Entre éclats de rire et éclats de marbre
gianni
LLe soleil joue à cache-cache avec les rideaux de lin blanc, soulevés doucement par une brise marine. À travers les fentes de lumière, des reflets dorés dansent sur les fragments de marbre, projetant des ombres irrégulières sur le sol. Assis en tailleur sur la pierre froide, un tube de colle en main, je contemple le buste du gladiateur brisé, vestige d’une bataille silencieuse menée la veille. Les fissures du marbre scintillent faiblement sous les rayons du matin, rappelant les souvenirs de cette nuit intense, désormais éparpillés aux quatre coins de la pièce.
Mes doigts frôlent un éclat de marbre, froid et lisse. Ce contact me rappelle combien même les choses les plus solides peuvent se fissurer. Mais lorsque je tourne la tête et que mon regard se pose sur Giulia, un autre sentiment m’envahit. Elle est sur le balcon, savourant un café, ses longs cheveux bruns, légèrement ondulés, flottant autour de son visage au gré de la brise. Chaque mouvement de ses mèches capte la lumière, accentuant l’éclat doré de ses boucles déjà illuminées par le soleil levant.
Elle fixe l’horizon, ses yeux noisette plongés dans le bleu infini de la mer, son regard intense et apaisé, perdu dans une tranquillité presque mystique. Sans me regarder, elle lance avec un soupçon de malice dans la voix :
— Ça avance comme tu veux, ton puzzle 3D ?
Je souris, amusé. Elle a ce ton léger, presque moqueur, mais je sais qu’elle observe tout, toujours attentive aux détails. Elle m’offre cette échappatoire, une parenthèse de légèreté.
— Il me faudra sans doute un autre tube de colle…
Giulia me jette un regard espiègle, mordillant doucement sa lèvre. Le soleil éclaire son visage délicat, soulignant la courbe de ses pommettes et la lueur pétillante de ses yeux.
— T’es plutôt en galère pour réparer les “dégâts” de notre nuit passionnée, non ?
— Je n’ai pas dit mon dernier mot…
Je tente de maintenir un morceau du buste romain, espérant que la colle fasse des miracles. Elle continue, toujours aussi malicieuse :
— Par contre, pour le petit-déj’, tu touches presque à la perfection. Un bon 9,5. Dommage pour le jus d’orange tiède.
Je relève les yeux, amusé par son évaluation, cette légèreté qui est contagieuse. Un sourire se dessine sur mes lèvres.
— Un 9,5 ? Sérieusement ? J’aurais cru mériter un 10. Quant au gladiateur, je pense qu’il a connu pire dans l’arène.
Je relâche le morceau qui tombe lamentablement devant moi. Son rire éclate, cristallin et doux, se mêlant au murmure des vagues. Ce rire dissipe toutes les tensions, réchauffe l’atmosphère instantanément. Chaque éclat allège un peu plus l’air autour de nous, et je me surprends à oublier les fragments de marbre éparpillés à mes pieds.
Je me lève enfin, abandonnant cette tentative de réparation. Giulia est toujours là, sur le balcon, ses cheveux rebelles dansant sous la caresse du vent, et je sens une chaleur naître en moi. L’air embaume du parfum des jasmins en fleurs tandis que je m’approche d’elle, prêt à savourer ce moment à ses côtés.
— Et pour la nuit dernière, tu me donnerais quelle note ? dis-je en m’asseyant près d’elle, un sourire en coin.
Elle fait mine de réfléchir, ses yeux pétillant d’une malice à peine dissimulée, me testant, comme elle aime tant le faire.
— Je te donnerai mon verdict final… mais d’abord, il faut que tu répondes à quelques questions.
Intrigué, je m’installe plus confortablement, prêt à jouer le jeu. Je l’observe, capté par la façon dont elle joue distraitement avec une mèche de cheveux. Ce geste simple dégage une sensualité naturelle.
— Combien de questions ?
— Autant qu’il le faudra. Qu’est-ce que ça peut faire ?
Je me penche un peu en avant, curieux.
— Tu veux me faire passer une sorte de… questionnaire ou d’interrogatoire ?
— Plutôt un interrogatoire.
— Oh, c’est sérieux. Très bien, je suis prêt. Qu’est-ce que tu veux savoir ?
Elle plonge son regard noisette dans le mien, et je devine aussitôt que sa question ne sera pas ordinaire.
— Si tu étais un personnage de film, qui serais-tu, et pourquoi ?
