Harper – Chapitre #1

H

1

 

AVANT…

L’affection que j’ai pour ce parc paisible plongé dans le noir m’étonnera toujours. C’est une fenêtre ouverte sur une vie que je n’aurai probablement jamais, dans un quartier un peu trop bien pour moi. L’espace d’un instant, cette fenêtre m’offre la vision d’une existence surclassée. Je ne suis pas dupe mais c’est agréable. Je me laisse bercer par le rêve d’un avenir radicalement différent et d’un passé construit sur d’autres choix. Cet idéal s’évanouit en quelques secondes, je ne parviens jamais à rêvasser très longtemps. Alors je me contente d’apprécier la vue dégagée sur les briques. Je suis attiré par ce mur illuminé en orange à la lueur d’un lampadaire aussi fatigué que moi. Quelques intrépides ont orné le poteau en acier de graffitis rageurs dont la base est couverte de pisse. On y a laissé des insultes au marqueur, le numéro d’une gamine improvisée suceuse par des camarades inconscients. On barbouille des revendications sociales ou encore les initiales d’un amour éternel qui ne verra pas la fin de l’été. La rouille perce à la surface au milieu de nique ta mère, nique la police, ta sœur, ton père, ton chien et tout ce qui dispose d’un orifice. C’est violent, c’est humain. C’est naïf. C’est la rue qui s’exprime. Je crois que je m’y suis fait, finalement.[br][br]

Ces dizaines d’élans corrosifs tapissent le mobilier urbain dans une anarchie graphique qui me donne le tournis. On se rebelle aussi sur les bancs et sur n’importe quel mur. On marque le territoire sur les devantures des magasins et dans les ascenseurs. Parfois sur les bagnoles ou à même le sol. Je ne te parle même pas de la peau qu’on se tatoue à la moindre occasion. Pour célébrer quelques années passées en haute sécurité ou un braquage qui a mal tourné. La plupart du temps, on se grave le torse au nom d’un frère tombé. On affiche le nombre de bâtards qu’on vient de planter. L’encre et le sang se mêlent dans des motifs hurlants. On s’injecte des cris sous le derme pour affirmer, plus aux autres qu’à soi-même, qu’on est un mec. Un vrai. Ça c’est pour les quartiers très chauds au sud et à l’ouest. Dans le reste des rues de la ville que l’on surnomme « Motor City », on se contente de te prévenir uniquement à la pointe d’un feutre. Don’t Snitch, c’est le message qui revient quel que soit le support, et qu’il faut bien garder en tête si tu ne veux pas qu’on te refroidisse. Ici on ne parle pas et on ne balance personne. Plus qu’un conseil, plus qu’un principe, c’est un art de vivre. La peur achète le silence. Le silence évite les représailles et limite les dommages collatéraux.[br][br]

Si j’affectionne l’endroit, si l’herbe est bien verte sous mes pieds et si l’air tiède m’effleure avec douceur, je ne traîne pas dehors toute la nuit avec le cœur léger. C’est avant tout parce que je n’ai plus le choix. Enfin… Disons que j’ai fait le choix de ne plus avoir à décider. Je ne peux plus revenir en arrière. Alors, je me pose où je peux, comme je peux et j’attends que les ténèbres s’effacent. Que ce soit ici à Brush Park, à Corktown, du côté de Highland Park, sous un pont encore vierge à Indian Village, dans le ghetto du côté de 8 Mile Road – non loin du berceau d’Eminem, dans une ruelle sombre, une usine à l’abandon ou sous un porche… Qu’importe… Tant que je ne suis pas vu, ça me va.[br][br]

C’est l’avantage de zoner dans cette ville. Détroit est comme un immense terrain de jeu pour un mec comme moi. Ce bled me fait penser à un navire à l’abandon que les gens honnêtes ont déserté. Les bonnes familles se sont barrées lorsque l’emploi s’est volatilisé, il y a un moment déjà. Depuis, tout est gris, rouillé, fendu ou cassé. Il ne reste que les rats qui crèvent de faim en attendant des promesses fédérales fumeuses pour une dette qu’on étale à l’infini. On espère une relance des Big Three dans les médias. Mais la réalité n’est pas belle. On a fermé les usines. On a délocalisé. On a licencié par wagons entiers. Je te parle d’un demi-million de jobs. Autant de vies brisées au profit de rentabilités déportées. Il faut bien que les actionnaires puissent payer leur jet privé. Résultat : il y a peut-être cinquante mille ou soixante-dix mille bâtiments délabrés dans lesquels je peux jouer à cache-cache toute la journée.[br][br]

