Nos cœurs sans amarres
giulia
Dès qu’on quitte la villa, main dans la main, une légèreté m’envahit, comme un navire enfin libéré des amarres, prêt à voguer vers des eaux inexplorées. Libérés, sans plus surveiller les alentours, sans longer les murs ni éviter les regards. Atrani nous enveloppe d’une sérénité paisible, loin des querelles houleuses de Positano. Ici, on n’est plus des Rossi ou des Esposito, juste Giulia et Gianni, deux âmes libres, comme des marins retrouvant le large après une trop longue escale en eaux troublées.
Je respire profondément. L’air parfumé des citronniers et des fleurs me revigore. Une brise douce me rappelle que je suis vivante, loin des tempêtes laissées derrière nous. Chaque ruelle, chaque pavé, résonne de cette tranquillité qui fait naître en moi un écho de liberté. La lumière dorée baigne les façades blanches, et ce moment devient précieux, presque irréel, comme si on naviguait sur une mer d’or, sans nuages à l’horizon.
Je jette un regard à Gianni. Détendu, ses yeux brillent d’une lueur que je n’avais jamais vue à Positano, comme s’il venait de franchir un cap vers un ailleurs plus paisible. Nos mains se resserrent à chaque pas, et ce silence entre nous en dit plus que des mots. Ce n’est pas seulement la paix du lieu, c’est aussi la liberté d’être enfin nous-mêmes, sans masque, sans rôle imposé.
— Alors, tes premières impressions de notre vadrouille incognito ?
La brise décoiffe légèrement ses cheveux, et il plisse les yeux, plus charmant à chaque instant. Chaque souffle du vent semble nous ancrer davantage dans l’instant présent, comme si chaque seconde était une bouchée pleine de saveur.
— En fait… Tu sais ce que j’aime le plus ?
— Qu’on puisse marcher sans raser les murs ni serrer les fesses ?
Je plaisante, levant un sourcil. Il renchérit aussitôt.
— Que je n’aie pas à supporter ton horrible ciré jaune.
Mon rire éclate, franc et cristallin, comme l’éclaboussure de l’eau quand un poisson jaillit des flots. Je dépose une bise à la commissure de ses lèvres, en guise d’excuse pour ce que je lui ai fait endurer, et ses doigts effleurent ma joue, tout en douceur. À chaque contact, une chaleur douce m’envahit, telle la caresse du soleil après une longue traversée. Je pose ma tête sur son épaule, savourant cet instant où je peux l’aimer sans crainte, où rien d’autre ne compte que la sensation de son corps contre le mien.
Un air joyeux d’accordéon s’élève d’une petite place, et on s’arrête, balançant nos corps au rythme de la musique. Gianni me regarde, un sourire dans les yeux, et nos rires éclatent, légers, insouciants, comme des vagues jouant avec la coque d’un bateau au mouillage. C’est comme si le monde cessait d’exister, ne laissant que nous, bercés par cette mélodie intemporelle.
On continue à déambuler, achetant des souvenirs inutiles, essayant des chapeaux de paille ridicules, nos gestes dénués de tout souci pour le lendemain. Le rire de Gianni résonne, comme une mer apaisée, et chaque éclat me remplit d’une joie simple, semblable à une douce brise après la tempête. Nos mains se frôlent, nos bras se touchent, et chaque contact éveille en moi un désir doux, irrésistible, comme une vague venant lentement caresser le rivage.
Devant une galerie d’art, Gianni s’arrête, attiré par un tableau. Ses yeux se plissent, et je perçois dans son regard une admiration silencieuse. Il se tourne vers moi avec un sourire en coin, ce sourire qui fait chavirer mon cœur, comme un marin découvrant une terre inconnue.
— Regarde ce paysage. Sauvage, imprévisible… et d’une beauté à couper le souffle. Ça me rappelle quelqu’un…
Je lève un sourcil, amusée, entrant dans son jeu. Son ton est léger, mais ses yeux sont sincères. Un léger rouge colore mes joues, malgré moi, comme la marée montant doucement.
— Hmm, je me demande bien de qui tu parles.
Je mordille ma lèvre, le taquinant un peu plus, cherchant à prolonger ce moment.
— Peut-être de cette personne qui me torture délicieusement avec ses compliments ?
Gianni s’approche, réduisant la distance entre nous. Son souffle chaud effleure mon oreille, et il murmure :
— En parlant de torture… Peut-être que je m’y prends mal, parce que je ne sais toujours pas si tu portes des sous-vêtements.
