Le fracas du destin
gianni
2 minutes avant l’accident…
Chaque mètre parcouru sur la Strada Statale est une épreuve, une lutte contre l’angoisse qui m’étrangle. Chaque virage resserre le nœud dans ma poitrine, l’air devient rare dans l’habitacle, saturé par les secrets et les trahisons qui m’écrasent. Le moteur de mon SUV rugit, avalant la route, mais le chemin semble s’étirer à l’infini, étouffant, comme si la destination elle-même se refusait à moi. Montepertuso se rapproche, tout comme la rencontre avec Elena, mais plus j’avance, plus le danger pèse sur mes épaules, me retenant presque. J’ai l’impression que les gants de Massimo peuvent m’attraper d’un instant à l’autre.
Les lumières des villages perchés disparaissent peu à peu dans l’obscurité. Je fixe la route, l’urgence affûtant mes sens. Le plan est clair : remettre les documents, l’argent, et la lettre de Giovanni à Elena pour les mettre en sécurité. Ensuite, ouvrir le coffre-fort avec les preuves qui détruiront Massimo. Pourtant, un murmure intérieur me dit que tout peut basculer.
Mon regard glisse vers le trousseau de clés sur le siège passager. Ce petit pendentif en forme de melon doré qui tinte contre l’arme à feu à chaque courbe négociée, un simple porte-clés, dérisoire face à l’immense enjeu qu’il renferme. Ces clés sont mon seul espoir de déverrouiller la vérité, mais ce soir, je ne sais pas si j’en sortirai indemne.
Le poids d’être un Rossi me pèse plus que jamais. Ce nom est une malédiction, un héritage empoisonné. Giulia… tout ce que je fais, je le fais pour elle. Pour la protéger, même si ça doit me coûter tout. Mais est-ce que ce sera suffisant ? J’ignore si elle peut imaginer à quel point je l’aime.
Mon téléphone vibre. Giulia. Mon cœur se serre. L’envie de répondre est irrésistible, même si je devrais rester concentré. Mais je dois l’entendre, juste une fois, avant que tout ne s’écroule. Je décroche, ma respiration tremblante.
— Giulia…
Sa voix, brisée, précipitée, me frappe comme un coup de poing.
— Gianni, je suis désolée… j’ai tout compris de travers. Isabella et Massimo… ils te piègent. J’ai entendu leur conversation !
Le sol s’effondre sous mes pieds. Tout devient clair, mais je n’ai pas le temps de tout saisir ; le danger est trop proche. Je rétrograde, mes pneus crissent dans un passage difficile.
— Quoi ?! Quelle conversation ?
Une sueur froide coule dans mon dos et je prie pour que son implication ne menace pas ses jours. Je jette un coup d’œil au rétroviseur. Le 4×4 sombre, que j’avais remarqué plus tôt, n’est plus une simple ombre. Il est là, de plus en plus proche. Bien trop proche. Prêt à frapper.
30 secondes avant l’accident…
— Ils m’ont retrouvé !
Les mots s’échappent, la panique transparaît dans ma voix. Giulia, à l’autre bout du fil, s’affole.
— Qui ça ? Gianni, qu’est-ce qui se passe ?!
Le 4×4 accélère, se rapprochant à une vitesse terrifiante. Je prends un virage serré, les pneus crissent sous la pression. Je garde le contrôle, mais pour combien de temps ? Mon souffle est saccadé, et je sens la panique monter. Je dois lui dire, avant qu’il ne soit trop tard.
— Giulia, écoute-moi… je suis en danger. Ce que j’ai découvert… c’est une bombe. Tu dois te mettre à l’abri. J’ai…
Impact…
Le choc est brutal. Le 4×4 me percute de plein fouet. Mon SUV bascule, fait un tonneau, et tout devient chaos. Le métal se tord, la tôle crisse. Mon corps est projeté contre le volant, puis les airbags se déploient, mais l’impact secoue tout.
Le monde devient une spirale de douleur, un tourbillon de métal brisé et de verre éclaté. Le muret de sécurité cède, projetant des débris tout autour de moi.
Puis, soudain, la chute. Le vide m’aspire, la gravité implacable m’entraîne. L’air siffle, déchirant le silence. Je tombe, et avec moi, tout s’effondre.
Mais ce n’est pas ma vie qui défile. C’est elle. Giulia. Son visage, son sourire, ses yeux dans lesquels se reflètent notre week-end à Atrani. Lui tenir la main dans la rue. L’embrasser devant des gens. Une glace qui dégouline. Son rire emporté par la Vespa. Sa peau sur une couverture trop petite. La terrasse sur laquelle j’ai goûté à l’amour, le vrai. Chaque souvenir d’elle me transperce, plus cruel que la mort elle-même. Sa voix résonne toujours dans le téléphone, toujours tenu dans ma main.
— Gianni ! Non ! Réponds-moi !
