il tire sur la corde, ses muscles tendus sous sa chemise déchirée. La sueur scintille sur sa peau, chaque goutte glissant, dorée, sous les rayons du soleil. Je détourne les yeux, tentant de me maîtriser, mais inévitablement, mon regard revient à lui. Son odeur, mélange de sel et de parfum sophistiqué, emplit l’air, me pénétrant jusqu’au fond. Mon cœur s’emballe. Je me répète de tenir bon, mais chaque échange de regard attise un feu plus brûlant que cette chaleur écrasante.

— Il nous faut des chaînes plus solides.

Sa voix grave me traverse, déclenchant une onde de désir que je peine à contenir. Il essuie la sueur de son front, et dans ses yeux, je lis une urgence qui fait écho à la mienne. Chaque geste est un aveu silencieux : nous sommes à la limite du point de rupture. L’air entre nous est chargé, presque palpable.

En silence, nous fouillons le bateau, nos gestes précis et mécaniques. Pourtant, chaque frôlement, même accidentel, fait courir une décharge dans mes veines. Un bruit retentit sous mes pieds. Une trappe. Je l’appelle, et ensemble, nous la soulevons, nos doigts se frôlant. Un instant si bref, mais suffisant pour allumer une étincelle. Un petit espace sombre se dévoile sous nous. Gianni descend le premier. Je le suis, poussée par une force irrésistible.

La cabine qui se révèle semble suspendue hors du temps. Des chaînes rouillées pendent aux murs, vestiges d’un autre âge. Mais ce ne sont pas elles qui captent mon attention, c’est cette tension entre nous, ce lien invisible qui devient de plus en plus pesant. Nous nous asseyons, nos corps trop proches, nos jambes se frôlant. Un silence enveloppant nous lie, nos respirations se mélangent. Mon cœur bat plus vite.

— C’est bien, ce calme. Loin de tout ça.

Sa voix est douce, presque apaisante. Ce calme est une trêve, ou peut-être une promesse de quelque chose de plus grand.

— Oui, ici, on pourrait tout oublier.

Nos regards se croisent, s’accrochent. Le monde autour de nous s’efface. Je m’attarde sur ses mains, si solides, ses doigts rassurants. L’idée de les saisir me traverse l’esprit, un frisson me parcourt. L’intensité augmente, silencieuse, mais omniprésente, enserrant nos corps et nos esprits.

Tandis que je fouille distraitement une vieille étagère, mes doigts effleurent des objets oubliés, témoins d’un passé lointain. Une boîte en bois usée capte mon attention. L’odeur du bois vieilli flotte dans l’air, douce et familière. Je l’ouvre presque instinctivement. Un vieux jeu de cartes. Les bords sont fanés, usés par le temps. Un sourire effleure mes lèvres. Un jeu de Scopa. Ses motifs me ramènent à des souvenirs d’enfance, ces après-midis d’été brûlants où tout semblait plus simple, où une simple partie de cartes pouvait suspendre le monde.

Je caresse une carte du bout des doigts, et un frisson me traverse. Après avoir frôlé la mort sous plusieurs tonnes de bois, cette boîte semble presque un pied de nez à la fatalité. Un rappel silencieux que je suis encore là. L’idée d’une partie avec Gianni me traverse l’esprit, un jeu pour prolonger cette tension entre nous sous un prétexte léger, presque innocent.

— Prêt à perdre, Sherlock ?

Je lui lance un sourire provocateur en brandissant les cartes. Il arque un sourcil, amusé.

— On verra bien, Watson.

Nous nous installons autour d’une petite table bancale, à peine éclairée par la lumière filtrant à travers une fenêtre. L’endroit est exigu, intime, chaque mouvement amplifiant cette proximité et la tension qui bouillonne en silence.

Dès les premières cartes jouées, nos personnalités se révèlent. Gianni, méthodique, calcule chaque coup avec une précision qui m’agace. Il aime tout contrôler, même un simple jeu. Moi, je mise sur l’instinct, jetant mes cartes avec une nonchalance qui semble le désarçonner. Il serre la mâchoire, ses yeux rivés aux miens, comme s’il cherchait à lire en moi, à déchiffrer plus que mes intentions de jeu.

