Faida – Chapitre 97

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Le Serment des Ténèbres

gianni

La nuit à l’hôpital est oppressante, chaque son résonne comme une menace invisible. Le cliquetis d’une porte, le sifflement des machines, des bruits anodins en temps normal deviennent sinistres. L’obscurité semble plus épaisse, les ombres plus menaçantes. Quelque chose rôde, prêt à surgir.

Je suis coincé ici, cloué dans ce lit, tandis que mon esprit s’agite, envahi par les révélations de mon père. Les souvenirs que je croyais enfouis se déchaînent en moi, chaque pièce du puzzle se met en place, dévoilant un tableau plus sombre que je n’aurais pu imaginer. Mensonges, manipulations, secrets cachés sous des années de silence, et moi, prisonnier de ce corps meurtri, forcé d’assister à l’horreur sans pouvoir agir.

Giulia m’a ramené à la réalité, mais les souvenirs qui reviennent sont douloureux. Ils ne me réconfortent pas. Ce sont des vagues dévastatrices. Le bip des machines et la lumière froide de la chambre sont le décor parfait pour cette souffrance qui me lacère. Une pensée domine : Giulia. Je ne peux supporter l’idée qu’elle soit en danger à cause de moi, piégée dans ce tourbillon de violence et de mort.

Je tourne en rond dans ma tête, incapable de dormir. Mon corps est épuisé, mais l’angoisse me tient éveillé. L’immobilité me tue à petit feu. Si je reste ici, je perds. Je dois bouger, faire quelque chose. Être passif, c’est accepter la défaite.

Je me redresse avec difficulté, serrant les dents sous l’effet de la douleur. Mes côtes protestent, mais je refuse de céder. Tant bien que mal, je me traîne jusqu’à la salle de bain. L’eau glacée sur mon visage dissipe le brouillard dans ma tête.

C’est alors que je remarque une lueur sous la porte. Une lumière pâle, vacillante, trop inhabituelle pour ne pas retenir mon attention. Mon cœur se fige. La porte grince dans un léger murmure. Une ombre danse sur le sol. Puis un bruit sourd. Une silhouette imposante s’approche de mon lit. Dans sa main, une seringue brille faiblement.

Mon souffle se coupe.

— Tu en sais trop, Gianni. C’est fini pour toi.

Sa voix est glaciale, impitoyable. Toute la confusion disparaît. L’instinct de survie prend le dessus. Je dois vivre, pour Giulia, pour tout ce qu’il me reste à sauver.

L’adrénaline envahit mes veines. La douleur devient secondaire. Je me glisse hors de la salle de bain, mes mouvements mesurés. La douleur dans mes côtes est brûlante, mais je l’ignore, concentré sur l’homme qui avance. D’un coup, je me jette sur lui, toute la force que j’ai concentrée dans ce geste désespéré.

La collision est brutale. Nos corps s’entrechoquent. Son poing heurte ma joue, et le mien explose contre son nez. La table de chevet bascule, le plateau-repas s’écrase sur son visage dans un éclat de bruit sourd. Une rage que je croyais enfouie m’envahit ; je lutte avec toute ma force, chaque mouvement dicté par la survie. Il est rapide, vif, mais je tiens bon, implacable. D’un geste désespéré, il renverse un album photo posé là, et les clichés volent en éclats, se répandent au sol, fragments de vies brisées dispersés entre nos pieds. Mes doigts se referment autour de sa gorge, serrant sans pitié. Il se débat, le souffle réduit à un râle étouffé, mais je refuse de lâcher.

La seringue tombe au sol, au milieu des photos. Je la ramasse et, sans réfléchir, je l’enfonce dans son cou, appuyant sur le piston. Son corps se tend une dernière fois avant de s’effondrer.

Le silence retombe. Mes jambes se dérobent, et je m’effondre à côté de lui, haletant, épuisé. Chaque respiration est une épreuve, mon corps secoué de spasmes d’adrénaline et de peur. Je suis vivant, mais pour combien de temps ?

Une vibration brise le silence. Le téléphone de l’homme. Un message apparaît, et le nom me frappe comme une gifle : Massimo.