Je veux répondre. Je veux lui dire que je l’aime, que tout ce que j’ai fait, je l’ai fait pour elle. Mais il est trop tard. Le monde s’éteint, enveloppé de ténèbres, juste avant l’impact final.
Et tout devient silence.
Giulia
On dit que redouter le pire, c’est lui ouvrir grand la porte. Nos peurs deviennent le vent qui pousse les vagues contre nous, jusqu’à ce qu’elles déferlent, sans merci. C’est exactement ce que je vis, chaque battement de mon cœur résonne comme le fracas d’une mer en furie. Le désastre sous mes yeux est la marée noire de mes propres craintes, celles que je n’ai jamais su contenir. Je n’ai jamais voulu que les choses se passent comme ça.
Perchée sur ce promontoire, dominant Positano et la mer, les falaises muettes m’entourent, témoins indifférents de mon effondrement. Le jour s’éteint, avalé par l’horizon, tandis que l’odeur des citronniers flotte dans l’air, douce et traîtresse, accentuant l’étau qui m’écrase. Le calme règne autour de moi, en contraste violent avec la tempête en moi.
Mes erreurs sont des chaînes accrochées à mes pieds, chaque pensée, chaque pas devient un fardeau. La nausée monte, un reflux amer qui menace de tout balayer. Mon esprit est un champ de bataille, les pensées se heurtent comme des vagues violentes contre des rochers.
Puis, mon regard se fige. Là-bas, sur la Strada Statale, son 4×4 rouge. Mon téléphone est toujours contre mon oreille, la voix de Gianni grésille, déformée par l’angoisse. Il hurle, mais ses mots se perdent. Soudain, tout bascule.
L’Alfa dérape. La voiture heurte le muret. Je reste figée, incapable de bouger. Le véhicule bascule, disparaît dans le vide. Un point rouge, englouti. Le fracas résonne dans le téléphone, monstrueux, amplifié par le vide en moi. Le métal déchiré, un cri inhumain qui me transperce.
— Gianni !
Je hurle dans le soir, mais c’est comme si le monde s’effondrait. Mon corps tremble, l’incompréhension m’immobilise. Non. Pas comme ça. Pas cette fois.
Le téléphone glisse presque de mes doigts. L’image du 4×4 chutant dans le vide me hante, creusant en moi un gouffre immense. Je refuse de m’effondrer. Je dois le retrouver. Je dois le ramener.
Je fonce vers ma voiture, les larmes brouillant ma vision. Mes mains tremblent en démarrant. Le paysage défile, irréel, comme un rêve devenu cauchemar. Chaque virage est une épreuve. Je dois y arriver. Je dois le sauver.
Enfin, la falaise apparaît. Puis des phares, un attroupement. Je freine brusquement, dérape, les pneus crissent. Des témoins figés me regardent, mais leurs voix sont lointaines. Je cours vers les rochers, mes pieds glissent sur la roche humide. Le vent me fouette, violent. Je l’ignore. Je saute.
L’eau glacée coupe mon souffle. Le choc brûle, mais je lutte. Je dois le retrouver.
Je plonge dans l’obscurité. Enfin, je l’aperçois. Le SUV coule, lentement, aspiré par le fond. Chaque seconde compte. Je nage, j’atteins la portière, mes doigts glissent sur le métal. Me faufilant à travers la fenêtre brisée, je tire, je lutte contre la ceinture qui le retient. Mes muscles hurlent, mais je ne peux pas abandonner.
Gianni est là, inconscient. Son corps est froid, inerte. Je l’attrape, je lutte contre l’eau qui nous aspire. Chaque mouvement est une victoire arrachée au néant.
L’air. Enfin. Je respire, haletante, mais Gianni ne bouge pas. Mon cœur cogne, une prière désespérée résonne dans ma tête. Des voix, lointaines, mais elles existent. Je dois le sauver.
— Aidez-moi !
Des mains nous tirent vers la berge. Tout devient flou. Les secouristes s’activent, leurs gestes sont rapides, méthodiques. Compression. Respiration. Compression.
Chaque geste martèle mon cœur. Le sable froid sous mes pieds ne m’atteint pas. Toute mon attention est rivée sur lui. Je ne peux pas le perdre.
Le monde se fige. Le secouriste compte, implacable.
— Un, deux, trois, quatre… Respire !
Mais Gianni reste immobile. Son visage, pâle, vidé de vie, sans son regard, je sens un gouffre s’ouvrir sous moi, prêt à m’engloutir. L’espoir vacille, fragile comme une flamme.
Mes poings se serrent, les larmes brouillent ma vue. Je me penche sur lui, la gorge serrée.
— S’il te plaît, reviens.
Le vent souffle doucement, comme un écho de mes mots, emportant avec lui tout ce qu’il me reste.
Et la suite… on la connaît.
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[…] novembre 2024 F par Matthieu Biasotto 12 novembre 2024 Commenter Faida – Chapitre 93 Retour en haut Faida – Chapitre […]