Faida – Chapitre 55

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Caresse du matin, ombre du passé

giulia

On est là, sur cette terrasse suspendue entre ciel et mer, un lieu où le temps semble s’arrêter. Ici, je comprends que certains silences valent plus que mille mots. La balustrade en fer forgé, décorée de délicates arabesques, guide le regard vers l’horizon infini. Le soleil bas projette une lumière dorée sur les vagues, transformant la mer en un kaléidoscope scintillant où or et azur dansent en harmonie.

Une brise soulève une mèche de mes cheveux, et je sais que Gianni l’a vue. Je sens son regard sur moi, mais il ne bouge pas, respectant ce silence précieux. L’air salé se mêle à une douce odeur d’agrumes, un parfum qui me réchauffe et me fait presque oublier ce qui pèse sur mon cœur.

Face à lui, je sens le soleil effleurer mon visage. La lumière caresse mes joues, et chaque sourire de Gianni amplifie cette chaleur. Son visage, habituellement sérieux, semble aujourd’hui plus détendu. Ses yeux bleus, si intenses, captent la lumière comme la mer capte l’horizon, me donnant cette sensation qu’il est à la fois apaisé et pleinement présent.

Je croque distraitement dans une tartine grillée, mais c’est sa présence que je savoure. Son regard posé sur moi me donne un sentiment de sécurité. Sa chemise légère, à peine froissée, les manches retroussées révélant ses avant-bras musclés, lui donne un air plus décontracté, presque vulnérable. Pourtant, cette force tranquille qui m’attire est toujours là.

Ses doigts jouent distraitement avec le bord de sa tasse, mais je sens une tension sous-jacente, comme s’il essayait de nous ancrer dans ce moment paisible. Chaque instant avec lui semble précieux, une bulle hors du temps, où il ne reste que nous deux.

Je le regarde, le cœur plus léger, une douce curiosité prenant le dessus. Il y a toujours une part de mystère chez Gianni, quelque chose que je veux découvrir. Je joue machinalement avec son pendentif autour de mon cou, cherchant le bon moment pour briser le silence.

— Gianni, comment as-tu trouvé cet endroit incroyable ?

Ma voix flotte doucement, portée par le bruit des vagues. Il me sourit, détournant un instant le regard vers la mer, comme s’il pesait ses mots.

— C’est Francesco, un ami cher. Je l’ai aidé à une époque difficile, et il a voulu me rendre la pareille. Il me devait un service…

Intriguée, je me penche vers lui, mes doigts effleurant ma tasse. Gianni a cette capacité de donner sans attendre en retour, et je veux en savoir plus.

— Quel genre de service ?

Mon regard plonge dans le sien. Il prend une gorgée de café, comme s’il rassemblait ses pensées. Chaque mot semble chargé de sens.

— Son restaurant allait couler. Ce n’était pas qu’une question d’argent, c’était tout pour lui et sa famille. J’ai utilisé mes économies et mes contacts pour l’aider. Aujourd’hui, son resto prospère, et il ne l’a jamais oublié.

Je le fixe, émue. Gianni ne se contente pas de résoudre des problèmes, il sauve des vies, des histoires familiales. Et il fait tout cela avec une modestie désarmante.

— T’as vraiment fait ça ?

Ma voix est douce, empreinte d’admiration. Il hausse les épaules, comme si c’était banal, mais je sens que cette histoire a plus d’importance qu’il ne le laisse paraître.

— C’était la moindre des choses. Francesco est comme un frère pour moi. Peut-être que j’avais autant besoin de l’aider qu’il avait besoin de moi.

Le silence qui suit est apaisant. Nos mains se frôlent sur la table, et ce contact me réchauffe. Un frisson de bonheur me traverse.

— Merci, Gianni. Merci d’être toi.

Ces mots sortent d’eux-mêmes, chargés de tout ce que je ressens pour lui : de la gratitude, du respect, et de l’amour. Mes yeux brillent, et une larme solitaire glisse sur ma joue. Il tend la main pour l’essuyer, son regard plein de tendresse. Mais avant que sa main n’atteigne ma peau, un ricanement léger, mêlé de douleur et d’ironie, s’échappe de ses lèvres.

— On ne m’a jamais dit ça, tu sais…

Sa voix est tremblante, comme s’il doutait de mériter ces mots. Il secoue doucement la tête, un sourire triste flottant sur ses lèvres, mais dans ses yeux, je perçois une profonde tristesse.

— Après la mort de ma sœur, j’ai toujours eu l’impression que pour mes parents, ça aurait dû être moi qui parte, pas elle. Que c’est le mauvais fils qui est resté.

Ses mots me frappent en plein cœur. Je serre ses mains plus fort, mon cœur se brisant pour lui. Comment peut-il encore douter de sa valeur ?

— Tu as un cœur énorme, Gianni. Ne doute jamais de toi.

Je dis ça avec toute la sincérité possible. Je veux qu’il comprenne combien il est important, non seulement pour moi, mais pour tous ceux qui le connaissent. Il semble touché par mes mots, et sans réfléchir, je me penche vers lui et pose mes lèvres sur les siennes. Le baiser est doux, chargé de tout ce que je ressens pour lui.