« Où en est la mission ? »

La rage monte en moi, brûlante. Je saisis le téléphone, le déverrouille en utilisant l’empreinte de l’homme. Mes doigts volent sur le clavier :

« Gianni est sédaté, il ne se réveillera jamais. »

Une réponse arrive presque immédiatement :

« Va à la villa des Rossi, vide le coffre et rapporte-moi tout. Surtout le dictaphone. »

Mon cœur s’emballe. Massimo vient de me tendre une arme contre lui, sans le savoir. Puis Giulia s’impose dans mon esprit, une vague de terreur glacée me submerge. Elle est en danger, prise dans cette guerre de familles qui n’aurait jamais dû la toucher.

Tandis que je réponds à son ordre par texto, une lueur illumine un détail que je n’avais pas remarqué. Mon regard se pose sur une photo, là, sur le sol à côté du corps. Une image de mon père à son bureau. La pâle lumière du téléphone éclaire les traits durs de son visage, mais surtout un vieux dictaphone au premier plan.

Et soudain, un souvenir remonte, vif, imposant, tiré du fond de ma mémoire : ce fameux dictaphone.

Un détail que j’avais oublié refait surface, porté par le choc, la photo et l’urgence. Moi, adolescent, dans le bureau de mon père. Ce jour-là, j’avais cédé à la curiosité, poussant la porte sans frapper. Mon père, dos à moi, murmurant dans un dictaphone, s’était figé, sa mâchoire crispée en m’apercevant.

— Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu te lèves seulement maintenant ? Ce bureau n’est pas fait pour les fainéants.

Sa voix sèche, chargée de mépris, m’avait cloué sur place. Il avait rangé le dictaphone dans un tiroir d’un geste froid, verrouillant le seul compartiment que je savais muni d’un double fond. Ce jour-là, il ne m’avait rien dit de plus, son regard seul m’avait repoussé hors de la pièce.

Le souvenir s’efface doucement, mais son intensité reste. Ce tiroir, ce dictaphone… ils détiennent sûrement des informations cruciales.

Je prends mon téléphone et compose un message à toute vitesse : « Giulia, trouve le dictaphone dans le bureau de mon père. Tiroir à double fond. Sois prudente. »

Je me redresse avec difficulté, chaque geste est une torture, mais je n’ai pas le choix. Giulia est en danger, et je suis le seul à pouvoir l’en sortir.

La nuit à l’hôpital est loin d’être terminée. Le pire est encore à venir.

 

Giulia

La nuit m’a engloutie, avec son poids de silence et de mystère, alors que je progresse dans l’obscurité, résolue à découvrir la vérité. J’ai quitté l’hôpital sans me retourner, chaque pas me rapprochant du danger. Gianni vient tout juste de retrouver la mémoire, il est à la merci de Massimo, son oncle, qui peut frapper à tout instant. Il compte sur moi pour agir, pour le libérer du piège que cet homme a tissé autour de nous. Tout repose sur ce coffre et les secrets qu’il contient.

La villa des Rossi se dresse enfin devant moi, sombre et imposante. Autrefois un lieu familier, elle est désormais empreinte d’une hostilité sourde. La lumière lunaire projette des ombres inquiétantes sur les murs. Ce n’est plus une maison, mais une forteresse, le dernier bastion d’un empire corrompu.

Le vent marin fouette mon visage, froid et coupant. Les oliviers chuchotent sous la brise, comme un avertissement. Mais il est trop tard pour reculer. Je suis déjà trop enfoncée dans ce bourbier, et Gianni est ma seule raison d’avancer.

Je contourne les caméras, glissant dans l’ombre, mes mouvements précis. Chaque craquement sous mes pieds fait battre mon cœur plus fort, mais je continue. La peur est là, mais je la tiens en laisse, concentrée sur ma mission. Lorsque j’atteins la villa, l’air semble se charger d’une tension palpable.

À l’intérieur, le hall immense m’accueille avec son atmosphère glacée. Tout semble figé. Ce lieu respire la trahison. On dirait que chaque recoin dissimule des fantômes du passé.

