L’éveil des fragilités
gianni
Je m’éclipse discrètement de la terrasse, laissant Giulia au téléphone avec sa mère. Ses yeux, noisette et intenses, brillaient encore sous la lumière du matin quand je me suis levé de ma chaise. Sa voix douce, mêlée d’une légère irritation, résonnait tandis qu’elle parlait, et je me suis surpris à la fixer plus longtemps que nécessaire, absorbé par chacun de ses gestes.
Il y a quelque chose dans sa façon de manger ce croissant, un geste simple, mais empreint d’une grâce fascinante. Elle pince la pâte dorée entre ses doigts, un sourire en coin, comme si elle se moquait du monde sans que personne ne s’en aperçoive. Et ce parfum… L’odeur subtile de sa peau, mêlée à l’air marin, avec des notes d’agrumes et de vanille, m’obsède. Il flotte autour d’elle, envoûtant, un rappel constant de sa présence.
Je me faufile vers la salle de bain, mais mes pensées restent accrochées à elle. Le croissant, son sourire, son parfum. Même derrière la porte fermée, elle est encore là, gravée en moi.
La pièce est somptueuse, baignée d’une lumière tamisée. Le marbre blanc reflète la lueur des chandeliers, ajoutant une élégance tranquille. Ici, tout semble en pause, comme si le monde extérieur n’existait plus.
Je commence à me déshabiller, mes idées vagabondes. Alors que je me penche pour retirer mes chaussures, mon téléphone vibre dans ma poche. Un soupir m’échappe. Un message de mon oncle, Massimo :
« Je vois que tu as négligé mes apporteurs d’affaires à Naples plus vite que ma proposition concernant le bateau. Je sais quand ton assistante ment à mes hommes… »
Un frisson glacé parcourt mon échine. Ce n’est pas la menace voilée qui m’inquiète le plus, mais sa manière sournoise de glisser ses avertissements sous des mots anodins. Non, ce qui me terrifie vraiment, c’est l’impression qu’il sait tout, tout le temps. Comme s’il avait des yeux et des oreilles partout. La rapidité avec laquelle il est au courant de mes moindres gestes, même ceux que je pensais discrets, est ce qui me dérange le plus. Rien ne lui échappe. Il me surveille. Une gêne s’installe. Je compose rapidement une réponse :
« Claudia a mal compris mes instructions. Rien d’inquiétant, juste un contretemps. Tout est sous contrôle. »
Je l’envoie, mais le doute persiste. En vérité, je ne sais plus vraiment ce que je contrôle encore. Massimo est puissant, et ignorer ses demandes, c’est jouer avec le feu. Mais à cet instant, ses exigences me semblent curieusement lointaines. Je me débarrasse de mes vêtements, laissant tomber la tension avec eux. Sous la douche, l’eau chaude coule sur moi comme un baume, apaisant mes muscles et dissipant l’anxiété de cet échange.
Mes pensées dérivent vers la nuit dernière, vers cet instant où j’ai tout laissé à Naples pour la retrouver. Il y avait tant à faire là-bas, des réunions, des engagements importants. Mais rien de tout ça n’avait compté. Pas face à l’urgence de la retrouver. Irrationnel, je le savais. Mais même maintenant, un sourire naît sur mes lèvres. Si c’était à refaire, je le referais sans hésiter, même au prix de défier Massimo.
Giulia. Elle revient à moi, avec cet éclat dans les yeux, une lumière que je ne comprends pas encore totalement, mais qui m’attire irrésistiblement. Je repense à ce moment léger, presque dangereux, quand nous avons joué ensemble alors qu’elle parlait à sa mère. Elle avait cette façon unique de contenir ses émotions, à la fois pudique et désarmante. Plus je la découvre, plus j’ai envie de la protéger, non pas parce qu’elle en a besoin, mais parce que je veux être celui qui est là pour elle. Toujours.
L’eau continue de couler, effaçant la tension, tandis que mes pensées vagabondent vers elle, ses traits, ses forces mêlées à sa vulnérabilité. Elle est unique. Je ferme les yeux, savourant la sérénité du moment, jusqu’à ce que la porte de la douche s’ouvre brusquement.
Elle est là.
Magnifique. Sauvage. Indomptable. Son regard brûle d’un défi silencieux, mais je vois aussi une tendresse cachée, une vulnérabilité qu’elle ne laisse qu’entrevoir. Là, où le désir se consume, le monde s’arrête. Giulia, émergeant de la brume, éclatante. Un frisson me traverse, mais cette fois, il n’a rien à voir avec la menace de Massimo. C’est quelque chose de bien plus profond, quelque chose que seule Giulia peut provoquer en moi.
Elle s’avance vers moi, et malgré l’eau qui ruisselle sur nous, c’est comme si le monde venait de se suspendre.
— Je veux vivre sur ta planète…
Giulia
La vapeur nous enveloppe, une brume chaude qui nous isole du monde extérieur, comme si rien d’autre n’existait en dehors de cet instant partagé. Peut-être que notre histoire se résume à se perdre à deux dans un monde à notre image. L’eau coule sur nos corps, mais c’est la chaleur de Gianni, bien plus intense que celle de la douche, qui allume en moi un feu que je ne peux plus contenir. Nos respirations se mêlent, et chaque battement de mon cœur semble répondre au sien.
