Faida – Prologue

F
Table des matières

Une mer de regrets

Giulia

Ici et maintenant…


O

n dit que redouter le pire, c’est lui ouvrir grand la porte. Nos peurs deviennent le vent qui pousse les vagues contre nous, jusqu’à ce qu’elles déferlent, sans merci. C’est exactement ce que je vis, chaque battement de mon cœur résonne comme le fracas d’une mer en furie. Le désastre sous mes yeux est la marée noire de mes propres craintes, celles que je n’ai jamais su contenir. Je n’ai jamais voulu que les choses se passent comme ça.
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Passage préféré de Matthieu. Tu en penses quoi ? x

Je me tiens sur ce promontoire qui surplombe la mer et Positano, à hauteur des falaises, ces géants de pierre témoins de ma panique. La lumière se retire lentement, engloutie par la mer en contrebas. L’odeur des citronniers flotte autour de moi, mais elle ne fait qu’accentuer l’étau qui m’enserre.

Mes récentes erreurs sont des chaînes qui me retiennent, qui m’écrasent. Une vague de nausée monte en moi, prête à tout emporter. Mon esprit est devenu un champ de bataille, les pensées s’entrechoquent comme des vagues en furie.

Soudain, mon regard se fige. Là, sur la corniche de la Strada Statale, à quelques centaines de mètres de ma position élevée. Un 4×4 rouge, fragile face à la pente. Mon téléphone est encore contre mon oreille, et la voix de Gianni résonne à l’autre bout. Je l’entends crier quelque chose, des mots brouillés par la panique. Puis, tout bascule. Le véhicule dérape, heurte le muret, et je devine l’instant où il plonge dans le vide. Petit point rouge dévoré par le ravin. Le son du fracas me parvient à travers le téléphone, amplifié, terrifiant.

Mon cœur s’arrête. Le monde entier semble suspendu. Ce silence absolu avant l’inévitable. Puis, le cri strident du métal qui se tord me traverse comme une lame.

— Gianni !

Je hurle son nom, mais c’est comme si tout se brisait en moi. Je reste immobile, tremblante, incapable de comprendre ce qui vient de se passer. Je ne peux pas le laisser partir. Pas comme ça. Pas cette fois.

Le téléphone m’échappe presque des mains. L’image de la voiture disparaissant sous les flots noirs de la côte s’imprime en moi, creusant un vide immense. La douleur me ronge, brutale. Celle de l’amour jamais avoué, de la vie jamais vécue. Mais je ne peux pas sombrer. Pas maintenant. Je dois le retrouver, le ramener.

Je cours vers mon véhicule. Les larmes brouillent ma vision, mais je ne m’arrête pas. Mes mains tremblent tandis que j’insère la clé dans le contact, le moteur rugit, et je démarre en trombe. Le paysage défile, flou, sans que je puisse vraiment y prêter attention. Chaque virage est une lutte contre la panique qui me ronge, chaque accélération une tentative désespérée de gagner du temps.

Je fonce à travers les routes sinueuses, le volant serré entre mes doigts, l’adrénaline brûle dans mes veines. L’image du SUV basculant dans le vide tourne en boucle dans mon esprit, me poussant toujours plus vite.

Je dois atteindre la falaise avant qu’il ne soit trop tard. 

L’angoisse me broie quand j’arrive. Je tire le frein à main. Des témoins me regardent, figés, incapables de comprendre. Ils essaient de m’arrêter, de me ramener à la réalité, mais je n’écoute plus. Il n’y a plus qu’un seul choix : se battre ou laisser tout disparaître.

Je me précipite vers les rochers, au bord du vide. Les vagues rugissent en bas, je n’y prête plus attention. Mes pieds glissent sur les rochers humides, chaque pas est une victoire sur ma peur. Le vent me frappe au visage, mêlé au goût salé de la mer. Mon père m’avait appris à ne jamais sous-estimer la Méditerranée, mais aujourd’hui je n’ai pas le choix.