Je ne suis pas un noctambule dans l’âme, j’ai perdu le sommeil il y a longtemps déjà. Je dois t’avouer que dormir me terrorise toujours. Surtout depuis que j’ai tout perdu. Tu ignores à quel point la rue est impitoyable. M’endormir seul, c’est prendre le risque de me faire dépouiller ou agresser. Je pourrais me prendre une balle, juste parce que ça ferait marrer quelques gosses. Pire, c’est une occasion de me faire identifier par un bénévole pétri de bonnes intentions pour le compte d’une association qui pense bien faire. La menace de me faire coincer par la police plane en permanence, je reste vigilant. Je viens de survivre à mon premier hiver, alors j’imagine que le plus dur est derrière moi. Je ne veux pas que l’on me prenne le peu qu’il me reste. Pas si près du but. Je ne veux pas qu’on me trouve. Je veux juste rester dans l’ombre jusqu’à ce que les choses se tassent.[br][br]

Heureusement ici, tout est calme – pour l’instant. Pas de coup de feu. Pas de règlement de compte ni de rituel de passage. La nuit, il n’y a pas grand monde qui traîne dans le secteur, même en été. Il arrive que quelques soulards donnent de la voix en début de soirée, mais rien de grave. Aucune comparaison possible avec la folie sanglante des quartiers ouest. Ponctuellement, de vieilles peaux tapinent pour arrondir leurs fins de mois à proximité du boulevard. Il arrive que le parc attire quelques junkies, mais c’est très rare. Le week-end, je vois surtout des groupes de jeunes gavés à la bière qui plongent en pleine débauche jusqu’à déverser leur bile au pied de leur caisse. La majorité n’a pas d’avenir, pas d’espoir et rien à perdre. Je peux les comprendre. Je suis du style à verser dans l’excès pour oublier l’espace d’une soirée.[br][br]

En face, sur les trottoirs défoncés de la 14e, je distingue la flamme fugace de briquets. Je me garde bien de me montrer, je reste discret en toute circonstance. Quelques dealers à la sauvette fument dans la pénombre procurée par une enseigne édentée. Les flics ont beau faire du ménage, il y a des choses qui ne changent jamais. Ces groupuscules sont comme des taches bien incrustées, ils sont l’ADN de la rue.[br][br]

Un tiers de la population est englué dans le chômage, au milieu d’une ville en faillite, en proie à la violence et la misère. Les caisses sont vides et ça ne date pas d’hier. Pas d’aide. Pas de projet. Des secteurs entiers totalement désertés. Des familles déchirées par la pauvreté, le crack, les armes et les gangs. Pas besoin d’être un génie pour comprendre que toute la prévention et toute la répression du monde n’y changeront rien. D’ailleurs… si j’en avais les moyens, je m’offrirais bien une dose pour être perché très haut. Loin de tout ce que j’ai fait et de tout ce que je traverse. Afin de souffler juste une seconde et m’évader à des années-lumière du Michigan. Hélas, j’ai conscience que ce que je fuis est capable de me rattraper n’importe où. Et à plus forte raison, au fond de ma tête.[br][br]

J’observe l’ombre de ces « voyous » qui prennent racine sur les bancs. Voilà ce que je vois ; des gamins en survêtement à capuche qui traînent leurs fesses dans des baggys hideux tombant jusqu’aux genoux. Ils écoutent en boucle un rap acerbe déversé depuis leurs smartphones placés en haut-parleur. Je déplore les casquettes de travers et les foulards rouges sur mes frères noirs qui approvisionnent les nez, les poumons et les veines en perdition dans le quartier. D’autres arrivent à l’instant. Vu d’ici, ça donne un amalgame de clichés. Des chaînes en or, du gros son, une voiture de branleur et de l’alcool. Du bout des doigts, on mime le fait de tirer avec une arme au poing en secouant la tête en cadence. Bang ! Bang ! Cette gestuelle qui accompagne chaque refrain me laisse perplexe. Ce qui m’attriste au fond, c’est qu’ils s’autoproclament rois de la rue alors qu’ils ne possèdent rien en fin de compte. Excepté un chargeur grande capacité, leur bande et ce qu’ils appellent l’honneur ou encore la réputation.[br][br]

