Faida – Chapitre 96

F
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Mémoire brisée, amour retrouvé

gianni

Je me réveille en sursaut, le poids de la fatigue encore présent dans mes membres. L’album photo est resté ouvert à côté de moi, ses pages légèrement écornées, après des heures passées à le feuilleter. La nuit s’infiltre encore à travers la pièce, la mélancolie s’accroche à moi, tenace, imprégnée dans chaque photo, chaque sourire figé. Les visages m’apparaissent flous, distants, fragments d’une vie que j’ai perdue, de tout ce que j’aurais pu être.

Les souvenirs sont flous, lointains, comme un puzzle aux pièces éparpillées. Puis, mon regard tombe sur une photo d’anniversaire : moi, entouré de ma sœur et de mes parents. Le sourire de ma mère me frappe, lumineux, sincère, et, pour la première fois depuis longtemps, quelque chose en moi se réveille. Des éclats de souvenirs me reviennent : les rires, les petites disputes, les réconciliations dans notre maison modeste. Peu à peu, les morceaux de mon passé commencent à reprendre forme, comme un puzzle qui se reconstitue.

Puis une autre image : mon père, à mes côtés, me poussant alors que j’apprends à faire du vélo. Son sourire, rare et presque tendre, me traverse comme une onde de chaleur mêlée de tristesse. Des sensations se réveillent : le vent, le guidon tremblant sous mes doigts d’enfant, cette excitation teintée de crainte. Pourtant, à ces éclats de douceur s’ajoutent des souvenirs plus durs : ses regards distants, ses silences chargés d’attentes, ses critiques acérées. Les soirées où mes efforts ne suffisaient jamais, où son froncement de sourcils m’écrasait. Une partie de moi tente de comprendre cet homme dont les sourires semblaient des territoires inaccessibles, dont les mots de reconnaissance étaient des mirages fuyants.

Alors que les photos défilent, un étrange sentiment d’éclaircie se fait en moi. Je commence à tirer sur un fil rouge, un fil tendu depuis des années, sur le point de céder.

La porte grince doucement, et mon père entre, soutenu par ma mère. Le choc est brutal : l’homme que j’ai toujours vu comme un roc est maintenant courbé, fragilisé, usé par un poids que je devine immense. Sa respiration est laborieuse, chaque pas un effort douloureux. Ma mère, fidèle à elle-même, veille sur lui, le soutenant doucement par le bras, essayant de masquer l’inquiétude dans ses yeux.

— Ça va, chéri ? Tu te sens bien ? Si tu veux, on peut s’asseoir avant de…

Sa voix tremble légèrement, elle essaie de le rassurer sans vraiment y croire. Elle hésite, ses mots sont une prière silencieuse, entre la crainte pour lui et l’incertitude de ce qui va suivre.

— Es-tu sûr de vouloir faire ça ? Il est si tôt… Tu es fatigué, Alessandro… Gianni vient juste de se réveiller…

Mon père se raidit, se dégageant brusquement de son étreinte, la mâchoire serrée.

— Bianca, je ne suis pas fou ! Je sais très bien ce que je fais !

Sa voix vibre d’une colère contenue, à la fois tremblante et résolue. Il se bat contre son propre corps, contre la maladie, contre le temps qui s’effrite sous ses doigts.

— Ne crie pas, Alessandro, il est six heures du matin. Tu vas réveiller tout le monde.

— Je sais parfaitement l’heure qu’il est ! J’ai encore des moments de lucidité, tu n’as pas à t’en soucier.

Ma mère recule, déstabilisée mais silencieuse. Je sens le poids des années de non-dits flotter dans la pièce, une tension sourde. Mon père retrouve lentement son calme, ses yeux se posent sur moi, brûlants de tout ce qu’il n’a jamais dit.

— Gianni… Il faut qu’on parle.

Une boule de colère, de tristesse, remonte en moi. Il est là, ce père dont j’ai toujours cherché l’approbation et la tendresse, mais que je ne peux m’empêcher de détester pour tout ce qu’il m’a fait subir. Et pourtant, je ne peux détourner le regard. Il avance, chaque pas lourd de douleur, jusqu’à mon lit, où il s’arrête sans me regarder. L’atmosphère est étouffante.

— Gianni… Je…

Sa voix se brise. Les mots semblent se coincer en lui, réticents, comme s’ils refusaient de voir le jour.