Je ne m’attendais pas à ça. Je prends un instant pour réfléchir, tandis que son sourire espiègle attend ma réponse.
— Probablement Rick Blaine, dans Casablanca.
— Sérieux ? Ça date, non ? Pourquoi lui ?
— Parce qu’il sait que certaines choses sont plus importantes que ses propres désirs. Il est prêt à sacrifier son bonheur pour quelque chose de plus grand. Ça me parle.
Un silence s’installe. Elle semble peser ma réponse, son regard doux errant vers l’horizon. Puis elle se tourne à nouveau vers moi, mêlant amusement et réflexion.
— Et toi ?
Son sourire s’adoucit, et je perçois une lueur plus intime dans son regard.
— Je dirais… Amélie Poulain. Elle trouve de la beauté dans les petites choses et elle rend les gens heureux sans qu’ils le sachent.
Je souris, à la fois amusé et impressionné. Giulia a cette capacité rare à transformer chaque moment en une aventure unique, à magnifier les détails du quotidien.
— À mon tour. Est-ce que tu as un endroit secret où tu aimes aller pour réfléchir ?
Elle réfléchit un instant, ses yeux se perdant à nouveau dans la mer.
— Il y a la Punta Reginella, à Positano. C’est mon refuge. Là-bas, tout devient plus clair. Et toi ?
— Il y a une vieille bibliothèque dans la maison familiale. Personne n’y va jamais. C’est calme, avec une vue sur la mer. C’est là que je vais quand j’ai besoin de me recentrer.
Un silence complice s’installe entre nous, seulement troublé par le doux murmure des vagues. Le moment est parfait, suspendu dans sa simplicité.
Giulia lève alors un regard malicieux vers moi.
— Qu’est-ce qui te fait te sentir vraiment vivant ?
Je prends un instant pour réfléchir.
— Quand je suis connecté aux autres, quand je sens que j’apporte quelque chose de significatif. Et toi ?
Elle sourit, et je perçois cette lueur passionnée dans ses yeux.
— Pour moi, c’est la mer. Quand je suis en mer, je me sens libre, entière. Rien d’autre ne compte.
Je la regarde, absorbé par l’intensité de sa réponse. Giulia a cette force intérieure, forgée par sa vie en mer. Mais avant que la conversation ne devienne trop sérieuse, je me lève brusquement, une lueur espiègle dans le regard.
— J’ai une autre question. Est-ce que tu prends ta douche seule ou avec moi ? Parce que j’ai bien l’intention de t’emmener faire une virée en Vespa sous ce soleil radieux.
Giulia éclate de rire, se levant à son tour, ses yeux scintillants d’une excitation nouvelle.
— Avec toi, bien sûr, dit-elle en riant. Mais à une seule condition, ajoute-t-elle avec un sourire espiègle.
— Laquelle ?
— C’est moi qui tiens le guidon de la Vespa.
Je la regarde, feignant l’hésitation, avant de céder en hochant la tête.
— Très bien, tu conduis. Mais je te préviens, je te noterai sur 10 à la fin du trajet pour ton pilotage.
Giulia éclate de rire, ses yeux pétillant d’excitation.
— Et je parie que j’aurai mieux qu’un 9,5 ! répond-elle en me défiant du regard.
Elle se rapproche un peu plus, un sourire malicieux aux lèvres, et ajoute :
— Et pour la douche, tu comptes aussi me donner une note ?
Je ris, pris au jeu, et réponds avec un sourire en coin :
— On verra bien…
Je la prends par la main, savourant cet instant, et l’entraîne doucement vers la salle de bain.
*
Je sens encore la chaleur de la douche sur ma peau, mais c’est surtout la caresse de ses mains qui capte toute mon attention. Giulia découpe les tomates avec une précision méthodique, et sa main frôle la mienne à chaque fois qu’elle les dépose dans le panier. Ce simple contact crée un courant électrique, bien plus intense que les éclats de rire qui résonnent autour de nous. Elle glisse un regard malicieux dans ma direction.
— Tu crois qu’on a assez à manger ? On ne part pas en expédition dans la jungle, après tout.
Je souris, amusé.
— Avec toi, mieux vaut être prudent. On ne peut pas se permettre de manquer. Ton estomac pourrait me faire des reproches.
On éclate de rire, et elle me donne une légère tape sur l’épaule avant de refermer le panier. Ensemble, on rejoint la Vespa, garée sous les oliviers, prête à nous emmener à l’aventure.
Giulia attrape le casque avant moi et l’enfile avec un sourire déterminé.