— Tu comptes sur ta chance pour gagner, Giulia ?

Son ton est mi-amusé, mi-moqueur. Je lui souris, laissant glisser sa pique.

— Et toi, Gianni, tu cherches toujours à tout contrôler, même un jeu de cartes. Ça en dit long sur toi, tu sais.

Nos paroles sont légères, mais derrière chaque mot se cache une vérité plus profonde. Le jeu devient un prétexte, chaque sourire, chaque carte posée est un pas de plus dans cette danse de séduction et de rivalité.

Au fil des parties, la tension atteint son apogée. Nos regards ne se lâchent plus, et chaque victoire ou défaite nous rapproche de ce moment où il faudra affronter ce qui se passe réellement entre nous. Soudain, je lance :

— Un pari, ça te tente ?

Il pose ses cartes, ses yeux ancrés dans les miens.

— Je t’écoute.

Mon cœur s’accélère, consciente que ce pari pourrait tout changer.

— Si je gagne, tu viens avec moi en mer demain. Je t’apprends à pêcher.

Une lueur de défi brille dans ses yeux.

— Et si je gagne ?

— Alors, tu me montres ce coffre-fort… ou ce que tu as envie de me montrer.

Gianni sourit, amusé et intrigué.

— Ça me va. Prépare-toi à perdre, ma chère.

Les cartes s’étalent sur la table. Le bois grince sous nos coudes, et la cabine devient une arène silencieuse. Entre nous, les cartes du Scopa, vieilles et décolorées, racontent des histoires oubliées, mais aujourd’hui, c’est lui qui me fascine.

Gianni joue la première carte, ses gestes précis, comme s’il exécutait une stratégie invisible. Ses yeux s’accrochent aux miens, et un frisson parcourt ma nuque. Mon souffle se fait plus court.

— Un settebello.

Il pose un sept de deniers, sûr de lui. Je cherche une faille dans son expression, mais il reste impassible. Pourtant, la maîtrise de ses mouvements fait naître en moi une chaleur inattendue. Ce n’est pas qu’un simple jeu. Il me teste, et je sens que tout pourrait se décider ici.

Je pioche une carte avec désinvolture, la faisant claquer sur la table. Un trois de coupes. Le coin de sa bouche tressaille, formant un sourire à peine perceptible, celui qui parle sans mots. Il aime dominer, que ce soit dans le jeu ou dans cette dynamique subtile entre nous.

— Tu comptes toujours sur ta chance, Esposito ?

Sa voix moqueuse résonne dans cet espace exigu. Je soutiens son regard, refusant de céder, mon cœur battant de plus en plus fort. Chaque carte posée me rapproche de lui, chaque geste révèle un peu plus de nous.

Les cartes s’épuisent, et Gianni joue son dernier coup, un trois, lentement, ses yeux fixés aux miens. Ce n’est plus la victoire qu’il cherche, c’est ma réaction, cette étincelle que je retiens encore.

— Dernière carte, Giulia. Joue-la bien.

Sa voix, presque un murmure, sonne comme une provocation. Je pose un roi de bâtons avec défi. Il fronce légèrement les sourcils, un sourire en coin. Le dernier coup est joué, mais l’air entre nous est plus dense que jamais. La victoire est à moi, mais ce n’est pas ça qui compte. Ce qui compte, c’est cet instant, ce souffle partagé, cette tension qui monte à son paroxysme.

— J’ai gagné.

Gianni se redresse légèrement, son regard toujours planté dans le mien.

— On dirait bien que je suis bon pour une sortie en mer…

Si cette histoire te plaît, partage-la avec ceux que tu aimes ! Ensemble, faisons voyager ce roman.

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A propos de l'auteur

Matthieu Biasotto

Auteur indépendant toulousain, rêveur compulsif et accro au café. J'écris du thriller, du suspense avec une touche existentielle.

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