Un frisson me parcourt, semblable à une vague glacée se mêlant à un courant tiède. Mon cœur s’emballe. Je le regarde, les yeux pétillants de malice, un sourire défiant aux lèvres.
— Continue d’essayer, on verra bien.
Mon ton de défi provoque un sourire chez lui, un sourire qui s’assombrit légèrement, comme si les eaux devenaient plus profondes, plus mystérieuses.
— Si tu insistes…
Malgré les passants, c’est comme si personne ne nous voyait, comme si on était seuls au milieu de l’océan. Je ris doucement, le provoquant un peu plus.
— Attention… Je pense que je pourrais m’habituer à ça.
La tension entre nous monte, palpable, comme une houle grossissant en mer, invisible mais présente. On s’arrête sur une petite place ensoleillée, à l’ombre des oliviers et des citronniers, les feuilles projetant des ombres mouvantes sur le sol. Mon regard alterne entre ses yeux d’acier et ses lèvres, et je partage le fond de ma pensée, reprenant ses propres mots.
— Parfois, je me demande ce que ça ferait… de t’embrasser là, devant tout le monde, sans se cacher. Tu crois que c’est une demande honnête ?
Gianni me regarde, surpris mais tendre, comme si je l’emmenais vers une mer inexplorée. Il hoche la tête, un sourire doux éclairant son visage.
— C’est plus qu’honnête. Et je pense qu’on devrait le faire… tout de suite.
Sans attendre, il se penche vers moi, nos visages se rapprochent. Le monde s’efface peu à peu, jusqu’à disparaître totalement. Mon souffle s’accélère, mes lèvres tremblent d’anticipation. Lorsqu’elles se rejoignent enfin, c’est comme si le temps ralentissait. Le premier contact est doux, presque timide, un effleurement qui fait naître en moi une vague de chaleur, semblable à la première onde d’un raz-de-marée.
Puis, la passion monte doucement. Nos lèvres s’accordent dans une danse lente, douce et enivrante. Ses mains glissent sur ma nuque, m’attirant plus près de lui, et je sens la chaleur de son corps se fondre au mien, nos cœurs battant à l’unisson. Chaque geste, chaque mouvement, est un écho silencieux de l’intensité que nous partageons.
Le goût salé de la mer flotte encore dans l’air, se mêlant à ce baiser, et je me sens transportée, comme si cet instant n’appartenait qu’à nous, hors du temps. Ses lèvres, à la fois tendres et pleines de désir, me font perdre pied, et je m’abandonne à lui, oubliant tout, ne ressentant plus que la chaleur de sa présence.
Quand il se recule enfin, juste assez pour que nos regards se croisent, je suis déjà essoufflée, mon cœur battant à un rythme effréné. Nos lèvres se frôlent encore, incapables de se détacher, jusqu’à ce qu’un murmure amusé attire notre attention. Deux vieilles dames, assises sous un citronnier, nous observent, sourires malicieux aux lèvres. L’une, fichu noué sous le menton, chuchote :
— Ah, la jeunesse ! Ils ne se cachent pas, eux. C’est comme ça qu’il faut vivre.
Sa complice acquiesce, ses yeux sages et pétillants. Un sourire attendri illumine son visage ridé.
— Tant qu’on est heureux, qu’est-ce que ça peut faire de ce que pensent les autres ?
Je souris, touchée par leurs mots simples et justes, comme une vérité limpide émergeant des profondeurs. Gianni, lui, ne peut s’empêcher de lancer avec fierté :
— On dirait bien qu’on a fait sensation.
Encore sous le charme de l’instant, je le regarde, et je lui réponds doucement, presque dans un murmure, les yeux plongés dans les siens :
— Je n’aurais jamais imaginé que défier le monde puisse être aussi… agréable.
Gianni
La vraie liberté commence là où le regard des autres s’efface. On marche côte à côte, main dans la main, et pour la première fois, je me sens à ma place, là où je dois être. Chaque grain de sable qui glisse sous mes pieds me rappelle que cet instant est réel. Autour de nous, le monde se dissout en une peinture dorée, comme si chaque pas nous éloignait davantage de ce qui nous retient, pour nous plonger dans une bulle de liberté. Loin des regards scrutateurs, loin des attentes qui pèsent sur nos épaules.
