On ne peut gagner sa liberté qu’en montrant à l’ennemi que l’on est prêt à tout pour l’obtenir.
Malcom X
Avant de poursuivre avec ma pelote, je vais t’avouer quelque chose, j’ai cru au récit officiel, surtout au début. Vraiment. Je veux dire que j’y ai cru de toutes mes forces. J’ai eu peur, je suis allé faire mes courses en apnée au premier confinement avec une trouille bleue et une écharpe sur le visage, faute de masque. J’ai même porté des gants stériles, je m’en souviens encore. Je me suis désinfecté presque nu dans mon garage, en laissant les sacs du supermarché plusieurs heures loin de ma femme et des enfants. J’adhérais tellement au récit officiel que je redoutais qu’on déconfine trop vite, oui, j’étais comme tout le monde et je voulais bien entendre cette théorie de la revanche de la nature sur les excès de l’espèce humaine. Mais c’était avant de me pencher sur la Dre Shi Zhengli, la Bat Woman de Wuhan…
Le 3 mars 2009, lors de la 3e conférence des dix femmes les plus remarquables de l’Académie chinoise des sciences et du rapport sur les actions avancées, Shi Zhengli reçoit son titre honorifique. Une consécration pour la chercheuse après 19 années passées au sein de l’Institut de virologie de Wuhan à étudier les virus. Une chercheuse discrète, humble, à la vie frugale selon ses collègues, et totalement focalisée sur l’objet de ses recherches : les virus des chauvesouris.
De 2002 à 2003, le SRAS éclate dans certaines régions de Chine. Dans le cadre du déploiement global de l’Institut de virologie de Wuhan, Shi Zhengli, en collaboration avec des scientifiques chinois et étrangers, mène des recherches approfondies pour retracer l’origine du virus du SRAS jusqu’aux chauves-souris.
À cette époque, l’expérience nécessitait d’aller dans la nature pour collecter des échantillons de chauvesouris, et l’ensemble du processus était très laborieux. « Mme Shi a non seulement participé à l’ensemble du processus, mais a également emmené tout le monde escalader la montagne et entrer dans la grotte. »
La Bat Woman de Wuhan, un surnom sur mesure.
En décembre 2006, notre Bat Woman coécrit avec ce cher Peter Daszak (d’EcoHealth Alliance) un article sur les maladies infectieuses émergentes. Plus précisément sur les coronavirus de type SRAS chez les chauvesouris. Elle y aborde le rôle des récepteurs ACE2, une protéine clé qui empêche (à l’époque) la transmission à l’homme.
En octobre 2013, le duo Shi Zhengli et Peter Daszak publie un nouvel article, « Isolation and characterization of a bat SARS-like coronavirus that uses the ACE2 receptor ». On y apprend que le coronavirus semblable au SARS utilise ces fameux récepteurs ACE2, et que la chauvesouris « fer à cheval » chinoise est un potentiel réservoir naturel du SARS-Cov-1.
Le 31 janvier 2015, au terme d’une collaboration sino-française, le chantier du laboratoire P4 de Wuhan prend fin. Imagine un immense immeuble en briques rouges au bout d’une route à 6 voies. Juste à côté, un bunker sécurisé de 4 étages avec 4 labos étanches qui ressemble à une prison. Et un dernier bâtiment blanc et rectangulaire sur lequel est écrit « Wuhan Institute of Virology ». Un symbole d’un partenariat entre la France et la Chine vient de naître.
Mais la collaboration n’est qu’une façade, les Chinois tiennent à reprendre le contrôle et les chercheurs français censés venir partager leur connaissance ne viendront jamais. D’ailleurs, la coopération franco-chinoise espérée entre le P4 Jean Mérieux-Inserm de Lyon et celui de Wuhan ne verra donc jamais vraiment le jour.
Le 9 novembre 2015, la Dre Shi Zhenglin assistée de Xing-Yi Ge publie un article dans la revue scientifique Nature. Dans l’étude intitulée « Un groupe de coronavirus de chauvesouris en circulation semblable au SRAS montre un potentiel d’émergence humaine », on évoque le recours à un système de « génétique inverse » pour générer et caractériser un virus chimérique qui réplique la protéine de pointe SHC014 de la chauve-souris.
Et ce fabuleux coronavirus de synthèse codant la pointe SHC014 peut enfin utiliser facilement les récepteurs ACE2. Merveilleux ! Les tests in vitro démontrent que la réplication dans les cellules des voies respiratoires humaines est prometteuse. In vivo, c’est aussi la fête, « les expériences démontrent la réplication du virus chimère dans le poumon de la souris avec une pathogenèse notable ». En clair = on a enfin bidouillé un coronavirus de chauvesouris qui peut infecter l’homme.
Elle est pas belle, la vie ? Et pour couronner le tout, il se trouve qu’un certain Ralph Baric du Département d’épidémiologie à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, a dirigé cette étude.
Bref, quand il n’y a pas Peter Daszak d’EcoHealth Alliance dans les parages, c’est Ralphounet de Chapel Hill qui prend le relai.
Le 27 février 2017, l’Institut de virologie de Wuhan reçoit sa certification pour étudier les agents pathogènes les plus dangereux du monde. C’est le seul laboratoire accrédité de niveau de biosécurité 4 en Chine, il a couté 300 millions de yuans[1] et c’est notre Bat Woman qui va le diriger. D’ailleurs, elle ne va pas chômer.