— Hop ! C’est moi qui conduis. Comme promis !
Amusé par son assurance, je la regarde.
— Tu es sûre de toi ? Ces routes sinueuses ne sont pas pour les novices.
Elle me lance un clin d’œil tout en s’installant à l’avant de la Vespa.
— Je t’ai déjà dit que j’ai des talents cachés, Gianni. Je peux démonter et remonter cet engin les yeux fermés ! Fais-moi confiance, je maîtrise les virages.
Un éclat de rire m’échappe alors que je m’installe derrière elle, enroulant instinctivement mes bras autour de sa taille. La chaleur de son corps contre le mien me fait sourire. Cette fois, c’est moi qui profite de la balade.
Le moteur de la Vespa ronronne doucement, et on quitte Atrani, longeant la côte. Ses cheveux bruns volent dans le vent. Mes bras autour de sa taille me donnent une nouvelle perspective de proximité avec elle, cette fois inversée. Nos rires se perdent dans l’air, emportés par la brise salée qui caresse nos visages. Chaque virage dévoile un panorama à couper le souffle, la mer scintillant sous les rayons du soleil.
Je sens toute sa confiance dans la manière dont elle manœuvre la Vespa.
— Alors, qu’est-ce que tu penses de ma conduite ? Sa voix joyeuse se fraie un chemin à travers le bruit du moteur.
— Je suis impressionné. Mais je dois admettre que je m’attendais à quelques figures acrobatiques.
Elle éclate de rire.
— Ne me tente pas ! Je pourrais bien te surprendre encore.
Son rire cristallin résonne dans l’air, et je me surprends à savourer ce moment, la chaleur de ses mains sur le guidon, la liberté qu’on partage.
On roule en silence pendant un moment, profitant du paysage grandiose qui s’étend devant nous. J’adore la sentir contre moi. Ses bras fermes autour du guidon, moi derrière elle, une intimité simple et naturelle.
— Gianni…
— Oui ?
— C’est quoi ton talent caché, à toi ?
Je fais mine de réfléchir, sentant sa curiosité grandir.
— Eh bien… disons que je suis un expert en sauce tomate. Ma nonna m’a transmis tous ses secrets. C’est un véritable héritage familial.
Elle éclate de rire, un son qui dissipe toutes les tensions.
— La sauce tomate ? Je m’attendais à quelque chose de plus… explosif venant de toi.
Amusé, je lui lance un regard.
— Si tu savais… La sauce tomate peut être une explosion en bouche, si elle est bien faite. Un jour, je te montrerai.
Elle sourit, et je réalise que ce moment est bien plus qu’une simple balade. Il y a une connexion plus profonde. Le vent, le moteur, la chaleur de ses mains… tout s’efface devant ce sentiment de partage.
On continue à parcourir les petites routes sinueuses, bordées de cyprès et de villas. Finalement, Giulia s’arrête devant un panorama à couper le souffle. La mer brille à l’horizon, les montagnes se dressent majestueuses derrière nous. Elle retire son casque et se tourne vers moi, curieuse et taquine.
— Quelle est la toute première chose que tu as remarquée chez moi ?
Je me souviens parfaitement de notre première rencontre. Mon sourire devient espiègle.
— Tes fesses.
Elle éclate de rire avant de me donner un coup sur ma cuisse, faussement outrée. Je corrige aussitôt, souriant malgré elle.
— Ton regard. Il était si intense, comme si tu pouvais lire à travers moi.
Elle reste silencieuse un instant, touchée. D’un geste naturel, elle pose une main sur ma cuisse, renforçant cette connexion. Après quelques kilomètres, on découvre une plage isolée, un petit coin de paradis niché entre des falaises. Elle gare la Vespa, reçoit un dix sur dix bien mérité pour son pilotage et on descend, panier à la main. Le bruit des vagues accompagne chacun de nos pas sur le sable.
Assis côte à côte, on savoure notre pique-nique. Le prosciutto salé contraste avec la douceur des fruits, chaque bouchée accentuant la simplicité de cet instant. Nos rires fusent naturellement, chaque anecdote tissant davantage notre complicité. Giulia me taquine sur ma façon maladroite de découper la mozzarella, et je réplique avec une fausse gravité.
— D’accord, je suis peut-être meilleur pour préparer une sauce tomate que pour manier ce couteau.
Son rire éclate encore, tandis que le soleil illumine son visage radieux. Je sors mon téléphone de ma poche.
— On devrait immortaliser ça, c’est notre premier pique-nique, après tout.
Elle sourit et acquiesce.