L’air marin caresse nos visages, mêlant le parfum salé de la mer à celui des fleurs sauvages dans les dunes. La brise semble murmurer : “tout va bien, vous êtes libres”. Le doux ressac des vagues compose une symphonie parfaite, nous isolant du reste du monde. La mer, calme et infinie, promet paix et réconfort. Mais au fond de moi, une petite voix murmure que tout pourrait basculer à tout moment.
Giulia brise le silence, sa voix se mêlant au vent.
— Ça fait du bien de pouvoir parler sans craindre le jugement de personne.
Ses paroles résonnent comme une vérité simple et précieuse. Je serre sa main un peu plus fort, comme pour m’ancrer dans cet instant fragile.
— Oui, ça change tout. J’aimerais que ce soit toujours comme ça, sans masque.
Le poids de ces mots me fait frissonner. Une part de moi rêve de cette simplicité, mais l’autre sait que nos vies ne sont pas si faciles. On poursuit notre marche, nos conversations s’échappant au rythme des vagues. À chaque mot, le lien entre nous se renforce, mais je sens que certaines barrières ne tomberont pas tout de suite. Sur un coup de tête, Giulia ramasse un morceau de bois échoué et, avec un sourire espiègle, trace un motif sur le sable à l’aide d’un geste ample.
— C’est censé être un melon… Tu veux m’aider ?
Je la rejoins, prenant le bâton pour dessiner à côté une bouée, sans plus de succès.
— Voilà… Là, on dirait une belle « caire de pouilles ».
Nos rires éclatent, portés par le vent comme des bulles de champagne. Ces moments simples, ces petites complicités, rendent notre histoire plus vraie, plus à notre image.
Dans un élan de malice, Giulia me lance une poignée de sable humide. Son regard pétille d’une joie contagieuse. Je feins l’offense et éclabousse ses pieds avec l’eau. Un jeu innocent, mais qui réveille en moi cette candeur perdue depuis longtemps. Nos regards se croisent, et sous nos rires naïfs, il y a cette tension, une promesse tacite que nous repoussons volontairement.
Je m’approche doucement, mes yeux brûlant de désir, mais je m’arrête juste avant de l’embrasser, prolongeant l’attente.
— Je pourrais te faire mille promesses ici, mais je préfère les tenir.
Je laisse mes mots s’imprégner de la sincérité que je ressens. Ce que nous construisons, ici et maintenant, est bien plus qu’un jeu. Giulia sourit, ses yeux brillants de malice.
— Quel genre de promesse ?
— Du genre très honnête.
— Soit tu en dis trop, soit pas assez…
Je savoure son regard plein de curiosité ainsi que ce jeu de l’attente, un plaisir qui rend chaque instant plus précieux.
— Tu en sauras plus si tu es sage.
— Alors, je vais attendre patiemment… ou pas.
Armée d’un sourire malicieux, elle joue avec une mèche de ses cheveux. Alors que nous ramassons nos affaires, nos mains se frôlent, et chaque effleurement attise cette flamme douce qui brûle entre nous.
— J’avais prévu de t’offrir une vue imprenable.
Captant l’excitation qui me gagne, Giulia lève un sourcil, amusée.
— Imprenable ? C’est encore une promesse honnête, je suppose ?
Je m’approche encore, ma voix douce mais pleine de promesses.
— Tout ce qu’il y a de plus honnête. Prépare-toi, ça va être inoubliable.
Son regard me transperce, réveillant en moi une envie presque irrésistible de l’attirer contre moi.
— Et on va où ?
— Là-haut, à quelques kilomètres. C’est un peu perdu.
— Je crois que je n’ai jamais été aussi heureuse à l’idée de me perdre quelque part.
Le vent marin glisse sur nos visages, emportant avec lui les bruits du monde. Il ne reste que le doux ressac des vagues et la chaleur de nos mains entrelacées. Nous marchons côte à côte, baignés dans une lumière dorée, comme si tout autour de nous disparaissait. Pour la première fois, je ressens pleinement la liberté d’être avec elle, loin des regards, loin des attentes. C’est comme si nous étions seuls, dans notre bulle.
— Tu vois cette falaise ? Il y a une ancienne tour de guet, un peu plus haut. Ça va aller ?
Giulia me lance un regard espiègle. Elle s’arrête un instant, puis me dévisage avec cette lueur, ce défi dans les yeux qui me coupe le souffle.
— Grimper une tour de guet ? Je grimperais n’importe où avec toi.
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[…] novembre 2024 F par Matthieu Biasotto 8 novembre 2024 Commenter Faida – Chapitre 60 Retour en haut Faida – Chapitre […]