Faida – Chapitre 92

F
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Dans l’ombre du piège

gianni

30 minutes avant l’accident…

Caché dans les entrailles du navire, chaque seconde s’étire comme un piège, m’emprisonnant dans une attente suffocante. Le danger rôde, palpable à chaque souffle, à chaque vibration dans l’air. Les pas lourds au-dessus de moi résonnent comme des coups de marteau, martelant mes pensées, éveillant cette peur sourde qui griffe mes entrailles. Mais je la repousse, l’enfermant dans une cage mentale. Pas maintenant. Pas ici.

Le Beretta pèse dans ma main droite, son métal froid contre ma peau me ramenant à une réalité brutale où ma survie ne tient qu’à un geste. Je serre la crosse, luttant pour contenir les tremblements qui menacent de me trahir. Respire, Gianni. Inspire, expire. Mon souffle est court, mais je le maîtrise. Si je faiblis, je suis mort.

Dans l’ombre, la peur ne disparaît pas. Elle attend que tu clignes des yeux. Les murmures au-dessus se font plus distincts. Les hommes de Massimo approchent, leurs voix rauques chargées de menace. Trop proches. Collé à la paroi métallique, je me fonds dans les ombres, prêt à disparaître dans la noirceur, comme un prédateur guettant sa proie. Je glisse derrière une pile de caisses vermoulues, maigre protection entre eux et moi.

Un grincement déchire soudain le silence. Le loquet de la trappe. Ils descendent. Mon cœur bondit, chaque battement résonne dans mes oreilles, mais je reste immobile, invisible dans les ténèbres. Le faisceau d’une lampe torche perce l’obscurité, dansant sur les murs, traquant chaque recoin. Je retiens mon souffle, devenant l’ombre elle-même.

Une tête émerge. L’homme avance, son arme brandie devant lui, sûr de lui, comme s’il avait déjà gagné. Son souffle lourd emplit l’air, chaque pas l’approche dangereusement de moi. Un pas de plus. Encore un.

Mon instinct prend le dessus. Je bondis. D’un geste fluide, je me redresse et braque le Beretta sur lui, mes mains fermes sur la crosse.

— Ne bouge pas.

Ma voix, basse et glaciale, tranche le silence comme une lame. Nos regards se croisent. Il vacille, surpris, et je lis la peur sous sa façade de dureté. Mais je n’hésite pas. Il n’y a pas de place pour l’hésitation.

— Jette ton arme.

Mon ordre est lancé sèchement, le canon du Beretta fixé sur son front, implacable. Il hésite, ses yeux flambent de haine, mais je vois la peur le dominer. Le pistolet tombe au sol, le bruit du métal frappant la surface résonne étrangement longtemps, un écho sinistre dans ce silence oppressant. D’un geste brusque je l’oblige à obéir.

— Contre le mur.

Lentement, il s’exécute, sachant qu’il n’a pas d’autre choix. Je me glisse derrière lui, chaque mouvement calculé. Les chaînes rouillées accrochées aux murs deviennent mon alliée. En quelques secondes, ses poignets sont enserrés dans le métal corrodé. Il se débat faiblement, mais il sait qu’il est pris au piège. Je murmure alors à son oreille une menace glaciale.

— Si tu fais le moindre bruit, tu ne sortiras pas vivant d’ici.

— Stronzo ! Ton oncle va te couper les couilles et te les faire bouffer !

Sa rage impuissante déforme ses traits.

— Je le ferai plonger avant. Lui et toute l’organisation.

Les mots fusent, glacials, avec une certitude nouvelle. J’y crois, je peux tout faire tomber. Ce n’est plus une simple vengeance. C’est la chance de me libérer, de briser les chaînes de cette vie. Je le laisse là, enchaîné, furieux, impuissant. Ses insultes résonnent derrière moi, se perdant dans l’écho métallique des lieux.

Je m’enfonce plus loin dans les entrailles du navire, loin de lui, mais conscient que le danger persiste. Ce n’est qu’une bataille dans cette guerre. Le temps est contre moi. La pression monte, cette course contre la montre s’accélère. Chaque pas m’approche du précipice où tout peut basculer.

Les pas des hommes de Massimo résonnent, un martèlement invisible frappant mon calme. Chaque coup rappelle le danger qui se rapproche, mais je ravale la panique. Muscles tendus, gestes calculés, je me glisse vers le pont. L’adrénaline pulse, chaque mouvement urgent, précis. Ma vie en dépend. Parce qu’elle en dépend.