Que ce soit dans ce bloc, à West River, dans le centre ou à Joy Road, le business de la drogue marque une pause au lever du jour. Même s’il n’est pas rare que les dealers fassent des heures supplémentaires pour approvisionner quelques touristes en manque d’herbe ou des ados qui cherchent à planer avant de se rendre au lycée. Les gosses s’y mettent de plus en plus jeune, je les vois faire. Je trouve que ça fait peur. En même temps, ce n’est pas moi qui peux les blâmer. Je me dis qu’il y a pire. Il suffit de regarder ce que j’ai fait…[br][br]

{Ne pas y penser. Ne pas se laisser abattre. Aller au bout, quoi qu’il arrive. Reculer m’est impossible. Ma seule option, c’est… avancer.}[br][br]

Je cogite trop, c’est mon gros défaut. J’ai toujours trop pensé, au lieu d’agir ou d’oser parler au bon moment. Je suppose que passer mon temps à douter ou à culpabiliser doit être un frein pour accéder à ce que le monde appelle le « bonheur ». En tout cas, ça explique en partie ma trajectoire cabossée. Mais je me soigne, je fais des efforts, je te le jure : j’ai changé. Je suis déjà passé à l’action, bien que les apparences ne jouent pas en ma faveur. À la base, je suis d’un naturel assez laxiste, pour ne pas dire totalement glandeur… Aujourd’hui j’ai enfin pris ma vie en main. Et la tienne aussi… Voilà où ça me conduit lorsque je prends les devants : je suis un clochard débutant. {Mais, non… Arrête de broyer du noir…} Il ne faut pas que je me laisse aller. Je chasse mes relents moroses pour détourner ma réflexion.[br][br]

{Comme j’ai hâte de la revoir.}[br][br]

En voilà de l’espoir ! En y songeant, mon cœur se serre. Je prie seulement pour ne pas la rater ce matin. Ça fait un bout de temps que je n’ai pas posé mon regard sur elle. Si aucune patrouille ne traîne dans les environs, si aucun risque ne se présente, je pourrai enfin l’observer. Ça va me faire un bien fou.[br][br]

Je jette un coup d’œil sur ma gauche, mon regard se pose sur cette station essence qui vient de mettre la clé sous la porte. Au loin, Michigan Central Station me nargue, j’imagine les premières lueurs du soleil qui vont lécher sa surface. Je songe à l’architecture oxydée qui profite d’un fauve bienveillant soutenu par des reflets mordorés. J’imagine les dizaines de nuances ocre affichées sur les rares fenêtres qui ne sont pas brisées. C’est un sacré spectacle pour celui qui sait l’apprécier. Je pense à cet instant précieux où le gris omniprésent se retire du paysage. Mais je ne vais pas y assister. Dans quelques heures, je serai déjà loin si tout va bien…[br][br]

À mes pieds, j’observe l’objet du forfait. Un vulgaire sachet jeté à terre après avoir donné un coup de canif au contrat conjugal. C’est une trace du passage de l’homme que je traque. Tapi dans l’ombre, j’ai dû assister à un adultère consternant de banalité. Une beauté plastique secouée dans une voiture qui vend du rêve. De la buée sur les vitres durant des coups de reins mécaniques pour soulager les hormones dictant la conduite de ce chien en rut. Collecter ses capotes gavées de fluides corporels ne m’enchante pas, loin de là. Le silicone est encore tiède, il a eu la délicatesse d’y faire un nœud. Je saisis du bout des doigts ce préservatif repoussant, bravant un haut-le-cœur féroce, pour le placer dans une petite boîte jaune en PVC qui accueillait autrefois des biscuits. Voilà qui est fait, je peux m’en aller.[br][br]

Le temps joue contre moi, et contre toi. Les heures nous poussent inexorablement vers le dénouement. Je suis à pied, c’est le moment de filer. La route est longue et ma foulée réduite par l’usure. De toute manière, je sature de ce silence qui m’entoure. La gare désaffectée en arrière-plan m’oppresse à bien y réfléchir. Voilà la vérité, celle qui me revient en plein visage nuit après nuit. Ce silence révèle en moi l’immense vide intérieur que je ne parviens pas à combler. Cette bâtisse à l’abandon me rappelle à quel point je n’ai pas été à la hauteur. À quel point je n’ai pas su te protéger. Il me tarde que le tourbillon de la rue prenne le relais. J’aurai l’illusion d’appartenir à un tout, même si je me sais pertinemment exclu.[br][br]