Je le regarde, debout sous le jet d’eau, l’eau ruisselant sur son corps musclé. Ses épaules larges et son torse puissant attirent mes doigts comme un aimant. Ses cheveux noirs collent à son visage, renforçant son allure virile. Ses yeux bleus, perçants, me fixent avec une intensité qui me coupe le souffle. Derrière cette assurance, je perçois une hésitation, une vulnérabilité.
— Ça tombe bien, elle avait juste besoin d’une étoile, cette planète…
Je m’approche, sentant la chaleur de son corps avant même de le toucher. Lorsque mes doigts effleurent sa peau, ses muscles se tendent sous mes paumes. Mes mains glissent sur son torse, explorant chaque ligne, chaque courbe. L’eau amplifie chaque sensation, et je me laisse emporter par le plaisir de le redécouvrir sous cette lumière nouvelle.
Gianni m’attire contre lui, son étreinte est à la fois forte et douce. Je sens sa respiration s’alourdir, la tension entre nous atteignant un point de non-retour. Ses lèvres frôlent mon cou, déclenchant une vague de frissons. Pourtant, même dans ce désir intense, il hésite.
— Giulia… Je ne sais pas comment m’y prendre quand ça compte vraiment… Je n’ai jamais été doué pour ça.
Sa voix rauque révèle ses doutes. Je lève les yeux, touchée par cette fragilité inattendue. Gianni, si sûr de lui d’ordinaire, se dévoile. Là, devant moi, il n’est plus l’homme de pouvoir, mais un homme sincère.
Je ne réponds pas tout de suite, mes mains continuent d’explorer son corps, chaque contour. Dressée sur la pointe des pieds, je murmure à son oreille :
— Tu es plus doué que tu ne le crois. Parfois, il faut juste se laisser aller.
Mes lèvres effleurent son cou, et je sens son souffle s’accélérer. Un sourire se dessine sur mon visage en percevant son désir grandir, son contrôle faiblir sous mes caresses. Gianni, cet homme inaccessible pour tant d’autres, est ici vulnérable, tout à moi.
Ses mains glissent le long de mes hanches, remontant lentement, comme s’il voulait savourer chaque instant, chaque centimètre de ma peau. Mais dans son geste, il y a plus que du désir : une promesse de protection, de respect, et une envie irrépressible de se perdre en moi.
Nos corps se pressent sous l’eau, mon cœur s’emballe tandis que ses mains explorent mes courbes avec une intensité croissante. Chaque caresse nous rapproche. Je sens sa respiration devenir irrégulière, et nous dérivons ensemble dans cet océan de sensations.
— Je ne veux pas te blesser. J’ai peur de mal faire.
Son souffle est brisé par l’émotion. Je plonge mon regard dans le sien et vois toute son humanité. Ses doutes, sa peur de ne pas être à la hauteur… c’est justement ce qui le rend si précieux à mes yeux. Je caresse doucement sa joue, mon pouce effleurant sa barbe piquante.
— Gianni, je suis plus forte que tu ne le penses. Et je te fais confiance. Parfois, j’ai même besoin qu’on me bouscule un peu.
Son sourire se détend, ses doutes s’allègent. Ses mains deviennent plus sûres, plus confiantes, alors qu’il m’attire encore plus près. Nos lèvres se rejoignent, sans hésitation cette fois. Le baiser est intense, profond, plein de promesses. Ses mains, d’abord timides, glissent maintenant avec assurance sur mon corps, embrassant chaque ligne.
Chaque contact me fait frémir. Je me perds dans cet instant où le monde s’efface autour de nous. Sous le jet d’eau, nos corps s’entrelacent, ne laissant plus que nous, brûlants de désir.
— La première fois que j’ai su que je voulais te garder près de moi…
Mon aveu glisse entre deux baisers, ma voix à peine audible.
— …C’était quand tu as plongé pour me sauver.
Gianni sourit contre ma peau, et ce sourire déclenche un frisson à travers tout mon être.
— Et maintenant, je me demande… qui sauve qui ? Peut-être que c’est à moi de te faire chavirer, cette fois.
Je me serre encore plus contre lui, savourant le tremblement qui traverse son corps. Ses mains trouvent mes hanches, mes épaules, et nous restons là, perdus l’un dans l’autre, dans ce ballet de désir et de tendresse.
Mais alors que je m’apprête à aller plus loin, Gianni me freine doucement. Ses mains se posent sur mes épaules, une pression légère mais ferme. Il m’étreint, et je sens une fragilité en lui, pas physique, mais émotionnelle. Il me serre fort, comme s’il avait besoin de me garder près de lui, tout en luttant contre l’envie de se laisser aller complètement.
— Giulia, je crois… qu’on ferait mieux de retourner sur le chantier de La Speranza. Ce serait plus sage.
Surprise, je le regarde. Ses yeux, encore emplis de désir, racontent autre chose. Il est là, tout près, mais je sens qu’il lutte pour garder le contrôle, qu’il n’est pas prêt à se perdre entièrement. Je comprends. Ce n’est pas qu’il ne me veut pas. Il a juste besoin de temps.
Je me recule légèrement pour plonger mon regard dans le sien, puis je l’embrasse doucement. Un baiser lent, qui dit qu’on a tout le temps du monde. Qu’on peut attendre.
Je repose ma tête contre son torse, écoutant son cœur battre rapidement, un sourire aux lèvres. Ce n’est qu’un début, et je sais que nous aurons d’autres occasions. Gianni ne le sait pas encore, mais la tempête est loin d’être terminée.
— D’accord, on retourne sur le chantier. Mais crois-moi, Gianni, je n’ai pas l’intention d’en rester là.
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