— Mais sans vouloir te vexer, avec ton vieux téléphone à clapet… on sera tout pixélisés…
Elle dégaine le sien. On prend plusieurs selfies, dont un où elle me tire la langue, et un autre où je l’embrasse furtivement sur la joue. Tout est spontané, léger, empli d’une chaleur grandissante.
Soudain, alors qu’on rit encore, je perçois un mouvement rapide près de nous. Giulia se fige, son sourire s’efface. Un chien surgit, bondissant joyeusement sur le sable. Il est grand, poilu, et visiblement ravi de sa trouvaille.
— Oh non… je n’aime pas ça…
Je pose une main rassurante sur sa jambe.
— Ne t’inquiète pas, il veut juste jouer.
Le Golden Retriever s’approche, tout excité, et je tends la main. Sans doute attiré par la nourriture, il vient chercher des caresses, remuant la queue vigoureusement.
— Hé, toi… qu’est-ce que tu fais là, mon beau ?
Alors que je continue de le caresser, Giulia, toujours un peu tendue, se décale, ses sourcils froncés. Je comprends qu’elle n’a jamais été à l’aise avec les chiens. Avant qu’elle ne puisse dire quoi que ce soit, le propriétaire du Golden arrive, essoufflé, un sourire désolé aux lèvres.
— Désolé ! Il devient fou dès qu’il voit du monde. J’espère qu’il ne vous a pas trop effrayés.
Giulia esquisse un petit sourire, encore un peu tendue, tandis que je gratte les oreilles du chien.
— Pas de souci. Il est adorable.
L’homme jette un coup d’œil à notre téléphone et propose, avec un sourire aux lèvres :
— Il a gâché votre séance photo. Vous voulez que je vous prenne tous les deux avec votre appareil ?
Je regarde Giulia, qui semble plus détendue en voyant le chien se calmer peu à peu. Elle accepte, et l’homme prend le téléphone qu’elle lui tend. On se rapproche, souriant face à la mer pendant qu’il capture plusieurs clichés. Le chien, collé à moi, pose sa tête contre ma jambe.
Après avoir pris les photos, il revient vers nous.
— Voilà, c’est fait ! Désolé pour l’intrusion, mais je crois que ce sera un joli souvenir.
Je le remercie. Tandis qu’il s’apprête à me rendre le téléphone, il jette un coup d’œil à l’écran pour vérifier son cadrage et pointe l’image.
— Oh, désolé, ce ferry gâche un peu le fond… Depuis qu’il contourne les épaves, il navigue beaucoup plus près qu’avant.
Je fronce les sourcils.
— Des épaves ? Quelles épaves ?
L’homme caresse son chien, le tapotant avec tendresse sur le flanc, et hausse les épaules, pensif.
— Aucune idée. Tout ce que je sais… c’est que le ferry contourne la zone à cause des débris du Il Destino qui seraient remontés à la surface, ou quelque chose comme ça.
L’esprit vif de Giulia croise mon regard et elle renchérit aussitôt.
— Quel genre de débris ?
— Oh, vous m’en demandez beaucoup, les amoureux ! Si vous avez un bateau, vous pourriez explorer la zone et le voir de vos propres yeux. Certains disent qu’on aperçoit encore des bidons au fond.
Je jette un regard complice à Giulia. Une idée commence à germer.
— Ça pourrait être une aventure intéressante.
Giulia acquiesce, et l’homme reprend son chemin, son chien sur ses talons.
— Bonne chance si vous y allez ! Faites attention.
Le promeneur s’éloigne, nous laissant seuls. Le murmure des vagues reprend, mais nos pensées voguent déjà ailleurs. Je regarde Giulia, et je vois dans ses yeux le même éclat de curiosité.
— Ces histoires de navires coulés, ça se précise…
Je hoche la tête.
— On dirait… Il Destino était mentionné dans les registres quand on fouillait les archives…
Giulia, songeuse, me regarde.
— Tu penses qu’on pourrait voir quelque chose d’ici ?
Je fixe les falaises derrière nous, un sourire en coin.
— Peut-être qu’en montant là-haut, on pourrait avoir une vue dégagée. Ce serait un bon début, non ?
Elle me lance un regard entendu, son sourire s’élargissant.
— Allez, on monte. Peut-être qu’on verra quelque chose qui nous mettra sur une piste.
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[…] novembre 2024 F par Matthieu Biasotto 8 novembre 2024 Commenter Faida – Chapitre 65 Retour en haut Faida – Chapitre […]