— Je ne sais pas par où commencer…

Il baisse la tête, cet homme autrefois invincible n’est plus qu’une ombre de lui-même, écrasé par les années. Mes poings se serrent sous la couverture, l’amertume brûle en moi, un écho de toutes ces fois où il m’a fait sentir insignifiant.

— J’ai cru que… mes décisions, aussi dures soient-elles, étaient pour te protéger. Que si je te rendais fort, tu ne te briserais jamais.

Chaque mot ravive des blessures anciennes. Je revois les moments où il m’a rabaissé, humilié. Mais il poursuit, et une étrange fragilité imprègne sa voix.

— Mais je vois maintenant que je t’ai imposé mes propres peurs, ma dureté. Et ça nous a détruits.

Je l’écoute, mais une douleur sourde palpite dans ma poitrine. Je repense aux fois où il m’a humilié en public, rabaissé, où il a étouffé mes rêves sous le poids de ses ambitions.

— J’ai pensé que la force était la solution. Mais je me suis trompé. J’ai été aveuglé par mon propre orgueil. Je t’ai forcé à devenir comme moi, sans te laisser être toi-même.

Il pousse un soupir tremblant, une larme coule sur sa joue. Voir mon père pleurer est comme assister à la chute d’un monument.

— J’ai été un mauvais père, Gianni. Je t’ai perdu bien avant ton accident. Et en suivant Massimo, j’ai mis en péril tout ce que j’aurais dû protéger.

Ses mots me frappent. Les larmes que je retiens depuis des années menacent de jaillir. Il parle de trahison, d’argent, de pouvoir, et tout vacille en moi.

— Mon frère Massimo… Il m’a entraîné dans des affaires que je ne peux plus réparer.

— Quelles affaires ?

Des images confuses défilent dans ma tête : des gants noirs, une vieille Ferrari, des entrepôts remplis de barils. Flous, fragmentés. Il baisse la voix.

— Disons qu’il m’a fait croire que nous étions invincibles… Mais à quel prix ?

L’ombre de Massimo, toujours présente, m’étouffe. Je repense à toutes les fois où mon père m’a rabaissé, à tous ces sacrifices que j’ai faits pour entrer dans son monde. Tout ça, et il n’était qu’un pantin entre les mains de son frère.

— Tu parles de force, mais… où était-elle quand tu as choisi l’argent et le pouvoir au lieu de ta famille ? Où étais-tu quand on avait besoin de toi ?! Tu m’as donné des leçons… alors que tu m’as fait endurer des années de mépris !

Ma voix tremble de colère et de douleur. Il baisse la tête, il sait qu’il m’a trahi, mais ça ne change rien.

— Tu as le droit de m’en vouloir, Gianni. Mais ne laisse pas Massimo te détruire comme il m’a détruit. C’est tout ce que je voulais te dire.

Ses mots trouvent un écho, malgré la rage qui bouillonne en moi. Peut-être y a-t-il encore une issue. Peut-être que tout n’est pas perdu.

Ma mère, silencieuse jusqu’ici, s’avance, posant une main douce sur le bras de mon père, un geste empreint d’un amour indéfectible.

— Ton père a fait des erreurs, il a risqué sa vie pour des illusions. Mais il n’est pas trop tard pour toi, Gianni. Ne laisse pas ce cycle se reproduire.

— Pourquoi… Pourquoi me dire tout ça maintenant ?

Elle échange un regard tendu avec mon père, ses yeux glissant vers ma table de chevet, comme si la vérité était trop lourde à affronter.

— Dehors, Massimo est en train de révéler son vrai visage. Un visage monstrueux. Ton oncle est hors de contrôle.

Le poids de leurs paroles m’écrase. Pour la première fois, j’entrevois un chemin différent. Peut-être qu’il existe une chance de tout reprendre, de tout reconstruire.

 

Giulia

La fuite s’étire en une succession de routes, de virages serrés, de regards furtifs dans le rétroviseur. À bord du 4×4 volé aux hommes de Massimo, je roule sans relâche, poussée par l’adrénaline, fuyant leurs ombres, leurs visages inexpressifs, et ce sifflement infernal d’une balle qui a failli me faucher. Ce son, ce murmure de mort, est gravé dans ma mémoire comme une promesse : ils finiront par me rattraper.