Je saute.

Le choc de l’eau glacée m’arrache un cri muet, tout mon corps se fige un instant. Le froid mordant envahit mes muscles, ma respiration se bloque, mais je lutte. Je nage, je plonge sous les flots sombres, cherchant désespérément la lumière des phares. Là, au fond, le SUV est en train de couler, lentement, inexorablement. Chaque seconde compte.

Je me faufile dans l’habitacle, mes mains tremblent tandis que je tire sur la ceinture de sécurité. Mes doigts glissent sur le métal, je m’accroche, je tire de toutes mes forces. Enfin, je le libère. Gianni est inconscient. Je l’attrape comme je le peux, je le tiens contre moi, et je me bats contre l’eau qui nous aspire vers le fond.

Avec tout ce qu’il me reste d’énergie, je pousse vers la surface. L’air, enfin. Je respire, haletante, mes bras serrant toujours Gianni. Mon cœur bat à tout rompre, une prière silencieuse dans le tumulte de la mer. Des voix crient au loin, mais je n’y prête pas attention. Je dois le sauver. Quitte à pousser un cri désespéré.

— Aidez-moi !

Des mains viennent nous attraper, des secouristes plongent et nous tirent hors de l’eau. Tout se brouille autour de moi, je suis à bout de forces, épuisée.

Les secouristes s’activent autour de Gianni. Je les regarde sans cligner des yeux, chaque compression sur sa poitrine résonne en moi comme un marteau frappant mon cœur. Le sable froid sous mes pieds ne m’atteint pas, toute mon attention est rivée sur lui. Je ne peux pas le perdre, pas maintenant, pas ici.

Le monde entier semble suspendu, comme si tout dépendait de ce moment, de ce souffle qu’il doit retrouver. Le secouriste continue de compter, sa voix s’élève, méthodique, implacable.

— Un, deux, trois, quatre et cinq… allez, respire !

Mais rien ne vient. Gianni reste immobile, son visage est une pâle copie de ce qu’il était. Privée de son regard azur, je sens un gouffre s’ouvrir sous moi. L’espoir vacille, comme une flamme sur le point de s’éteindre. Mes poings se serrent, je lutte contre le désespoir qui menace de m’engloutir.

Je me penche vers lui, le souffle court, et je murmure, presque sans voix :

— S’il te plaît… reviens.
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A propos de l'auteur

Matthieu Biasotto

Auteur indépendant toulousain, rêveur compulsif et accro au café. J'écris du thriller, du suspense avec une touche existentielle.

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Invité
Tani
14 jours il y a
— S'il te plaît... reviens." Lire la suite »

Quelle mise en bouche ! Je suis déjà embarquée dans l’histoire en quelques lignes. Je me jette aussi dans le vide comme notre protagoniste. Comme elle … l’attente est immense 😉!

Invité
Tani
14 jours il y a
n dit que redouter le pire, c’est lui ouvrir grand la porte. Nos peurs deviennent le vent qui pousse les vagues…" Lire la suite »

Bonjour, idem pour moi. C’est amusant je travaille depuis un moment déjà sur le fait de ne plus redouter le pire. Je me retrouve totalement dans ce premier paragraphe.

Invité
Chantal
21 jours il y a
— S'il te plaît... reviens." Lire la suite »

Ça démarre très fort !!! J’aime bien les descriptions des sensations ressenties. Quel suspense !

Membre
Julie
22 jours il y a

Ça commence fort !!! Mise en haleine OK

Membre
Julie
19 jours il y a
Répondre à  Matthieu Biasotto

Toujours un grand plaisir

Invité
Fred
24 jours il y a
n dit que redouter le pire, c’est lui ouvrir grand la porte. Nos peurs deviennent le vent qui pousse les vagues…" Lire la suite »

Formidable métaphore si bien écrit. Chapeau.

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