Leurs murmures s’amplifient, éclats de voix chargés de menace. Ils fouillent le bateau, méthodiques, implacables. Leur bruit devient mon guide, me permettant de me faufiler dans leur dos, invisible. Chaque planche qui grince sous mes pieds est une menace, mais j’avance, tendu comme une corde sur le point de céder. Je n’ai pas le choix.

Enfin, la cabine. L’air est lourd de danger. Ici, tout se joue. Les sacs sont là, pleins de billets, mais surtout de secrets explosifs laissés par le grand-père de Giulia. Des vérités prêtes à réduire cet empire en poussière. Je les charge sur mon dos, le poids des conséquences pèse lourd. Je porte plus que de l’argent : je porte la fin d’un règne corrompu. Chaque pas s’alourdit, mais je refuse de flancher. Pas maintenant.

Le vent hurle dehors, glacé, avertissement d’un danger imminent. Dehors est une promesse de liberté, mais aussi une nouvelle arène où tout peut s’effondrer. Les voix des hommes se rapprochent, mais je garde mon objectif en vue : l’évasion.

Lorsque j’atteins enfin l’extérieur, l’air froid me frappe de plein fouet. Le crépuscule engloutit le port, les ombres s’allongent sous les lampadaires faiblissants. Je me glisse dans la nuit naissante, serpentant entre les ombres. Là-bas, mon Alfa Romeo m’attend, discrète, fidèle. Mon salut.

Je balance les sacs à l’arrière, le poids des preuves, des billets, des secrets, s’écrasant sur la banquette. Tout est là, prêt à pulvériser ce monde pourri. Je démarre le moteur, et le rugissement de l’Alfa est comme un défi lancé à la nuit. Leurs cris vont bientôt s’élever, ils vont réaliser que je me suis échappé. Mais pour l’instant, je suis encore maître du jeu.

Le port disparaît dans mon rétroviseur, les contours flous s’effacent alors que je m’éloigne. La route longe la côte, sinueuse et traîtresse. Chaque virage est une épreuve, mais je les avale un à un, filant vers Montepertuso, vers cette vérité suspendue au-dessus de moi, comme une épée prête à s’abattre.

En fond de cinquième, la vitesse me donne de l’avance. Giulia. Son nom flotte devant moi, effaçant tout le reste. Ses yeux dorés, son visage, sa douleur, son silence. Tout ce que je fais, c’est pour elle. Ce n’est plus seulement une quête de justice, c’est un combat pour ce qui reste d’humain en moi. Giulia, Jacopo, Giovanni, tous ceux dévastés par cette tempête de mensonges… ce soir, je les venge.

Ce soir, tout se joue.

 

Giulia

10 minutes avant l’accident…

Le plateau de fruits de mer de Marisa est presque vide, les coquilles éparpillées comme les fragments d’une soirée qui s’achève. Les bouteilles de bière gisent, vidées de leur effervescence. Autour de nous, le crépuscule enveloppe la Punta Reginella d’une lumière dorée, douce et mélancolique, peignant Positano de ses derniers éclats. Je ressens une tranquillité rare, fragile, comme une accalmie qui précède les tempêtes intérieures.

Assise là avec Marisa, je suis projetée des années en arrière, à l’époque où nous étions insouciantes, sans autre souci que nos rêves d’avenir. Les souvenirs affluent, intenses et vibrants. Pour un instant, j’ose me dire que si la vie pouvait rester ainsi, tout serait plus simple. Mais je le sais, c’est une illusion. Marisa me regarde, rompt le silence.

— Alors, tu te sens mieux ?

Son sourire est doux, mais je devine ses inquiétudes cachées derrière cette façade qu’elle a toujours su maintenir. Elle a toujours su prendre soin des autres, tout en masquant ses propres fêlures. Je lui souris, tentant de me rassurer autant que de la rassurer.

— Oui, merci. Parler avec toi… ça m’aide à apaiser un peu mes tempêtes…

Je serre son bras, reconnaissante. Mon regard glisse vers mon téléphone, espérant un message de Gianni. Mais l’écran reste désespérément vide. Mon cœur se serre, chaque minute sans nouvelles étire le temps, et une ombre d’angoisse grandit en moi.