Chaque fois que je crois les avoir semés, une angoisse sourde me force à appuyer un peu plus sur l’accélérateur. Les collines défilent, les ruelles étroites avalent les roues du 4×4, les longues lignes droites étendent le temps en un fil tendu sur lequel ma survie repose. Ne pas s’arrêter. Le moindre bruit me fait sursauter, et je confonds parfois le grondement du moteur avec ce sifflement glaçant, comme un écho persistant dans mon esprit.

L’aube se lève, ses premières lueurs révèlent un pont de béton, un enchevêtrement de routes, de piliers massifs, de passages ombragés. Un labyrinthe gris où je pourrais tenter de brouiller les pistes. Je glisse le véhicule sous un pilier, là où les ombres sont les plus profondes. L’air du matin envahit l’habitacle lorsque j’ouvre la portière, et mon cœur bat à un rythme effréné, rappel de ce moment où tout aurait pu s’arrêter. Mes cheveux, encore trempés, dégoulinent sur mes épaules. L’eau ruisselant le long de mon cou et s’infiltre dans mon col pour me rappeler que je reviens de loin. Les doigts crispés sur le volant, une pensée m’obsède : Elena… s’en est-elle sortie ?

Je me souviens de son visage, de cette détermination. Mais le coup de feu me hante, et les pires scénarios défilent. Si elle n’a pas eu la même chance… Non, il faut espérer. Pour elle, pour nous.

Je prends une grande inspiration et j’abandonne le 4×4, une fausse piste pour leur faire perdre du temps. Mes pas me portent au rythme d’un martèlement intérieur, un flot d’adrénaline me traverse, chaque bruit, chaque ombre devient une menace. Le porte-clés de Gianni pèse lourd dans ma poche, un souvenir, une promesse. C’est ma clé pour accéder à son coffre, pour dénouer la vérité.

Quand je pousse la porte de sa chambre, mon souffle se coupe. La pièce est baignée d’une lumière froide, presque clinique. Le silence est écrasant. Gianni est là, immobile, ses traits tirés, son regard vide. Il semble lutter contre quelque chose de plus grand que lui, perdu dans un océan de confusion. Lentement, je m’approche, mes vêtements trempés par la pluie et la plongée dans l’eau glaciale. L’odeur du sel, de la mer, colle à ma peau, mais ici, tout sent le désinfectant.

Je sors le porte-clés de ma poche et le tends vers lui, désespérée. Il faut qu’il se souvienne. Ses doigts maigres et tremblants frôlent le métal froid. Il hésite, puis je vois une lueur dans son regard, une étincelle vacillante mais présente. Mon cœur s’emballe. Je retiens mon souffle, suspendue à cet espoir fragile.

— Il… il pleut ?

Il me détaille de haut en bas. Sa voix est faible, rauque, presque étrangère. Ce simple constat me brise. Je tente un sourire maladroit pour cacher la tempête qui gronde en moi.

— C’est une longue histoire…

Ma voix tremble. Je pose mes affaires au pied du lit, et son regard revient sur le porte-clés. Il l’observe, cherchant à assembler les fragments de souvenirs éparpillés dans son esprit. Le silence est lourd de tout ce que nous avons perdu. Puis, lentement, je le vois changer. Ses traits s’adoucissent, et il me regarde enfin, me retrouvant peu à peu.

— C’était… toi, la tempête…

Ses mots sortent difficilement, chaque syllabe pèse. Je hoche la tête, les larmes au bord des yeux, mais je les retiens. Je dois être forte.

— Oui. Tu m’as sauvée, Gianni. Tu te souviens de la cabane ?

Il secoue doucement la tête, luttant contre des souvenirs douloureux, ses yeux se remplissant de larmes.

— On s’est disputé, toi et moi ? C’est ça ?

Sa voix tremble. Il essaie de comprendre, comme un enfant perdu. Je souris tristement.

— Disons qu’on s’est mal compris.

Le silence revient, mais cette fois, il y a de l’espoir. Ses doigts effleurent à nouveau le porte-clés, et un faible sourire se dessine sur ses lèvres.

— C’est censé être un melon ?

Je ris doucement, un éclat de lumière dans cette nuit infinie.

— Le créateur aurait dû les vendre par deux, tu ne trouves pas ?

Un léger rire s’échappe de lui, un son que je n’avais pas entendu depuis si longtemps. Il hoche doucement la tête, et son regard bleu se fait plus perçant.

— On a déjà eu cette conversation, non ?

Mon cœur s’accélère. Il se souvient. Je me rapproche, mes doigts cherchant les siens, un contact, un lien qui pourrait le ramener à moi.

— Oui, sur La Speranza… Tu te souviens ?