Je traverse les couloirs, les sens en alerte. Le moindre bruit est suspect. Mon cœur s’emballe à chaque pas. J’atteins finalement le bureau d’Alessandro Rossi. Je prends une grande inspiration et pousse la porte.

Là, dans l’obscurité, le coffre repose, imposant. Mon cœur bat à tout rompre alors que je sors le trousseau orné du melon et que je glisse la clé dans la serrure. Le cliquetis du mécanisme brise le silence. Mes mains tremblent légèrement, lorsque je tape la combinaison, mais je continue. La vérité, aussi dure soit-elle, m’attend.

Lorsque le coffre s’ouvre enfin, une odeur de vieux papier et d’encre séchée s’échappe, envahissant mes sens comme un souffle du passé. Mes mains tremblent en découvrant l’amas de dossiers, épais et soigneusement empilés, comme autant de secrets patiemment préservés du monde extérieur. Je sais, au fond de moi, que chaque document ici est une pièce de la vérité. Un poids oppressant m’écrase, mais la détermination prend le dessus. Je plonge dans ce dédale de papier, résolue à lever le voile sur ce qui a détruit tant de vies.

Page après page, les mots s’impriment dans mon esprit comme des coups de poignard. Contrats illégaux, accords scellés à l’encre noire de la corruption. Les noms défilent, les chiffres s’empilent, chaque ligne me dévoile un peu plus l’ampleur de la noirceur qui enveloppe les affaires de Massimo. Des sommes astronomiques échangées dans l’ombre, des transactions secrètes qui ont souillé non seulement l’entreprise mais tout ce qui l’entoure. C’est un gouffre sans fin de mensonges et de manipulation, chaque page m’entraîne un peu plus loin dans cet abîme.

Puis soudain, mes yeux se figent. Un nom surgit, isolé sur une feuille : Giovanni Esposito.

Mon grand-père.

Je reste pétrifiée. Les lettres de son nom semblent danser devant moi, comme un cauchemar revenu à la surface. Mon propre sang, enraciné dans cette corruption. Comment est-ce possible ? Mon propre grand-père impliqué dans cette toile de corruption ? Mon esprit vacille. Les pages se brouillent sous mes yeux, mais je continue, refusant de céder à la panique. Je prends des photos des documents, mes mains tremblant de plus en plus.

Puis un dossier plus vieux attire mon attention. Une chemise cartonnée jaune. À l’intérieur, des annotations de la main de mon père. Un frisson glacé parcourt tout mon corps. Comment lui aussi a-t-il pu être impliqué ? La douleur et la trahison m’envahissent.

Alors que je tente de maîtriser le tourbillon d’émotions, un objet attire soudain mon regard. Sur une étagère, presque invisible sous une fine couche de poussière, repose un magnétophone, banal mais terriblement intrigant. Je m’approche, mon souffle court, mais il est vide, sans cassette.

— Pourquoi garder un lecteur cassette sans bande à écouter… ?

Je murmure dans le silence oppressant. L’urgence revient en moi. Je fouille frénétiquement, cherchant la bande manquante. Puis, mon téléphone vibre. Un message de Gianni : « Tiroir à double fond. Sois prudente. »

Mon souffle s’accélère, et mes mains trouvent enfin le tiroir dissimulé. À l’intérieur repose une petite cassette, insignifiante en apparence, mais je sais que son contenu pourrait tout changer.

Je serre la cassette dans ma main, mais au moment où je me relève, la porte du bureau s’ouvre brutalement. Le bruit résonne comme un coup de feu. Mon cœur rate un battement.

Je me retourne lentement, glacée par la peur. Mes yeux s’écarquillent.

C’est la mère de Gianni, debout dans l’encadrement, son regard dur, presque inhumain. Ses yeux me transpercent, remplis de colère, de surprise, et peut-être d’une peur dissimulée.

— Qu’est-ce que vous faites ici, Giulia ?

Si cette histoire te plaît, partage-la avec ceux que tu aimes ! Ensemble, faisons voyager ce roman.

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A propos de l'auteur

Matthieu Biasotto

Auteur indépendant toulousain, rêveur compulsif et accro au café. J'écris du thriller, du suspense avec une touche existentielle.

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