Le 30 novembre 2017, elle annonce dans un article publié sur PLOS Pathogens avoir découvert un réservoir de gènes coronavirus liés au SRAS de chauve-souris. Plus précisément, Shi Zhengli parle de la chauve-souris fer à cheval qui habite une grotte dans la province du Yunnan. Ce « pool » naturel de chauve-souris « fournit de nouvelles informations sur l’origine du coronavirus du SRAS ». Et tu peux la croire sur parole, elle en connaît un rayon.
Il faut dire que Bat Woman catalogue, recense, détient et élève des chauves-souris depuis plus de 15 ans. Son laboratoire dépose même un brevet pour une cage d’élevage ainsi qu’un autre brevet décrit comme « procédé d’élevage artificiel de chauve-souris insectivores sauvages ».
Dans son curriculum vitae, la Dre Shi Zhengli a mentionné avoir reçu des subventions de source gouvernementale américaines totalisant plus de 1,2 million de dollars, dont 665 000 dollars des National Institutes of Health (NIH) de 2014 à 2019, ainsi que 559 500 dollars de l’USAID sur la même période. En revanche, elle est plus discrète et moins transparente sur les financements qui la lient directement à Peter Daszak et EcoHealth Alliance…
J’arrête de jouer la suspicion et reprends le fil de mes dates. Le 5 janvier 2018, le labo P4 de Wuhan est inauguré en présence de ministres français et chinois, mais aussi de Yves Lévy, alors président de l’INSERM et époux d’Agnès Buzyn – ministre de la Santé de l’époque. J’évite tout commentaire pour ne pas faire une rechute de complotisme et j’enchaîne.
Peu de temps après, le 19 janvier 2018, des diplomates scientifiques américains sont envoyés dans le laboratoire de Wuhan. Cette petite visite n’était pas la première, faut-il y voir un signe de méfiance ? Toujours est-il que la délégation américaine est dirigée par Jamison Fouss (consul général à Wuhan) et Rick Switzer (conseiller de l’ambassade pour l’environnement, la science, la technologie et la santé). L’Institut de virologie de Wuhan va d’abord communiquer officiellement le 27 mars 2018 à propos de cette visite, avant d’effacer son communiqué de presse début avril 2018. Pourquoi ?
Il se trouve que les responsables américains ayant rencontré notre Shi Zhengli étaient si inquiets suite à leur petit tour du propriétaire qu’ils ont renvoyé à Washington deux câbles diplomatiques classés comme sensibles (mais non classifiés). Les messages ont mis en garde contre les faiblesses de sécurité et de gestion au sein du laboratoire et ont proposé plus d’attention et d’aide.
« Lors des interactions avec les scientifiques du laboratoire WIV, ils ont noté que le nouveau laboratoire manquait sérieusement de techniciens et d’enquêteurs correctement formés pour faire fonctionner en toute sécurité ce laboratoire à haut confinement. »
« Les chercheurs ont également montré que divers coronavirus de type SRAS peuvent interagir avec l’ACE2, le récepteur humain identifié pour le coronavirus du SRAS. »
Tu vois, la petite expérience de « génétique inverse », le virus chimérique, tout ça… ça ressemblait quand même à un gain de fonction, mine de rien. Et nos ricains n’ont pas trop apprécié. C’est ironique quand on y pense, puisqu’ils ont financé une partie des travaux, à moins que cette posture ne soit tout simplement du bluff.
Et pour finir de tirer sur la toile de Shi Zhengli, du 7 ou 24 octobre 2019, l’Institut de virologie de Wuhan a été fermé potentiellement en raison d’un évènement dangereux. C’est un scoop de la chaîne NBC qui nous l’apprend le 9 mai 2020. En effet, le rapport des agences de renseignements américaines – obtenu par l’unité de vérification NBC News basée à Londres – indique qu’il n’y a eu aucune activité de téléphone portable dans une partie à haute sécurité de l’Institut de virologie de Wuhan du 7 au 24 octobre 2019, et qu’il peut y avoir eu un « évènement dangereux » entre le 6 et le 11 octobre.
Il se dit que le premier cas confirmé de Covid-19 en Chine remonte au 17 novembre 2019. Le South China Morning Post rapporte que des dossiers gouvernementaux suggèrent que la première personne infectée par cette nouvelle maladie pourrait avoir été un résident du Hubei âgé de 55 ans. On verra par la suite que ce n’est pas tout à fait exact.
Alors, avec notre fil rouge entre les doigts, se pose naturellement la question de l’accident de laboratoire. Après tout, ce ne serait pas la première fois qu’un virus dangereux s’échappe d’un labo… Je pense naturellement au SARS de 2003, mais revenons à notre question.
Pour tenter d’y répondre, j’imagine qu’il nous faut extraire la longueur de laine qui représente le cours de l’histoire entre « l’évènement dangereux » et la première contamination. Qu’est-il arrivé entre le 6 octobre et le 17 novembre 2019 ? Avant de te fournir les éléments capables d’apporter un peu de lumière, on doit, tous les deux, dérouler la laine d’un enchaînement de faits pour le moins étranges…
[1] 38 millions d’euros
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