Sa main se referme un peu plus fort autour de la mienne. Ce geste, si simple, me donne tout. Il est là, malgré tout. Ses larmes coulent librement maintenant, et pour la première fois depuis des mois, il laisse échapper un sanglot qui se mêle à un sourire douloureux. C’est un cri silencieux, une libération, un pas vers la guérison.

— C’est à cause de mon ego…

Je souris à mon tour, tentant de l’éloigner de ses regrets.

— Et de tes… nouilles en cor.

Il rit à nouveau, un son irréel dans cette chambre d’hôpital. Pendant un instant, tout s’efface. Nous sommes ailleurs, à Atrani, sur une Vespa, buvant un café au bord de la mer. Il serre ma main plus fort, me retenant dans ce moment.

— Des bijoux étincelants pour lesquels tu ne t’es toujours pas prosternée à genoux. N’est-ce pas ?

Je ris à mon tour, un éclat de bonheur dans tout ce chaos. Le soulagement m’emporte. Il est toujours lui, malgré la maladie. Ses doigts tremblent, mais ils ne lâchent pas les miens.

— Je… je me souviens… tout.

Sa voix se brise, et il tremble sous l’intensité des souvenirs. Ses épaules fragiles s’affaissent, secouées par des sanglots incontrôlables. Gianni pleure, comme si toutes ces années de douleur enfouie, de regrets et de peurs refoulées trouvaient enfin leur exutoire. Chaque larme semble porter le poids de tout ce qu’il a perdu. Le silence oppressant de la chambre est brisé par ses pleurs, et avec eux, il retrouve des fragments épars de son existence, longtemps noyée sous la souffrance et la manipulation.

— Je me souviens de tout ce qu’on a été… de tout ce qu’on a perdu…

Sa voix n’est plus qu’un murmure, une plainte arrachée de ses entrailles. Mon cœur se serre, et mes propres larmes montent. Je m’approche de lui, mes mains tremblantes saisissent son visage. Je sens la chaleur de la fièvre des souvenirs qui l’assaillent. Son souffle est irrégulier, comme si chaque mot lui coûtait une force titanesque.

— C’est vrai, Gianni… mais tu es là, avec moi.

Ma voix se brise sous l’émotion. Ses yeux, embués de larmes, cherchent les miens, et je vois enfin l’homme que j’ai aimé, celui qui s’est perdu sous le poids de la douleur et des trahisons. Il serre ma main si fort que la douleur irradie, mais je ne bouge pas. Ce contact est vital, c’est ce qui le retient, ce qui nous retient à la surface.

— Je suis désolé… tellement désolé, Giulia… pour tout.

Ses mots sont un coup de poignard, mais aussi une libération. Les plaies sont enfin là, prêtes à guérir. Il secoue la tête, incapable de stopper le flot de larmes.

— C’est à cause de moi… tout ça…

— Non. Ce n’est pas toi.

Je murmure en pressant mes lèvres contre son front, un geste de réconfort désespéré. Il est là, fragile mais présent, et je m’accroche à ça.

— On a encore le temps. On est là maintenant.

Il hoche la tête, mais les larmes continuent de couler. Ses yeux se ferment, cherchant un refuge loin de la douleur. Il serre le porte-clés avec une telle force que ses jointures blanchissent, comme s’il s’accrochait à ce trousseau pour ne pas sombrer.

— J’ai failli tout détruire… mais je t’aime. Je t’ai toujours aimée.

Ses mots éclatent comme une vérité trop longtemps enfouie. Je l’embrasse, nos lèvres se rencontrent dans un baiser brûlant de tout ce que nous avons traversé. C’est un baiser de retrouvailles, où chaque seconde comble les abîmes qui nous ont séparés. Gianni se raccroche à moi, à cet instant.

Quand nos lèvres se séparent, il pleure encore, mais cette fois, il y a une lueur dans ses yeux. Une étincelle vacillante, mais présente. Il est là, pas complètement, mais assez pour que je sache que nous pourrons affronter ce qui arrive.

— Giulia… tu viens de recoller des morceaux en moi…

Sa voix, étouffée par les larmes, est un murmure. Il se retrouve, morceau par morceau, reconstruit par l’émotion. Je l’étreins, le serre si fort que je l’entends grogner sous la douleur de ses côtes encore meurtries. Mais je ne peux pas le lâcher. Pas maintenant. Le temps semble suspendu. Puis il effleure l’ovale de mon visage et s’arme d’une lueur plus espiègle en dépit de ses larmes.