Le vent marin soulève nos cheveux, éparpillant mes pensées sombres dans la brise, m’offrant un semblant de paix. Positano, avec ses rues pavées et ses maisons accrochées à la falaise, semble suspendue dans le temps, me rappelant une époque où Gianni et moi n’étions pas encore pris dans le filet des mensonges.

— Tu as un don, Marisa… Pour dénouer les nœuds du cœur. À chaque fois qu’on parle, c’est comme si tu savais exactement quoi dire.

Elle sourit, mais une lueur de regret traverse ses yeux. Un rire bref, presque amer, s’échappe.

— Si seulement je pouvais faire ça avec ma propre vie.

Ces mots, lâchés comme une confession, dévoilent ses propres tourments, ses batailles silencieuses. Je vois sa fatigue. Pourtant, elle pose une main douce sur mon épaule, toujours là pour moi.

— Mais vraiment, Giulia, tu ne devrais pas te torturer avec ces pensées sombres. Parfois, on a juste besoin de recul.

Je soupire, mes pensées embrouillées. Elle a raison, mais je n’arrive pas à m’en convaincre. Comment se détacher quand chaque pensée me ramène à Gianni ? Le silence entre nous est devenu une barrière. Je jette un coup d’œil à mon téléphone. Toujours rien.

— Oui, tu as raison…

Je hoche la tête, mais mes mots semblent creux, une tentative de me convaincre que je peux encore tout contrôler. Marisa commence à ranger ses affaires, pliant soigneusement sa veste, comme pour signifier que la parenthèse entre filles est sur le point de se refermer. Elle doit bientôt reprendre le travail, et je sens déjà l’éloignement qui nous gagne.

Le silence entre nous contraste avec l’absence oppressante de Gianni, qui résonne à chaque battement de mon cœur. Malgré la beauté de la soirée à Positano, je me sens coupée du monde. Les couleurs du crépuscule se brouillent peu à peu, incapables d’alléger mes inquiétudes.

Près du Palazzo Murat, où Marisa travaille en extra, le contraste entre nos vies et ce lieu me frappe toujours. Cet hôtel aux murs blanchis à la chaux et balcons fleuris semble appartenir à un autre monde. Nous, avec nos mains encore salées à cause des fruits de mer, on fait tache face à cette devanture parfaite.

Marisa ralentit, l’envie de rester encore un peu visible dans ses yeux. Elle me lance un regard triste.

— Il est déjà l’heure de mon service. C’est toujours dur de retourner au travail après un bon moment.

En réponse au regret dans sa voix, je lui souris doucement, touchée par son dévouement. Sa résilience m’impressionne.

— Je comprends.

Je la serre dans mes bras, et l’étreinte adoucit légèrement l’inquiétude qui m’habite. C’est un réconfort, mais il ne suffit pas à dissiper la peur qui grandit.

— Merci, Marisa. Tu es courageuse.

Elle hausse les épaules avec un sourire modeste.

— Toi aussi, Giulia. Ne l’oublie pas.

Je ris doucement, mais le son est creux. Mon esprit est ailleurs, perdu dans l’attente insupportable de nouvelles de Gianni. Je me tourne vers elle, un peu pressée.

— Dis, avant que tu partes… Où sont les toilettes ? Avec cette bière, je sens que je vais exploser !

Marisa éclate de rire.

— T’inquiète pas, elles sont juste à l’intérieur, au fond à droite. Vas-y avant que tu ne prennes l’eau !

Je souris, tentant de m’accrocher à ce moment de légèreté. Elle entre, et je me dirige rapidement vers les toilettes, espérant que quelques minutes de solitude suffiront à calmer mon esprit. Mais dès que je m’enferme dans la cabine, l’angoisse revient, insidieuse, s’incrustant dans chaque recoin de mes pensées.

Le calme est brisé par des talons claquant sur le sol, suivis d’une voix féminine. Le bruit sec résonne comme une menace, chassant la sérénité que je cherchais. La voix est douce, complice, sans se douter que je suis là.

— Oui, Massimo…

Malgré le ton bas et confidentiel, le nom claque dans l’air, glace instantanément mon sang. Je reste pétrifiée, incapable de remonter ma culotte. Massimo Rossi ? Ce nom, cette menace…

— Ne t’inquiète pas pour Gianni, il a mordu à l’hameçon. Le pigeon parfait, je te l’avais dit…

Mon cœur rate un battement. La pièce devient suffocante. Qui est cette femme ? Je me fige, retenant mon souffle.