Je contemple Brush Park une dernière fois et je pense à toi. Oui, je pense à toi tout le temps. J’espère que tu as la force de me pardonner. Ou que tu trouveras cette force un jour. J’ai la faiblesse de croire que tu pourras comprendre ce que j’ai fait. C’est une des raisons qui me poussent à mettre un pied devant l’autre. Pour tout te dire, j’ai encore du mal à accepter tout ça. Parfois je t’écris, en supposant que tu ne me liras jamais. Parfois je note des bribes du passé pour ne pas oublier. Parce que cette douleur est le trait d’union entre ce que j’étais et ce que je vais devenir. Parce que mes actes sont condamnables, et mon inaction jusqu’ici me rend coupable d’une certaine manière. Parce que ce que je m’apprête à faire est encore pire. Parce que la souffrance me définit en partie depuis quelques années.[br][br]

Je suis un mélange d’espoir innocent et de mauvaises décisions. C’est difficile de se dire qu’on est à la fois un dommage collatéral et un détonateur. En mon for intérieur, je porte la faute et la sanction. Je ne suis pas en train de me plaindre, ne te méprends pas… Quelque part… Je l’assume. Il m’arrive même d’être piqué au vif par quelques étincelles optimistes, j’oscille entre vague à l’âme et détermination sans faille.[br][br]

Ce soir, c’est vrai… je suis plutôt dévoré par le doute. Ce n’est pas rare et je me dis que ça va passer. Alors je respire un grand coup afin de me motiver. Je me persuade d’avoir fait tout ça pour une bonne raison. Parfois j’ai peur d’avoir fait un mauvais calcul. Parfois je perds la foi, même si au fond, je sais que j’avance pour toi. Il m’arrive de vouloir jeter l’éponge, c’est vrai… Mais j’imagine toujours que ça va s’arranger. Je me projette de temps en temps, dans une autre vie avec d’autres cartes en main. Un autre lieu. Un autre moi. Un autre toi. Une dimension parallèle dans laquelle on se dit de bien jolies choses. Un beau pays dans lequel on aurait davantage de veine. Ça m’aide à tenir en règle générale. Parfois, ça ne marche pas. La rue émousse l’esprit le plus vif, j’en ai fait l’expérience. Elle atténue mes volontés les plus férocement ancrées. {Ne te laisse pas aller !}[br][br]

Je n’ai pas le droit de flancher. Parce que je te le dois. Parce que faiblir dans la rue, c’est mettre un pied dans la tombe. Adossé à un saule pleureur, j’essuie mes larmes au milieu de ce parc. L’ironie ne manque pas de sel, c’est déjà ça. Détroit s’éveille doucement sous mes yeux embués. Accueillant un matin d’été prometteur pour certains, dévastateur pour d’autres. Rien n’est encore joué, tout dépend de quel côté de la barrière on se trouve. Dans mon coin, je vais m’efforcer de ne pas gâcher cette journée en poussant mon projet du mieux que je le peux. Au fond de moi, j’ai la conviction que le bout du tunnel n’est plus très loin. Si je m’en tiens au Plan, il me reste peu à endurer. Accroché à cette note d’espoir, je vais puiser dans mes dernières ressources. Je vais mettre la détermination qui me reste à profit pour la Suite. Car j’ai écrit une Suite, tu peux me croire.[br][br]

La boîte jaune rejoint mes affaires. Je quitte ma place, il me faut décamper. Les environs sont bien trop fréquentés, même aux premières lueurs du jour. Après tous ces efforts, je m’en voudrais de me faire chopper à cause d’un joggeur un peu trop zélé. Mon sac regagne ce dos qui me fait souffrir. Je me mets en mouvement sans réelle envie. Seul naufragé de la vie au centre de cet espace vert, je suis l’unique mauvaise herbe au milieu d’un gazon impeccable. Me voilà en errance, dans les allées de gravier, battu par un vent du nord en bout de course. Sans me retourner, je m’efface dans la ville pour repasser du côté des ombres qui n’ont pas de toit.[br][br]

Il me faut fuir, me fondre dans la masse et ne pas faire de vague. Une fois de plus, je vais tout faire pour être invisible et tâcher de rester sous les radars. Il me faut patienter sagement jusqu’à ce que le moment d’agir pointe son nez. Disparaître dans les artères crasseuses de Détroit est un jeu d’enfant, j’ai juste à attendre que ça se tasse en restant éveillé dans un coin isolé. Qui se soucie des SDF, honnêtement ? Il suffit d’éviter les axes principaux, les quartiers sympas ou encore les zones de non-droit et le tour est joué. Je pourrais me terrer dans les égouts ou prendre mon mal en patience dans un vieux dépôt. Mais avant toute chose, je dois la voir. J’en ai besoin pour avancer. J’ai besoin de savoir où j’en suis. Il le faut.[br][br]