Mais mon téléphone vibre soudain sur la table. Je l’ignore, mais Gianni sourit légèrement, tentant de prolonger ce moment. Le téléphone vibre encore, plus insistant. Soupirant, je décroche finalement.

— C’est ma mère…

 

Gianni

— Mamma… Oui ?

Le simple fait de l’entendre prononcer ce mot me fait sourire. Il y a une douceur presque intime dans la voix de Giulia, même si je perçois l’agacement qui brille dans ses yeux noisette. Ces mêmes yeux, qui captent la lumière du matin avec une intensité particulière, semblent refléter chaque émotion, aussi infime soit-elle. Je l’observe, fasciné par la manière dont ses cheveux bruns légèrement en bataille encadrent son visage, caressant sa peau hâlée.

Silencieusement, je commence à effleurer le dos de sa main, sentant la chaleur et la texture de sa peau marquée par la mer. Mes doigts tracent des cercles doux, remontant vers son poignet. Elle tente de rester concentrée sur l’appel, mais je sais qu’elle me sent. Ses lèvres, serrées en une ligne fine, trahissent la concentration qu’elle s’efforce de maintenir malgré mes caresses.

— Non, je ne suis pas rentrée à l’appartement hier soir. Non plus… J’ai deux ou trois petites choses à faire…

Elle me jette un clin d’œil complice, m’intégrant dans son mensonge, et ça me plaît. Mes doigts continuent leur danse lente sur sa peau, tandis qu’elle reste impassible. Mais je capte un léger froncement de sourcils. Elle redresse son menton, signe de sa détermination à ne rien laisser transparaître. Pourtant, je sais qu’elle lutte entre la concentration requise pour cet appel et les sensations que je réveille en elle.

Je laisse ma main glisser doucement le long de son bras. Un frisson traverse sa peau, un signe qu’elle ne peut plus dissimuler. Elle se redresse un peu plus, essayant toujours de garder son attention sur la conversation. Mes yeux suivent la courbe de ses épaules, la tension dans sa posture. Même ici, baignée dans cette lumière dorée du matin, elle incarne la force et la résilience, forgée par les vents salés et les vagues tumultueuses.

— Ezio est avec toi ? Il va bien ?

Sa voix se brise légèrement, teintée d’inquiétude. Je laisse mes doigts caresser sa clavicule, un de mes endroits favoris chez elle, si fragile et tendre. Ses muscles se tendent légèrement sous ma main, une résistance douce qui me donne envie d’aller plus loin.

— Non, je ne reviendrai pas ce matin, mamma. Ezio est grand, il peut se débrouiller tout seul. À vingt ans, on sait verser des céréales dans un bol.

Un sourire se forme sur mes lèvres. Giulia a cette manière unique d’exprimer son affection avec des répliques cinglantes. Mais derrière son sarcasme, je perçois l’inquiétude pour son frère. Elle ne le dira jamais, mais elle tient à lui plus qu’elle ne le montre.

— Eh bien, qu’il lâche sa manette… Il pourrait t’aider quand même…

Mes doigts descendent plus bas, caressant doucement sa cuisse. La chaleur de sa peau se répercute en moi, et son souffle se fait plus court. Elle tente de garder le contrôle, mais je sais que j’ai déjà pris l’avantage.

— Quoi ? Oui, bon, toutes les factures sont sur la table… Et alors ? Mamma, pitié…

Sa voix tremble encore, et je vois ses doigts se crisper sur la nappe blanche. Mon pouce trace une ligne plus appuyée sur sa cuisse, et je sens sa résistance faiblir. Elle tente de rester impassible, mais ses yeux trahissent une distraction grandissante.

— Antonio est passé ivre ? Il s’est excusé en pleine nuit ?… Il peut garder ses excuses ! Mamma, tu sais ce qu’il m’a fait pendant la Festa di San Pietro ?

La conversation prend une tournure plus sérieuse. Je décide de lui laisser un peu d’espace, de ne pas pousser davantage.

— Arrête, mamma ! Ce n’est pas une question de maladresse ! Tonton a le vin mauvais. Il s’est comporté comme un stronzo !

Je dépose un baiser léger sur son front, sentant la douceur de ses cheveux sous mes lèvres. Ce simple geste me rappelle combien je tiens à elle. Malgré ses doutes et ses blessures, elle est une force brute, que j’admire profondément. Incliné vers elle, je murmure à son oreille avec un sourire.

— Je vais prendre une douche, histoire d’oublier que j’ai dormi sur du sable.

Elle me lance un regard reconnaissant, bien que teinté d’une légère irritation à cause de cet appel qui interrompt notre moment. Je souris en coin, effleurant une dernière fois son épaule du bout des doigts, savourant une dernière fois la chaleur de sa peau avant de me lever. Je la quitte à regret, mais je sais qu’elle a besoin de gérer cette conversation seule. Un geste simple, un monde de promesses.

— Je reviens vite.

 

Si cette histoire te plaît, partage-la avec ceux que tu aimes ! Ensemble, faisons voyager ce roman.

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A propos de l'auteur

Matthieu Biasotto

Auteur indépendant toulousain, rêveur compulsif et accro au café. J'écris du thriller, du suspense avec une touche existentielle.

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