— Non, il n’a pas été sensible à mes charmes cette fois. Pourtant, à La Sponda, j’avais sorti le grand jeu… Je pensais que j’avais mes chances…

La Sponda… Isabella. Son nom flotte dans ma tête, accompagné de ses sourires factices, de mes jalousies. Tout s’éclaire, et la révélation est un coup brutal à l’estomac. Isabella manipulait Gianni tout ce temps. Elle pousse un ricanement qui me rappelle à l’ordre.

— C’est gentil… Arrête, je vais rougir. Oui, il a tout de même signé les papiers en Calabre, comme tu dis…

Son soupir de satisfaction m’écrase, je retiens ma respiration quand elle s’adosse à la porte de ma cabine.

— C’est une certitude… Il est trop naïf pour se rendre compte qu’il va servir de fusible face à la justice.

Mes jambes se dérobent, l’estomac noué. Chaque mot résonne comme une sentence. Gianni… pris au piège… et moi, aveugle tout ce temps.

— C’est parfait, Massimo. Je me rafraîchis et je te rejoins dans ta suite… Oh, vraiment ?  Quel beau programme, tu me donnes déjà chaud…

Le robinet coule doucement, un bruit anodin mais qui amplifie l’absurdité de la situation. Je suis tétanisée, entendant les talons s’éloigner. Chaque pièce du puzzle tombe en place, et la terreur monte. Gianni est en danger, manipulé, et moi… je n’ai rien vu. Tout s’effondre.

Je reste figée non loin de la cuvette, les révélations tourbillonnant dans mon esprit. Chaque souvenir de ces dernières semaines revient, éclairé sous un jour nouveau, cruel et dévastateur. Gianni n’a jamais été impliqué avec Isabella, tout était manipulation, et moi, avec mes doutes, je n’ai fait que nourrir cette toile de mensonges. La culpabilité m’écrase.

Je sors de la cabine, les jambes tremblantes. Le froid du marbre tout autour n’apaise en rien la tempête en moi. Le silence est oppressant, il contraste avec le chaos de mes pensées. Gianni est en danger, et chaque seconde sans nouvelle est une agonie.

Devant l’enfilade de lavabos, je prends mon téléphone, les mains tremblantes, et commence à taper un message frénétique.

« Gianni, je viens de découvrir que tout ce que je pensais était faux. Je dois te parler, s’il te plaît, réponds-moi. »

J’appuie sur “envoyer”, mais l’écran reste silencieux, comme une gifle. Pourquoi ne répond-il pas ? Un mauvais pressentiment me dévore. Je fais les cent pas, les yeux fixés sur l’écran, désespérée.

Je compose son numéro, priant pour entendre sa voix. La sonnerie résonne, mais s’interrompt trop rapidement, laissant place à la messagerie vocale.

— Gianni, c’est Giulia. Je t’en prie, écoute-moi. Je suis désolée… J’ai besoin de te parler.

Je raccroche, les larmes menaçant de couler. Chaque seconde de silence est un coup, et l’angoisse devient insoutenable. Gianni est en danger, et moi, je suis impuissante. Je peux presque entendre mon intuition hurler que quelque chose de grave est sur le point de se produire.

Je sors des toilettes, mes pas résonnant lourdement dans le couloir. Dehors, Positano, avec ses lumières tamisées et ses ruelles paisibles, semble soudain étrangement froide. L’air de cette fin de soirée, que je trouvais apaisant, est maintenant glacial. Tout paraît suspendu, comme si le monde entier était en apnée.

Le souffle court, je me dirige instinctivement vers le promontoire. J’ai besoin d’air, de respirer, parce qu’une barre me comprime la poitrine. L’appréhension me ronge, une certitude sourde et la vue sur la côte ne peut rien y changer. Je m’arrête, surplombant la mer, le vent fouettant mon visage. Comme si les falaises me le conseillaient en silence, je recompose le numéro de Gianni, en désespoir de cause. Suspendue à cette tonalité, je prie, prie de toutes mes forces pour entendre enfin sa voix.

— Je t’en supplie… Réponds-moi… Pitié, décroche !

Si cette histoire te plaît, partage-la avec ceux que tu aimes ! Ensemble, faisons voyager ce roman.

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A propos de l'auteur

Matthieu Biasotto

Auteur indépendant toulousain, rêveur compulsif et accro au café. J'écris du thriller, du suspense avec une touche existentielle.

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