J’écrase un bâillement en me disant qu’il y a des jours comme aujourd’hui où je donnerais n’importe quoi pour m’effondrer dans un lit entre quatre murs. Bien sûr, le confort me manque. Un bon lit. Une douche chaude. Un café brûlant. La télévision en bruit de fond. Facebook me manque. Elle me manque. Oui, parfois je pense à revenir chez moi, mais comme tu le sais… Je ne peux pas.[br][br]

Remonter Michigan Avenue en passant devant la station de métro me replonge en enfance. Je suis né ici, j’ai vécu ici et, si tout va bien, je crèverai à mille lieues d’ici. Lorsque j’étais gamin, j’allais à l’école à pied en foulant ces mêmes trottoirs avec mon père. J’ai fait ce trajet des centaines de fois. À l’époque, personne n’imaginait que Détroit allait finir comme ça… Et… J’étais très loin de penser que j’allais vivre comme ça. Je devine Grand River qui se profile au loin. Ensuite ? Je vais marcher, encore et encore pour laisser le centre-ville derrière moi et ses gratte-ciels hideux. Mes pieds me porteront jusqu’aux portes du quartier dans lequel je vivais avant que le ciel ne me tombe sur la tête.[br][br]

Après d’interminables kilomètres avalés non sans mal, j’arrive enfin à destination. Je parcours les derniers mètres avec une excitation difficile à maîtriser. Plus je progresse et plus la chaussée, les trottoirs et toutes les infrastructures font pitié. Inutile de te dire que cette zone est loin d’être une priorité pour Mike Duggan, le pantin démocrate qui nous sert de maire depuis deux ans. Je suis sur le point d’arriver, mon cœur s’emballe et je me surprends à sourire. Je croise les doigts pour que la place soit libre. Les bons coins sont pris d’assaut, il y a de plus en plus de mecs comme moi dans les parages. C’est la crise, qu’est-ce que tu veux…[br][br]

Sur place, tout est calme, c’est parfait. Je vais pouvoir m’installer et admirer le spectacle. Sur ma droite, sous le porche d’un local commercial à louer, je prends position dans mon poste d’observation. C’est un de mes points de chute. Un peu reculé. Une vue imprenable, non loin des carrefours de Warren Avenue et ses milliers de voitures qui vont et viennent chaque jour. J’ai habité dans ces blocs quelque part par là. Entre ce pavillon brûlé et le dépôt de boisson qui a fermé. Je vivais ici, dans ma vie d’avant…[br][br]

De l’autre côté de l’avenue, la porte du hall de l’immeuble s’ouvre. Elle est pile à l’heure ! Mon palpitant s’arrête. Avant qu’elle ne sorte, je me l’imagine avec les traits tirés par les épreuves qu’elle traverse. Mais elle affiche plutôt une bonne mine. Si j’ai perdu beaucoup de poids, elle semble avoir pris quelques kilos. Sa silhouette s’est modifiée mais je la trouve toujours à tomber. Ses cheveux bruns détachés tombent sur un chemisier turquoise rehaussant un teint hâlé. Elle a du style, elgreenle en a toujours eu. Je pourrais tuer pour sentir une nouvelle fois l’essence boisée envoûtante qu’elle porte. Je voudrais me noyer dans ces notes de fleur de lin capturées par sa peau mate. Je suppose qu’elle part à l’hôpital. Je me délecte de son visage de poupon et de son regard caramel alors qu’elle observe autour d’elle nerveusement. D’une démarche alerte, elle finit par sauter dans notre voiture avant de s’insérer sur la route. J’ai enfin pu la voir, ça faisait longtemps. Elle a l’air de tenir bon. Elle a l’air de faire face. La force de caractère de ta mère m’étonnera toujours. Je crois que c’est pour ça que je n’ai jamais cessé de l’aimer.[br][br]

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A propos de l'auteur

Matthieu Biasotto

Auteur indépendant toulousain, rêveur compulsif et accro au café. J'écris du thriller, du suspense avec une touche existentielle.

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Invité
Sandrine
8 années il y a

Bonjour

Votre livre est il disponible en version papier ?
Si oui ou peut on se le procurer le premier chapitre donne envie

N'hésite pas à m'aider dès maintenant à construire le monde de demain : me soutenir ❤️

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