— Promis… je songerai à me prosterner quand nos jours ne seront plus en danger.

Je ris doucement, un rire sincère mais étouffé par l’émotion. Ce rire brise la tension dans la pièce. Gianni tente un sourire, mais son regard s’assombrit à nouveau, san doute à l’évocation du danger. L’ombre de Massimo plane, pesante. Je sens le froid me saisir, malgré la chaleur de Gianni contre moi.

— Giulia… Il… Il sait que tu sais ?

Sa voix est brisée, et cette simple question ramène la brutalité de la réalité. Le cocon fragile que nous avions construit éclate. Je hoche la tête, caressant sa joue avec une infinie tendresse.

— Massimo sait qu’on est proches de la vérité. Il a déjà envoyé des hommes après moi et Elena.

— Attends ! Il a fait quoi ? Je te jure que s’il te touche, je…

Gianni tente de se redresser, mais un spasme de douleur crispe son visage, lui rappelant la fragilité de son corps encore couvert de contusions. Ma main, posée doucement sur son torse, l’empêche de se lever davantage, et je le sens frémir sous l’effort. Son souffle est court, comme si chaque mouvement réveillait des blessures à peine refermées.

— Gianni, il faut que tu restes ici. C’est plus prudent… tant que tu es ici, à jouer la perte de mémoire, Massimo n’a aucune raison de se méfier.

Il ferme un instant les yeux, et je vois les traits de son visage se crisper. Il sait que je dis vrai, mais l’impuissance lui est insupportable. Il hoche lentement la tête, son regard glissant vers moi, plus résolu.

— On a une carte à jouer avec Elena. Je dois mettre la main sur ce qui se trouve dans le coffre. C’est notre seule chance.

Chaque mot semble alourdir l’air entre nous, chargés de tout ce que cette mission implique. Je le vois se concentrer, puis il inspire profondément, retrouvant un semblant de calme.

— Le coffre… il est dans le bureau de mon père. Je suppose que ma mère est encore avec lui à la clinique.

Je hoche la tête, pressée par l’urgence.

— Alors, il n’y a pas une minute à perdre ! Juste… dis-moi, quelle est la bonne clé sur le trousseau ?

Il fronce les sourcils, comme s’il luttait pour rassembler ses souvenirs. Puis, d’un geste hésitant, il pointe une petite clé en acier, légèrement ternie.

— Celle-ci… oui, c’est bien celle-là.

Je m’apprête à partir quand il me retient, le visage soudain tendu.

— Attends… il y a aussi un code. Le coffre est verrouillé par une combinaison.

Son regard s’obscurcit alors qu’il se replonge dans ses souvenirs, cherchant à raviver un détail qu’il croyait oublié. Soudain, ses traits s’éclairent.

— C’est la date de naissance de ma sœur. Novembre 1987… 111187.

Je répète le code dans un murmure pour bien m’en imprégner, consciente que chaque instruction est cruciale.

— 111187. C’est noté.

Son visage reste grave, chaque mot s’imprime en moi comme une mise en garde.

— Promets-moi d’être prudente. Passe par la terrasse qui donne sur la mer, il n’y a pas de caméras de ce côté. Ne fais confiance à personne.

Sa voix est grave. Chaque mot s’imprime en moi. Je hoche la tête, le cœur lourd, consciente que chaque instruction est essentielle.

— Et toi, ne montre surtout pas à ton oncle que tu as retrouvé la mémoire. Fais attention à toi, Massimo est une ordure.

Il acquiesce, et dans ce simple geste, je lis une promesse silencieuse. Nos regards se croisent, et tout est dit. Nos lèvres se rejoignent une dernière fois, un baiser plein d’amour, de peur, de promesses. Puis, je me redresse, prête à affronter ce qui m’attend. Chaque seconde compte. Je m’attarde encore, ancrant ce moment dans ma mémoire, consciente que tout pourrait basculer à tout instant.

— On va trouver un plan. Je reviendrai vite, et on va régler tout ça ensemble.

Mes doigts effleurent sa joue une dernière fois avant que je tourne les talons. Je quitte la chambre, le cœur lourd mais résolu. Personne ne pourra m’arrêter.

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A propos de l'auteur

Matthieu Biasotto

Auteur indépendant toulousain, rêveur compulsif et accro au café. J'écris du thriller, du suspense avec une touche existentielle.

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